Deux belles expositions viennent d’ouvrir à Paris, mais sous un format qui pose des questions…
Lorsque l’on visite la nouvelle exposition Mucha au Musée du Luxembourg, on sent qu’il manque quelque chose… mais oui bien sûr, les cartels donnant les noms des œuvres ne font jamais fait mention de leur provenance ! On apprécie, en parcourant une exposition, de découvrir quels musées, quelles institutions possèdent les tableaux présentés, ou s’ils sont encore dans des mains privées ("collection particulière"). Cette topographie est toujours instructive, elle participe de l’histoire même de l’artiste. Le dossier de presse apporte la réponse : la totalité des œuvres exposées proviennent de la Fondation Mucha de Prague.
Rebelote quelques jours plus tard pour Giacometti au Musée Maillol : toutes les œuvres viennent de la Fondation Giacometti, qui se trouve à Paris. Ces deux grands artistes sont pourtant largement présents dans les musées et les grandes collections de la planète. Par exemple, la Fondation Richard Fuxa possède plus 100 affiches originales de Mucha, acquises auprès de l’ancien tennisman Ivan Lendl, mais nous n’aurons pas la chance d’admirer la moindre de ces pièces à Paris, et c’est regrettable.
Normalement, quand un musée monte une exposition, il demande à un spécialiste reconnu de concevoir une présentation, et celui-ci sollicite ensuite les différents détenteurs des œuvres qu’il souhaite exposer. Mais si le commissaire d’exposition est la fondation de l’artiste, et que celle-ci refuse toute contribution extérieure, la démarche artistique, avec toute la distance critique qu’il faut garder, s’efface derrière celle du business et de la communication.
Il est vrai que les expositions sont de plus en plus coûteuses à monter, notamment à cause des assurances (dont le coût progresse à mesure des prix sur le marché de l’art) et de la communication, justement (j’avais parlé de ce problème en 2015). La fourniture d’une exposition clés en main permet de résoudre une grande partie de ces problèmes : la fondation fait la promotion de l’artiste qu’elle défend, ce qui fait monter sa cote, et donc sa valeur puisqu’elle possède de nombreuses œuvres.
Ceci dit, ces deux expositions sont à voir, surtout celle consacrée à Alphonse Mucha, un artiste protéiforme et passionnant qui n’avait plus été présenté dans la capitale depuis 1980, et dont la célébrité a justement débuté à Paris lorsqu’il a réalisé les premières affiches pour les spectacles de Sarah Bernhardt en 1895. Mais on espère voir un jour la collection de la Fondation Richard Fuxa, et d’autres collectionneurs, de cet artiste fascinant.