A la tête des entreprises, les crises de gouvernance sont monnaie courante depuis quelques décennies.
La gouvernance est mise sur la sellette dès que la performance dérape ou que le contexte échappe à l’entreprise. Le plus souvent, force est de constater que la faute de gouvernance revient au dirigeant, jugé seul responsable de l’échec; ce qui constitue à la fois une erreur d’appréciation et une erreur stratégique. En effet, au sein même de la gouvernance, le dirigeant n’est pas seul à bord, il peut et doit compter sur l’appui de son conseil d’administration et/ou de surveillance - composé d’administrateurs mandataires sociaux - que nous appellerons « board ».
Véritable garde-fou de la gestion de crise, le board bénéficie de multiples atouts pour prévenir, limiter et gérer les crises.
Le board est l’allié de l’entreprise en croissance pour la prévention des crises
Constitué comme un organe de réflexion et de questionnement, le board, en période de croissance, a pour double mission de challenger les orientations stratégiques proposées par le dirigeant et de s’assurer de la bonne gestion des risques associés au projet global de développement de l’organisation. Des missions qui ne peuvent être assurées qu’avec le concours engagé du dirigeant, qui doit mettre en partage l’ensemble des données nécessaires à la bonne information de son board, et la participation active de ses membres, représentants des actionnaires et administrateurs indépendants. Deux conditions au bon fonctionnement de la gouvernance qui, en exerçant pleinement son rôle, doit ainsi permettre à l’entreprise de se développer mais également de prévenir la survenance d’une crise par l’analyse régulière de son modèle de développement. Le board intervient ici en toile de fond, sur le temps long de l’organisation.
Le board intervient en management de sortie de crise
En temps de crise, le dirigeant est très souvent surexposé, ce qui est un facteur aggravant de crise pour l’entreprise. Le cas récent du président d’Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, contraint de démissionner après le désaveu obtenu à l’issue d’un référendum interne, ou celui d’Elon Musk, suite à ses révélations de surmenage, montrent combien il est nécessaire de construire sa gouvernance sur des instances solides – ndlr : le board et ses comités spécialisés le cas échéant - à même d’épauler les dirigeants et d’orchestrer, en cas de ruptures de ces derniers, une sortie de crise pour l’organisation. Une posture différente est alors à adopter pour le board dont les actions vont désormais viser le court terme, la tactique et non plus le temps long de la stratégie. De façon pratique, le rôle du board dans la gestion d’une crise peut être décomposé en une approche séquentielle en trois phases :
Contenir les dommages en facilitant le décryptage du contexte de crise
Lorsque la crise est déclarée, il s’agit pour le board de s’assurer que tous les audits nécessaires seront conduits rapidement ; ce qui rejoint directement une de ses missions initiales, sa mission de contrôle. Le board doit, à la fois, apporter tout son soutien à l’exécutif, chahuté par la crise, mais aussi faire preuve de fermeté pour éviter la propagation de la crise en structurant les actions, en particulier celles du dirigeant, souvent dans le déni de la situation. Un déni qui peut avoir d’importantes conséquences comme de minimiser l’ampleur de la crise, augmenter la perte de confiance de l’ensemble des parties prenantes, rallonger la durée de la crise, voire complexifier la sortie de crise. Le board peut ainsi parfois être amené à prendre des décisions radicales, comme se séparer de personnes responsables (cas de fraude, harcèlement moral, manipulation d’informations...) tout en assurant un soutien aux membres du comité exécutif et aux personnes directement exposées dans la crise. Il doit alors faire preuve de courage et d’empathie. Enfin, le président du board doit s’assurer de la bonne redéfinition des rôles entre le board, le dirigeant et son comité exécutif pendant la gestion de la crise.
Eteindre le feu par une stratégie de communication dédiée
A ce stade, l’enjeu est principalement porté sur la communication. Il est impératif de reprendre au plus vite le contrôle de l’histoire, en interne comme en externe, afin de restaurer la confiance de toutes les parties prenantes de l’entreprise et autour de son projet d’avenir. Il est donc nécessaire pour le board de travailler en étroite collaboration avec le dirigeant et le comité exécutif en alignant les décisions et les actions sur un plan de communication adapté au contexte et à ses défis (retrait d’un produit de la vente par ex).
Sortir de la crise par le suivi de l’activité et la mise en place d’indicateurs clés de performance
Peu importe la nature de la crise, il est essentiel, dans la plupart des cas – exception faite des situations de crise qui nécessitent l’arrêt pur et simple de l’activité - pour l’entreprise de poursuivre son activité, et ce, avec la même qualité de service afin de ne pas ajouter au désordre ambiant la désaffection des clients et partenaires. La bonne conduite des affaires en période de crise facilitera la sortie de crise. Pour ce faire et pour s’assurer une sortie de crise rapide, le board doit définir avec le dirigeant et l’exécutif de l’entreprise les indicateurs clés de performance à suivre et à contrôler pour à la fois piloter les progrès de l’organisation vers le retour à une situation normale et quitter ainsi le mode de gestion de crise.
Le board prépare l’entreprise à affronter les futures crises
Toute entreprise peut être un jour touchée par une crise, il est donc nécessaire de se préparer à l’éventualité d’y être confronté. La définition d’un plan de gestion de crise pour l’entreprise, l’apprentissage des bons réflexes à adopter pour ses principaux porte-paroles, la mise en place de simulations sont autant de bonnes pratiques que le board doit initier auprès du dirigeant. Pour autant, l’adoption de bons réflexes et de pratiques adaptées n’est que pour partie suffisante dans la gestion efficace des crises. Ce qui fait la différence et distingue aujourd’hui les boards qui font sortir leurs entreprises par le haut c’est l’exemplarité notable de leurs membres. Une exemplarité qui se caractérise par trois qualités intrinsèques discriminantes : l’éthique, l’intégrité et le courage. Il ne fallait pas moins que ces trois qualités à Arianna Huffington pour convaincre l’an dernier le fondateur d’UBER, Travis Kalanick, de passer la main et ainsi permettre à l’entreprise de dépasser sa crise de gouvernance. Ne nous y trompons pas, la gestion de crise fait passer l’entreprise dans une situation exceptionnelle qui ne peut être bien gérée que par des personnes d’exception.