Les locataires qui souhaitent sous-louer leur appartement sur Airbnb devront réfléchir à deux fois avant de se lancer. Ce qui pouvait paraître une pratique anodine, le bon plan pour arrondir les fins de mois, peut désormais facilement devenir un cauchemar et même mener en prison. Le 6 avril, pour la première fois dans l'histoire du droit français, des locataires qui sous-louaient leur logement sur la célèbre plateforme californienne sans l'autorisation de leur propriétaire ont été condamnés à verser à ce dernier 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, par un jugement du tribunal d'instance du 5e arrondissement de Paris. Ils sous-louaient l’appartement depuis trois ans au prix de 700 euros par semaine.
Surprenante, cette décision avait pourtant un précédent. Dans une affaire jugée en février 2014, le tribunal d'instance du 9e arrondissement avait condamné un locataire à 2 000 euros d'amende, mais la décision du tribunal n'avait alors qu'une « valeur d'avertissement », cette somme représentant les frais de justice mais pas le préjudice subit par le bailleur. Mais le tribunal du 5e arrondissement, lui, a décidé de passer des avertissements aux vraies sanctions. Outre les 5 000 euros d'amende, les locataires ont dû verser au propriétaire 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure pénale pour les frais exposés pour sa défense.
La capitale française semble donc décidée à faire appliquer la loi. En effet, les députés parisiens avaient voté en début d'année un amendement visant à obliger les locataires qui louent leur logement de façon ponctuelle sur des sites comme Airbnb à prouver qu'ils ont l'autorisation du bailleur pour le faire. En l'absence de justification de la qualité de propriétaire ou de l'autorisation de celui-ci, les loueurs et les professionnels opérant en ligne risquent jusqu'à un an de prison et 80 000 euros d'amende ! Voilà qui devrait refroidir un peu les aspirants hébergeurs. Selon une enquête réalisée par Vivastreet, 84 % des Français ne souhaitent pas sous-louer leur logement. Ils savent sans doute que les sanctions judiciaires se durcissent et que les propriétaires disposent de nouveaux outils pour vérifier si leur logement est proposé à la location sur le Web.
La méfiance des propriétaires est facilement compréhensible. Un locataire qui sous-loue son appartement sans autorisation tire profit d'un bien à l’origine mis à sa disposition pour l'habiter et non pour gagner de l'argent. Il viole ainsi les termes du contrat de bail et augmente les risques de dégradation du bien. Le propriétaire, qui ne connaît pas les sous-locataires, peut légitimement craindre que ceux-ci ne troublent le voisinage ou fassent un usage irrespectueux des lieux.
Selon le texte voté en janvier à l'Assemblée, le locataire doit obtenir une autorisation écrite du bailleur et la transmettre aux professionnels qui, opérant en ligne, assurent un service de mise en relation en vue de la location d'hébergements. Si le locataire a signé son bail après le 27 mars 2014, l'autorisation doit préciser le prix du loyer de la sous-location, validé par le propriétaire. Le sous-locataire devra en outre recevoir une copie de cette autorisation et du bail en cours. Si aucune assurance particulière n'est nécessaire pour sous-louer, il faut cependant savoir que les assurances contractées par le locataire ne couvrent pas nécessairement les sous-locations.
Il s'agit, on l'aura compris, de mettre un peu d'ordre dans les pratiques sauvages encouragées par les stars de l'économie dite « « collaborative ». Depuis décembre dernier, un amendement au projet de loi de finances pour 2016 oblige les plateformes de type Airbnb à offrir aux usagers « une information fiable, claire et complète quant à leurs obligations », notamment en matière fiscale. Les sites doivent transmettre de façon « systématique » à leurs utilisateurs « un récapitulatif des recettes générées sur la plateforme », lorsque ces dernières ont « connaissance des transactions réalisées » par leur intermédiaire. Tout cela, sous peine d'une amende de 10 000 euros.
Ces informations doivent servir aux usagers de plateformes collaboratives à déclarer leurs revenus à l'administration fiscale, ces revenus étant assujettis à l'impôt. Mais combien sont-ils à respecter cette obligation? Très peu, si l'on en juge par la multiplication d'amendements qui trahit la difficulté qu'ont les autorités à encadrer ces activités économiques. Pour Patrick Revoyre, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Saône-et-Loire (UMIH), « les loueurs sont obligés de déclarer leurs revenus, mais on sait très bien que tout se passe sous le manteau », une situation qui lui permet de dire qu'Airbnb est, tout simplement, « une injustice sociale ».
Et nous pourrions tous en être les victimes. Les propriétaires, dont le bien est loué sans leur autorisation. Les locataires, qui risquent de devoir payer des amendes ou même d'aller en prison faute de connaître la loi. Les vrais professionnels de l'hôtellerie, qui subissent la concurrence déloyale d'une société qui ne crée pas d'emplois et ne paie pas d'impôts. Or, les lois et les sanctions auront beau se durcir, il se peut qu'il faille s'attaquer à la logique même, souvent égoïste et sauvage, de cette économie pseudo-collaborative. C’est ce que vient en partie de faire Berlin, qui interdira dès le premier mai la location de logements entiers sur Airbnb, n’autorisant que celle d’une chambre dans un appartement, à condition d’avoir une autorisation de la mairie. 100 000 euros d’amendes sont prévus en cas de manquement. De quoi forcer la start-up à revenir à son esprit initial, qui était de proposer des solutions de dépannage afin d’arrondir ses fins de mois, sur lequel elle fonde encore toute sa communication en s'en étant pourtant bien éloigné