Entrepreneur engagé dans le débat des idées avec les clubs de réflexion les IDées.fr et les Bâtisseurs de l’UDI présidés par Louis Giscard d’Estaing et Hervé Morin, je suis avec intérêt la réforme du code du travail engagée par le gouvernement d’Edouard Philippe, sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Pour rappel, nous avions souligné lors d’un colloque organisé en juillet 2015 la nécessité pour la France d'une refonte totale du mode de fonctionnement du marché du travail avec 4 axes de réformes :
- Une révolution copernicienne du code du travail en faisant primer l'accord de branche ou l'accord d'entreprise sur la loi, dans la mesure où ces mesures respectent les normes internationales de l'OIT et l'ordre public social
- La mise en place d'un contrat de travail unique à droit progressif qui remplacerait les autres formes de contrat (CDD, CDI) et qui constituerait une réponse à un double besoin : besoin de flexibilité des entreprises et besoin de protection des salariés = un système gagnant pour les employeurs et les salariés.
- Une fiscalité autour de l'objectif prioritaire nationale, la restauration de l'emploi (taux d’IS à 15%, 'imposition forfaitaire avec un plafonnement à 30 % sur les revenus du capital, alignement du taux de CSG/CRDS des revenus du capital sur celui des revenus du travail et maintien de l'ISF uniquement sur les biens de jouissance (hors résidence principales et détention d’action)
- Une réforme en profondeur de la formation professionnelle des individus avec notamment une alimentation du Compte Personnel de Formation avec un système d'abondement inversement proportionnel au niveau de formation initial du salarié afin de corriger les fortes inégalités d'accès à la formation entre qualifiés et moins qualifiés.
Aujourd’hui, force est de reconnaitre que le gouvernement d’Edouard PHILIPPE a engagé une réforme courageuse du code du travail, nécessaire pour donner confiance des Chefs d’entreprise et pour créer des emplois. Il est ainsi des ordonnances présentées le 31 août aux syndicats et ensuite à la presse.
Sur le fond, on peut souligner des points de convergences avec les propositions faites par le gouvernement :
- Tout d’abord la possibilité pour le Chef d’entreprise d’une TPE (moins de 11 salariés) d’échanger avec ses collaborateurs sur tout ce qui ne relève pas de la branche avec ses employés, et ce sans la participation d’un délégué syndical, alors que jusqu’ici seuls les accords portant sur les contreparties au travail du dimanche pouvaient être négociés et signés. Le référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur est désormais possible. Une disposition qui sera également possible pour les entreprises de onze à vingt salariés, avec la possibilité d’échanger directement avec un élu du personnel en l’absence de délégué syndical. Cette volonté de renouveau dans le dialogue social en le mettant plus proche du terrain est un point positif.
- Ensuite, une nouvelle organisation du dialogue social avec la création dans les entreprises de plus de 50 salariés, d’une une instance unique le « comité social et économique » (CSE) regroupant le comité d'entreprise (CE), le CHSCT et les délégués du personnel. On peut toutefois déplorer que le cela ne concerne que les entreprises de moins de 50 salariés alors qu’on aurait pu le porter à 250, (seuil entre les PME et le passage vers les ETI), comme le préconisait le MEDEF.
- Sur le volet sécurisation des relations du travail, nous sommes également d’accord sur les avancées proposées par le gouvernement, en l’occurrence le plafonnement des indemnités prudhommales et le fait qu’une entreprise ne pourra plus être condamnée sur la forme si les prud'hommes lui donnent raison sur le fond. C’est une mesure qui va limiter le risque lié à certains licenciements pour les entrepreneurs à la tête de TPE et de PME et les inciter à engager des recrutements de manière plus sereine !
D’autres articles ont retenu notre attention, comme celui consacré à la modification des accords de compétitivité avec des conditions de recours plus simplifiées pour les entreprises. Ils pourront être utilisés pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou pour préserver l’emploi. Le champ d’application sera beaucoup étendu avec la possibilité de négocier sur les salaires, la durée et l’organisation du travail avec la nécessité d'obtenir l'accord des représentants des salariés.
Grâce à la simplification des conditions de recours, les entreprises françaises pourront en cas de crise conserver beaucoup de personnel qu’auparavant, alors que nous avons détruit plus de 500 000 emplois dans les trimestres qui ont suivi la crise de 2008, et que l’Allemagne a conservé ses emplois avec une récession deux fois plus importante !
Nous sommes plus réservés sur la création du compte professionnel de prévention remplaçant le compte de pénibilité et sur le fait qu’il continue à verser des droits aux salariés, tout en supprimant les critères de calcul liés à ces droits. L’application pratique nous apparaît pour l’instant assez mystérieuse, une clarification s’impose.
Quant au CDI de chantier qui a vocation à s'arrêter au terme de la mission pour laquelle le salarié est engagé et à être étendu à d’autres secteurs que le BTP, c’est un outil intéressant pour les employeurs, mais nous aurions préféré la création d’un contrat de travail unique fusionnant le CDD + le CDI, et verser une prime de précarité pour tout contrat s’arrêtant durant les deux premières années. Ce dispositif aurait créé aussi de la souplesse et simplifié l’ensemble des contrats de travail.
Il en est de même sur la réforme de la fiscalité qui s’apparente à des va et vient avec des points positifs comme la création de la « flat tax » sur les revenus du capital, un Impôt sur les sociétés qui converge lentement vers la moyenne européenne mais un taux de CSG/CRDS qui augmente, une réforme de l’ISF qui risque de pénaliser les « petits » riches au profit des multimillionnaires et des baisses de charges trop minimes qui pénalisent encore nos entreprises vis-à-vis de nos voisins européens.
Nous attendons aussi de la part du gouvernement qu’il précise son intention sur la formation professionnelle qui absorbe plus de 30 Milliards d’euros de dépenses pour une efficacité discutable. Plutôt de vouloir dépenser à nouveau plusieurs milliards d’euros pour renforcer l’employabilité des travailleurs, il conviendrait tout d’abord de créer une agence de certification indépendante, comme cela existe dans d’autres pays comme le Danemark pour évaluer la formation continue et ses effets sur l’employabilité des salariés et des indépendants en France. Cette agence aurait pour objectif de rendre un rapport d’évaluation une fois par an, comme le fait la cour des comptes sur les comptes publics et de formuler des recommandations sur les formations à mettre en avant et celles sur lesquelles il est moins pertinent d’investir fortement.
Au global, le Gouvernement a des chances de réussir cette réforme du code du travail, en satisfaisant les employeurs sans « heurter » les syndicats réformistes qui se sont montrés ouverts au dialogue. Mais il devra faire preuve à la fois d’habileté et aussi d’audace sur les autres sujets liés à la fiscalité avec des baisses drastiques de charges qui sont vraiment nécessaires et un système de formation initiale et professionnelle qui devra s’adapter aux mutations économiques en cours et à celle du monde du travail pour que notre pays retrouve le chemin du plein emploi.