L’Allemagne est officiellement rentrée en résistance contre la politique monétaire de la BCE. Ses deux porte-paroles principaux sont Carl Ludwig Thiele de la Bundesbank et Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances.
Ironie du sort, c’est sous la pression de l’Allemagne que l’indépendance de la BCE a été gravée dans le marbre de la construction européenne. Pour que l’Allemagne rue dans les brancards et conteste l’action de la BCE, il faut donc que la situation soit grave.
Carl Ludwig Thiele s’est exprimé officiellement à Berlin le 13 avril dernier condamnant la volonté d’imposer une économie fonctionnant sans cash. Thiele a prévenu que la tentative d’abolir et de criminaliser le cash était incompatible avec la liberté. Il estime que les citoyens doivent pouvoir continuer à décider comment et sous quelle forme ils veulent utiliser leur argent.
Schaüble, de son côté, a ouvert publiquement en Allemagne le débat sur le bien-fondé de la politique de taux bas et de ses supposés bienfaits. Le 10 avril dernier, il a annoncé qu’il ferait campagne, en fin de semaine, à la réunion des ministres des Finances du G20, pour un relèvement des taux et a indiqué avoir dit au secrétaire du Trésor américain, Jack Lew, dans un entretien téléphonique : « vous devez encourager la Réserve fédérale et nous devons, de notre part, encourager la BCE […] à sortir de cette politique » .
Le 11 avril, Schaüble en remet une couche dans le Welt am Sonntag, pointant la « politique à haut risque de la BCE qui produit un trou béant dans les systèmes de retraites » . Qualifié d’homme le plus dangereux d’Europe par le média en ligne Atlantico, Schaüble lutte contre le travail de sape du vrai capital, l’épargne, entrepris depuis 2008 par la BCE.
Aux yeux des économistes keynésiens qui gouvernent l’euro, les Allemands sont coupables du crime d’épargne et d’un manque de confiance dans l’Etat-Providence. Or même si l’Etat-Providence est surendetté, il ne peut être contesté. Les Allemands préfèrent aussi financer leur fameux mittelstand, ces grosses PME performantes, plutôt que des dépenses publiques électoralistes ou des entreprises publiques à la gestion malsaine comme EDF, Areva, Air France et autres fleurons du capitalisme d’Etat à la française.
En Allemagne on privilégie l’industrie familiale, l’épargne individuelle et un système de protection sociale qui laisse une place à la responsabilité et aux choix. Les Allemands ont un système de retraite par capitalisation qui s’accommode très mal des taux bas. En Europe du sud et en France, on préfère l’interventionnisme public, la taxation et la mutualisation de toutes les dépenses sociales — quitte à sacrifier les jeunes générations.
Commentaire de texte
Si vous voulez mieux mesurer ce qui sépare la France de l’Allemagne, je vous propose une lecture commentée du papier d’Atlantico. Wolfgang Schaüble y est présenté comme l’ennemi public n°1 de l’Europe.
Regardez cette photo bien choisie qui illustre l’article, le regard froid, déterminé et implacable de l’exterminateur de cigales. Mais ce n’est pas tout. Voici ce que vous pourrez y lire :
« Les principes de Wolfgang Schäuble s’articulent autour de l’équilibre des dépenses publiques, visant à réduire le niveau de dettes publiques à son maximum, sur la capacité de l’Allemagne à exporter tout ce qu’elle peut, et à une politique de 0 inflation. Et ce en pensant qu’une politique de ‘bon père de famille’ produira de la croissance par la voie de la ‘confiance’, c’est-à-dire comme par magie. Soit le degré zéro de la réflexion économique. On est ici bien plus proche de la morale ou de la vertu que de la réalité. Evidemment, la priorité doit d’abord être celle de la croissance, qui, elle seule, permettra d’obtenir des résultats sur les autres fronts que sont le chômage, les dépenses publiques et la dette ».
Le ministre allemand des Finances est donc un crétin qui mérite un zéro pointé en économie. Il s’appuie, ce naïf, sur la morale, une gestion saine et la vertu. Les Allemands n’ont qu’une idée en tête : exporter et noyer le monde sous les Mercedes, les Audi, les Volkswagen, les machines-outils.
« Cette vision moraliste de l’économie vise à transposer des principes micro-économiques simples à un Etat (un Etat, c’est comme un ménage… bla bla bla), alors qu’un Etat se gère sur les principes de la macro-économie, et en premier lieu, avec une politique monétaire ».
Pour ce journaliste d’Atlantico, l’économie n’est pas la résultante de l’ensemble des activités humaines. C’est bien plus compliqué et seuls des économistes bien formés et omniscients sont aptes à piloter leurs congénères, à organiser tout ça. Herr Schaüble n’a rien compris à la magie de la politique monétaire qui consiste à opérer un mélange optimal entre plein emploi et inflation. La politique monétaire, elle, fabrique l’économie.
Notre journaliste ne semble pas avoir beaucoup étudié le cas intéressant du Japon, grand maître de la magie monétaire. Il se prend cependant les pieds dans son tapis keynésien.
« Wolfgang Schäuble veut en finir avec les taux bas et réclame des taux élevés pour les épargnants. Pourtant, les taux ne sont que le thermomètre du niveau de la demande ; plus les taux longs sont faibles, plus ils indiquent un niveau d’activité morose. Si les taux courts sont relevés, nous assisterons à une inversion de la courbe des taux, voyant les taux courts plus élevés que les taux longs, et le monde plongera alors en déflation. Ce n’est pas en truquant le thermomètre que l’on peut modifier la réalité ».
Il lui échappe que le but des manoeuvres de la BCE depuis 2008 est justement de « truquer le thermomètre ». En demandant l’arrêt des rachats obligataires par la BCE et la remontée du taux directeur, Wolfgang Schäuble veut au contraire laisser parler le thermomètre. Le taux directeur fixe le prix plancher auquel les banques commerciales ont le droit de créer de l’argent. Les rachats obligataires ou QE visent à faire croire qu’il y aurait de la demande pour de la dette d’Etats surendettés. Le « zéro de la pensée économique » est-il le journaliste d’Atlantico… ou le ministre des Finances allemand ?
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