Bitcoin, Ethereum… et autres Cryptomonnaies

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Par Gérard Dréan Modifié le 21 novembre 2022 à 18h51
Bitcoin Cash Cryptomonnaie
cc/pixabay - © Economie Matin
40 MILLIARDS $La capitalisation de Bitcoin est passée de 13,2 Mds$ en janvier 2017 à 40 Mds$ en juin 2017.

La concurrence entre cybermonnaies est un gage de durabilité et d’amélioration. Les moyens de paiement privés concurrents des monnaies d’Etat vont devenir « antifragiles ».

Dans l’univers des cybermonnaies, l’évènement majeur de l’année 2017 est la brutale montée en régime d’Ethereum. Bitcoin comptait encore pour 85% du total en février 2017 mais sa « part de marché » est tombée à 45% en juin alors que celle d’Ethereum a bondi de 7% à 28% en l’espace de trois mois (30% avec son avatar Ethereum Classic).

Ce recul relatif de Bitcoin ne s’est pas traduit par un recul réel : en termes absolus, la capitalisation de Bitcoin est passée de 13,2 Mds$ en janvier à 40 Mds$ en juin, et 71 Mds$ actuellement, tandis que dans le même temps celle d’Ethereum passait de moins de 1 Md$ à 33 Mds$ puis 32 Mds$ actuellement ! (source : coinmarketcap.com).

Cette flambée d’Ethereum, et à un degré moindre de Bitcoin, a entraîné un sursaut d’intérêt pour l’ensemble du secteur. Pratiquement toutes les cybermonnaies (dont il existe maintenant plus de 1 000) ont connu un brusque regain d’activité à partir de mars 2017, y compris celles dont l’encéphalogramme était plat depuis des mois voire des années.

Pour la plupart, le sursaut a été bref : un maximum dans la deuxième semaine de juin, une rechute avec un minimum autour du 16 juillet suivie d’un début de remontée plus ou moins vigoureuse – un schéma identique à celui de Bitcoin et d’Ethereum. Mais ce millier d’autres cybermonnaies ne totalise toujours guère plus de 10% de la capitalisation et du volume des échanges, ce qui les relègue dans des positions très marginales à moins de 1% du total. Il ne faut cependant pas exclure que certaines connaissent un jour un succès inattendu, ni qu’elles portent en germe des innovations qui seront demain cruciales.

Un secteur subitement dopé par la concurrence

L’explosion d’Ethereum est donc bien le phénomène majeur, qui entraîne celle de l’ensemble du secteur. Comment expliquer cette flambée spectaculaire ?

Chaque cybermonnaie n’est que l’unité de compte d’un certain système de paiement informatique auquel elle est indissolublement liée. Chacune de ces monnaies n’existe que dans et par ce système particulier.

« Posséder » une cybermonnaie n’est rien de plus que connaître la clé cryptographique qui permet de créer des transactions dans son système-hôte. Connaître les caractéristiques d’une cybermonnaie, c’est connaître celles du système informatique dont elle est partie intégrante.

Or Bitcoin et Ethereum sont deux systèmes de natures très différentes, non seulement par leur technologie, mais de façon plus significative par leur définition fonctionnelle.

Bitcoin est un système de paiement à vocation universelle, dont l’unité de compte, le bitcoin, a pour vocation de servir de monnaie dans les échanges de toutes natures.

Ethereum est une plateforme d’exécution d’applications, et son unité de compte, l’ether, est destinée à rémunérer l’exécution de ces applications.

Aucun service exclusif mais simplement une nouvelle façon de se procurer quelque chose

En acquérant des bitcoins, j’acquiers une possibilité d’acheter tous les biens et services dont les possesseurs accepteront le bitcoin en échange. Mais puisque ces possesseurs acceptent aussi d’autres monnaies, je n’acquiers en fait aucune possibilité vraiment nouvelle, seulement une nouvelle façon de me procurer certains services, qui peut présenter pour moi certains avantages mais n’est pas exclusive.

L’exécution d’une application Ethereum se paye en ethers. En acquérant des ethers, j’acquiers donc la possibilité de bénéficier des services des applications reposant sur Ethereum, dont je ne peux bénéficier par aucun autre moyen.

