La mise sur le marché d’Aramco va débuter. La Chine compte bien y jouer un rôle important. Il faut être attentif aux initiatives de Pékin dans tout le Moyen-Orient. En Zone Euro peut-on lancer une revue stratégique sur la politique monétaire sans être clair sur les leçons de l’histoire économique en matière de monnaie, d’inflation, de croissance et de politique ?
Le marché attend l’accord entre la Chine et les Etats-Unis. La date initialement envisagée, le week-end des 16 et 17 novembre, est passée. Sans que cela ne soit ressenti négativement, puisqu’on savait depuis déjà un petit temps que le sommet des pays de l’Asie – Pacifique, qui devait servir de cadre à la rencontre entre les deux Chefs d’Etat, était annulé. Il n’empêche que le maintien d’une psychologie constructive au sein de la communauté des investisseurs passe par celui des anticipations sur une conclusion heureuse et rapide. Au risque, sinon, que les références à Godot ou à « sœur Anne » fassent florès.
L’Arabie saoudite a annoncé durant le week-end la mise sur le marché de 1,5% du capital de Saudi Aramco, la compagnie nationale d’hydrocarbures. Le prix proposé valorise la société entre 1600 et 1700 milliards d’USD. La valorisation est sans doute un peu plus faible qu’attendue (le Prince héritier n’avait-il pas évoqué 2000 milliards ?). De quoi peut-être assurer le succès de l’introduction, avec l’espoir à la fois d’un rendement assez élevé et d’une plus-value rapide pour les acheteurs ?
Qui seront les acheteurs ? On parle évidemment des « petits porteurs » saoudiens. Les conditions d’achat proposées sont suffisamment généreuses pour assurer le succès de cette partie de l’opération. Pour le reste, les investisseurs chinois sont souvent évoqués. Ils pourraient acquérir le quart des titres mis sur le marché. Les « bras armés » seraient le Silk Road Fund, Sinopec et le fonds souverain, China Investment Corp..
Pourquoi cette rencontre entre les intérêts saoudiens et chinois ? L’économie apporte sa part de l’explication. Pour l’Arabie saoudite, il y a une volonté de diversifier l’économie vers l’aval de la filière pétrolière et les marchés asiatiques, dont la Chine, sont une cible importante. Pour la Chine, il est clé de conforter l’accès au pétrole brut moyen-oriental, dont le poids dans la consommation a beaucoup augmenté au cours des dernières années : autour de 18% au début de la décennie et près de 28% aujourd’hui. Il ne faut pas laisser de côté la dimension géopolitique du rapprochement. L’Arabie saoudite cherche visiblement à consolider l’équilibre de sa diplomatie. L’attitude américaine devient plus difficile à lire et la Chine est un partenaire aujourd’hui incontournable. Pékin, au minimum, essaie de ne pas avoir à subir les conséquences négatives de la politique de Washington. Ses achats de pétrole iranien et vénézuélien n’ont-ils pas significativement baissé avec les sanctions américaines visant les deux pays ? Et puis, le rapprochement avec Ryad, tout en restant proche de Téhéran, permet d’avoir un levier sur une région très importante dans les équilibres du monde. Et enfin, comment ne pas imaginer qu’une Chine bien implantée au Moyen-Orient en profiterait pour franchir une nouvelle étape dans l’internationalisation du yuan ? Reste bien évidemment à évaluer ce que la réponse des autorités américaines sera.
Christine Lagarde, la nouvelle Présidente de la BCE, doit prononcer en fin de semaine son premier discours consacré à la politique monétaire. Quand on sait qu’une revue stratégique de celle-ci est annoncée, l’attention du marché ne pourra qu’être grande. La réaction en Allemagne aux débats engagés sera particulièrement suivie. On sait que dans ce pays la confiance dans la gestion de la BCE est limitée, avec en toile de fond l’idée qu’un réglage excessivement accommodant est tout à fait dangereux. N’est-ce pas en 2011 le ministre fédéral de l’économie qui déclarait devant le Parlement qu’« une leçon à tirer de l’histoire est celle-ci : quand la monnaie ne va pas, rien ne va ; l’expérience allemande montre la relation qui existe entre l’hyperinflation, la pauvreté de masse, la guerre et toutes les horreurs qui ont suivi » ? Et 40% des Allemands de considérer que l’hyperinflation et la dévaluation de la monnaie caractérisent la « grande dépression » en Allemagne. Interrogés sur le niveau de l’inflation en 1932, plus de la moitié l’estime supérieure à 10% et 15% d’entre eux pensent qu’elle dépassait 100%. A-peu-près personne n’est à même de dire qu’elle était en fait négative.
Peut-être qu’une « leçon de choses » sur le « conscient » et l’inconscient » en matière d’histoire économique dans chacun des pays-membres, serait une utile introduction à cette revue stratégique. Simplement pour tenter de réduire les biais nationaux et ainsi réussir à forger un consensus fort autour de ce qui est encore aujourd’hui le principal outil de politique économique à disposition de l’Europe.