Sur les marchés, l'environnement international est devenu multipolaire. Mais au final, les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, dossier le plus important du moment pour les marchés.
La banque centrale turque relève son taux directeur
Il y a deux choses qu’on ressent sur les marchés, même si on a encore du mal à en comprendre toutes les implications. D’abord, un environnement international devenu multipolaire et des politiques domestiques à l’ombre de la montée du populisme brouillent l’approche des investisseurs : il n’y a pas que l’économique à prendre en compte. Ensuite, et c’est vrai depuis déjà dix ans, c’est-à-dire depuis la grande récession, l’économie s’inscrit moins bien qu’avant dans une logique cyclique ; les repères traditionnels suivis par les professionnels des marchés sont devenus moins lisibles.
Eh bien, la journée de ce jeudi 13 septembre s’est inscrite en contrepoint. L’attention a pu se porter sur l’économie et sur la politique économique ; avec des publications de chiffres et des décisions de politique économique, si ce n’est toujours conformes aux anticipations, qu’on arrive à comprendre et à discuter. Il y a eu d’abord le geste de la banque centrale de Turquie de relever son taux directeur ; qui plus est nettement plus qu’attendu. Elle l’a relevé de 625 pdb à 24%, alors que le consensus des économistes « tablait » sur 325 pdb. Sachant la difficulté initiale de la politique monétaire à s’atteler au double défi de l’accélération des prix et de la chute de la devise, l’heureuse surprise ne pouvait qu’être saluée par les marchés. Le dollar a perdu plus de 4% par rapport à la livre d’une clôture à l’autre et les principaux indices boursiers montaient d’environ 2,5%. De plus des propos du Président Erdogan pourraient laisser espérer moins d’ingérence du politique dans les actions et les décisions de la banque centrale.
Prudence de mise quant au Brexit
Il y a eu ensuite les conclusions des comités de politique monétaire de la BCE et de la Banque d’Angleterre (BoE). Sans surprise, l’une et l’autre ont passé leur tour et les anticipations des marchés n’ont pas à être revues. Bien sûr, et un peu comme à chaque fois, on pointe les changements apportés ici ou là et les éléments absents ; ce qui permet d’affiner les analyses. Ainsi, la BCE paraît à la marge un peu plus prudente sur l’environnement économique et donc sur la croissance. Et puis, elle ne communique toujours pas sur sa stratégie de réinvestissement des tombées et des coupons une fois le QE refermé. On comprend que les détails seront communiqués en octobre ou en décembre. Du côté de la BoE, on constate un peu plus de confiance sur le momentum actuel de la croissance économique et des signes évidents de prudence quant au Brexit (tiens, la politique se réinvite ; mais pas trop !).
Il y a eu enfin la publication des prix à la consommation aux Etats-Unis pour le mois d’août. On sait que le marché débat avec entrain du thème de l’inflation américaine. Quelle synthèse faire entre des forces structurelles qui poussent dans le sens d’une « retenue » confirmée et une dynamique cyclique en faveur d’une accélération ? La discussion est évidemment clé en matière de construction des anticipations inflationnistes et de conduite de la politique monétaire. Disons que la livraison de ce jeudi sur les évolutions du noyau dur des prix à la consommation a envoyé un message de modération : +0,1% sur un mois après +0,2% et +2,2% sur un an après +2,4%. Le débat continue et il est compliqué, comme illustré par la divergence de tendance entre prix à la production et prix à la consommation.
Les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, dossier le plus important du moment pour les marchés
Tout ceci dit, il faut bien prendre le monde comme il va. Je continue de croire que les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine sont le dossier le plus important du moment pour les marchés. Avec une attention toute particulière sur la capacité de Pékin à neutraliser l’impact des initiatives de la Maison Blanche sur la croissance chinoise. En la matière, deux indicateurs sont à suivre de près : le total social financing et l’investissement. Ils montrent l’un et l’autre la capacité de la politique économique à favoriser le financement de l’économie et à accélérer les dépenses de construction et d’infrastructure. Les chiffres d’août viennent d’être publiés. Ils n’envoient pas le message d’une inflexion haussière ; et ceci malgré les annonces de relance faites par les autorités publiques au cours des derniers mois. Peut-être est-il trop tôt et faut-il simplement être patient. A moins que la synthèse entre réformes structurelles (dont la lutte contre l’excès d’endettement et les capacités de production excédentaires) et politique de relance soit difficile à piloter.