La valeur du bitcoin ne repose que sur la croyance que les acteurs économiques l’accepteront en échange d’un bien ou d’un service ; celle de l’ether repose aussi sur l’intérêt (ou l’utilité) que présentent les services offerts par les applications d’Ethereum.

Ethereum : une monnaie bien spécialisée dévolue aux applications informatiques

L’explosion du cours de l’ether va de pair avec l’arrivée massive d’applications reposant sur le système Ethereum, qui a été lancé le 30 juillet 2015. Après un délai d’incubation et de développement, les applications distribuées, ou Dapps, arrivent maintenant en masse.

Alors qu’aucune n’était opérationnelle il y a un an, le site State of the Dapps (dapps.ethercasts.com) en recense aujourd’hui 582 dont 150 opérationnelles, à peu près autant à l’état de prototype ou de démonstration, et le reste à différentes étapes de développement. Près de 100 définissent leur propre unité de compte.

Ces Dapps couvrent des domaines très divers allant du futile (les jeux et les paris en ligne) au très sérieux (assurances, finances, notariat, change), y compris des outils de développement qui contribueront à accélérer le processus. Il semble naturel de penser que la brusque valorisation de l’ether est une conséquence du déferlement des applications disponibles sur Ethereum.

Un duopole qui montre que les cybermonnaies sont là pour durer

Première leçon : le phénomène cybermonnaies est durable. Tant que Bitcoin à lui seul comptait pour plus de 85% de leur valeur, des esprits ignorants de ses fondements informatiques pouvaient penser qu’il s’écroulerait un jour de lui-même, entraînant tous ses imitateurs.

Le duopole est dorénavant solidement installé, et pour quelque temps. Il est sûr que nous allons pouvoir définitivement disposer de moyens de paiement privés concurrents entre eux, et concurrents des monnaies régaliennes. Une situation que les économistes contemporains ont évacuée de leurs analyses en faisant l’hypothèse commode que chaque Etat impose un monopole monétaire sur son territoire, ce que seule justifie leur volonté de puissance.

Il faut maintenant construire une théorie de la coexistence entre monnaies, en revenant aux fondamentaux de l’analyse économique.

La concurrence va conduire à l’amélioration et à l’antifragilité

Dans ce duel, Bitcoin a l’avantage de l’antériorité, Ethereum celui de la modernité et celui de l’étendue du domaine d’applications.

Les deux évolueront pour tenter de prendre l’avantage et maintenir leurs rivaux à distance et faire face aux défis que posera leur utilisation croissante, mais aussi pour résister aux tentatives de fraude, de prise de contrôle et de sabotage, dont celles en provenance des pouvoirs. Ces moyens de paiements apprendront à devenir « antifragiles » en sortant renforcés des crises qu’ils vivront.

Dans cette course, Ethereum est a priori le mieux placé parce que plus récent et structuré pour permettre ces évolutions. Dans son secteur, il a le même avantage d’antériorité sur ses concurrents, présents et à venir, que Bitcoin dans le sien. Mais Bitcoin reste soutenu par une communauté forte qui s’attache à le doter des mêmes fonctionnalités que ses concurrents et continuera à le faire tant que ce sera possible.

Néanmoins, il arrivera un moment où Ethereum prendra définitivement l’avantage, en attendant d’être un jour lui-même supplanté par d’autres systèmes, qui seront les descendants de quelques nouveaux venus encore à l’état embryonnaire, peut-être ceux où la chaîne de blocs sera remplacée par sa forme plus générale de « graphe orienté acyclique » (Byteball, IOTA).

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Gérard Dréan est un spécialiste français de l'école autrichienne. Il est diplômé de l'école Polytechnique, promotion 1954. Il a travaillé à partir de 1957 et pendant une trentaine d'années chez IBM, puis dans des sociétés de services en informatique. Il se consacre maintenant à la réflexion économique, en particulier à la pensée de Ludwig von Mises. Il a traduit et abrégé son ouvrage majeur L'Action humaine, dans une édition parue en 2004 aux Belles Lettres. Il est membre de la Société d’économie poli­tique et chargé de missions à la Fondation de l’École polytechnique

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