La plaie des cotisations patronales

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Par Dominique Michaut Publié le 7 septembre 2017 à 5h57
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cc/pixabay - © Economie Matin
23%L'auto-entrepreneur ne paie que 23% de cotisation sur ses revenus au régime social des indépendants

Les cotisations dont il s’agit sont celles qui ont pour assiette la rémunération du travail. Elles sont des éléments des salaires entiers, en contreparties marchandes d’un travail-ouvrage.

D’un travail-ouvrage et non pas d’un travail-dépense. Ce « non pas » n’est ni abscons ni vétilleux. Le calage de la réorientation logique de la théorie économique par celle de la marchandise comporte le repérage initial des significations du mot « travail », sous-entendu humain.

La fourniture par un employeur à un salarié d’un avantage en nature est de fait un élément du salaire complet de la personne employée. Ce n’est que par de la casuistique qu’on en vient à voir dans un emploi au pair l’absence d’un salaire, lequel en ce cas est en réalité constitué par la fourniture du gite, du couvert et de titres de transport. Faire comme si de telles fournitures étaient des subventions contrevient à ce qu’elles sont de fait. Les parts étiquetées patronales des cotisations dont l’assiette est du salaire sont des fournitures de cette sorte. Faire comme si ces parts étaient des subventions de l’employeur dénie ce qu’elles sont, à savoir une fraction des vrais salaires bruts.

La distinction entre part patronale et salariale est factice

Les cotisations réputées patronales qui ont pour motif le versement d’un salaire sont salariales. Elles font intégralement partie des salaires entiers, ou complets comme on voudra. C’est de la totalité de ces derniers que les faits obligent à reconnaître qu’ils sont des charges patronales. Arrêtons donc de jouer au chat et à la souris avec cette évidence, que fort significativement presque tous les éducateurs perpétuent comme s’il y avait là une vérité à cacher : par définition de l’échange économique entre l’employeur et l’employé, tout ce qui a trait au salaire est à la fois aussi bien patronal que salarial et salarial que patronal !

Le « coût du travail » est la somme du salaire net, celui que le salarié perçoit en numéraire, et du salaire indirect, facticement réputé être à seule charge de l’employeur. Maintenir la fiction de cette réputation contrevient à des constats impossibles à éluder. Aussi bien en comptabilité générale qu’en comptabilité analytique et en contrôle de gestion, les frais de personnel décomptés parmi les charges sont les salaires entiers, cotisations réputées exclusivement patronales comprises.

La fiche de paie vérité promue par Jacques Bichot

À une condition, l’abrogation de la part patronale des cotisations dont l’assiette est du salaire ne change rien aux montants des salaires nets. Cette condition est qu’au jour d’entrée en vigueur de l’abrogation les salaires bruts soient augmentés au centime près des cotisations auparavant réputées patronales. Une illustration numérique de ce scénario se trouve aux arguments 5 et 6 de la proposition 9.4.

Dans les alertes et courageux articles et livres écrits par le professeur Jacques Bichot ces dernières années, le scénario d’abrogation des parts patronales prend la forme de l’instauration de la fiche de paie vérité. L’un des neuf articles que je consacrerai à la politique économique fera plus avant état de cette contribution (dont références bibliographiques), tout en m’efforçant de montrer que l’instauration de la fiche de paie vérité atteindra ses buts, et probablement se révélera réalisable, à condition d’être l’amorce d’une réorganisation générale du marché du travail et de la fourniture aux ménages de sécurités économiques. Voici principalement pourquoi.

Trois défauts sont inhérents à la fiction des cotisations réputées exclusivement patronales

Le premier défaut de la fiction des cotisations patronale est de bloquer une autorégulation. Elle met, en effet, les assurés en position d’abuser et de laisser abuser de prestations, faute de se rendre compte ce qui leur en coûte collectivement. Un lien de gestion consubstantiel au principe même de la mutualisation est dénoué.

Le deuxième défaut de la fiction des cotisations patronales est de fournir aux employeurs un titre usurpé de participation à l’administration de fonds considérables. En dernier ressort, et comme les impôts sur les revenus du travail, ces fonds proviennent des particuliers et d’eux seuls. Leur administration confiée à des sociétés par actions restituables, toutes détenues par des particuliers (aucune entreprise, aucun quasi-capital), est d’autant moins à exclure qu’elle est susceptible de devenir exemplaire en économie de plein échange (respectivement sur les actions restituables et sur le quasi-capital, Economie Matin du 20 avril et du 13 avril).

Le troisième défaut de la fiction des cotisations patronale est de faire porter sur des prix sous-évalués les négociations collectives d’évolution de salaires. De plus, tant qu’il existe des régimes différents de couverture sociale, notamment entre le secteur privé et le secteur public, le biais est celui de prix inégalement sous-évalués.

Oui, résolument oui, au salaire minimum légal

Le troisième défaut de la fiction des cotisations patronales est d’autant plus pénalisant que rendre les salaires comparables au sein d’un pays améliore le fonctionnement du marché de l’emploi dans ce pays. Dans les arguments portés à l’appui de cette considération se trouve notamment le suivant.

Un salaire horaire minimum légal étalonne la comparaison des rémunérations du travail. Cette seule considération suffit à justifier l’instauration d’un salaire minimum légal, pays par pays. Il est vrai que ce minimum légal joue moins bien sa fonction d’étalonnage lorsqu’il n’y a que les plus bas salaires qui sont couramment exprimés à l’heure. Mais cela aussi est un défaut auquel est-il est possible de remédier, d’abord en reconstruisant sur des bases plus véridiques la théorie des revenus du travail par la reconnaissance que situera mon prochain article.

La manigance institutionnalisée des prix élémentaires

À en croire ses apologies les plus ronflantes et les moins rigoureuses, le libéralisme économique rendrait de lui-même souverains les individus. Les pouvoirs qui maintiennent minorés les prix de deux catégories élémentaires d’échanges économiques privent, au contraire, la plupart des individus de participation sonnante et trébuchante aux arbitrages ouverts par moins de détournements de ces pouvoirs.

L’un de ces prix élémentaires est celui du placement d’épargne en capital, ce prix étant exposé à sa minoration par : 1) la compression, pour autofinancement, de la part du profit dans les bénéfices d’entreprise (Economie Matin du 4 mai), 2) la normalisation en souffrance du taux de profit sur capital (Economie Matin du 11 mai). L’autre prix élémentaire est celui du travail, minoré au moyen de l’artifice des cotisations patronales (ainsi que de désinvoltures supplémentaires de la puissance publique dans ses fonctions d’employeur, dont retraites par transferts alimentés par les contribuables et l’endettement).

Réorientation de l’analyse économique et maturité démocratique

Le peuple sera plus réellement souverain lorsque l’une après l’autre les captations de pouvoir qui viennent d’être évoquées auront été abolies. Mais pour l’heure la préparation de ces abolitions patine parce que les intelligentsias ne cherchent pas dans la réorientation logique de l’analyse économique de quoi progresser vers davantage de maturité démocratique. Il y a lieu de se demander si cette abstention est la raison la plus décisive du manque de soutiens à l’abrogation de la fiction des cotisations patronales.

Au demeurant, cette même abstention désarme contre l’étatisation qui évince la mutualisation, ce qui tire le verrou aux fournitures de sécurités économiques aux ménages moins à la façon de Bismarck qu’à celle de Beveridge (ce dernier patronyme met les moteurs de recherche sur la piste d’indications historiques sur ces façons différentes).

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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