Le gouvernement ouvre de nombreux chantiers, mais semble en difficulté pour les mener à bien. C’est le syndrome Chirac: la volonté de réforme s’englue peu à peu dans les résistances ordinaires, et il faut dépenser une énergie grandissante pour obtenir des conquêtes de moins en moins ambitieuses. Le Président entre progressivement dans la partie la plus compliquée de son mandat.
Quoiqu’en disent les médias subventionnés, la situation d’Emmanuel Macron dans le pays est loin d’être enviable. Les derniers sondages d’opinion le créditent d’une cote de confiance à peine supérieure à celle de François Hollande au même stade de son mandat. Il en est à 40% de popularité, contre 36% pour François Hollande à la même époque.
D’autre part, le mandat d’Emmanuel Macron présente des difficultés assez proches de celles que François Hollande a connues. Sa majorité parlementaire connaît d’importantes fissures, révélées à l’occasion du débat sur le droit d’asile et la politique d’immigration. La thématique du pouvoir d’achat se dresse comme un plafond invisible au-dessus des projets gouvernementaux. Les affaires concernant des ministres commencent à inquiéter les Français. C’est particulièrement le cas avec Gérald Darmanin.
Des réformes au ralenti
Dans ce contexte morose, les réformes initiées par le président de la République paraissent avoir du plomb dans l’aile.
La méthode de concertation du gouvernement recèle en elle-même sa part de déception. Utilisée pour le PACTE, comme pour la SNCF ou la réforme de l’État, elle consiste à fixer un cap, puis à se donner du temps pour décider la route à suivre pour l’atteindre. Cette technique donne forcément le sentiment passager d’une dilution des décisions dans le temps, qui peut perturber l’opinion.
Lorsque l’indécision s’instille dans le déroulement des opérations, la perplexité grandit. On le voit dans le débat sur l’immigration et le droit d’asile. La majorité semble vaciller sur le texte. L’enthousiasme des premiers jours cède peu à peu la place aux querelles intestines traditionnelles aux majorités qui se succèdent.
Du coup, l’annonce d’un renouvellement semble déceptive.
Deux poids deux mesures dans l’enthousiasme gouvernemental
Une caractéristique accroît ce sentiment de déception: c’est l’inégalité de traitement entre les sujets. La thématique du « président des riches » l’a bien mis en exergue.
Lorsqu’il s’est agi de réformer le Code du travail en instaurant plus de flexibilité dans les normes, Macron n’a pas tremblé. Ni même lorsqu’il s’est agi d’augmenter la CSG, qui frappe aujourd’hui dans toute sa largeur les retraités. Ni même lorsqu’il s’est agi d’alléger la fiscalité des plus riches, alors même que des taxes frappant la consommation étaient créées.
En revanche, le gouvernement a semblé beaucoup plus mou dès lors qu’il a fallu rendre les contreparties. La taxe d’habitation n’est pas encore supprimée. Les cotisations salariales ont disparu, mais leur effet est annihilé par les augmentations de taxe par ailleurs.
En outre, le gouvernement ne semble pas pressé de demander à ses fonctionnaires les efforts qu’il a imposés d’emblée aux salariés du privé.
La dilution de l’autorité gouvernementale complique les réformes
Ce procès d’intention en inégalité de traitement que les Français dressent sous le manteau contre leur gouvernement est nourri par les maladresses gouvernementales.
On a probablement mal mesuré l’effet délétère d’incidents comme le retour en avion à 300.000€ d’Édouard Philippe. Le discours sur les nécessaires limitations de vitesse sur nos routes nationales tenu par le même Premier Ministre en a immédiatement souffert.
Les affaires qui se multiplient au gouvernement participent toutes à cette perte progressive d’autorité qui complique le travail ministériel. Dans cet ensemble, les affaires qui entourent Gérald Darmanin risquent de peser lourd. Dans l’hypothèse où ces affaires prospéreraient, la solidarité dont le ministre du Budget a bénéficié de la part du Premier Ministre risquerait de plomber encore un peu plus le contexte politique ambiant.
L’engluement progressif de l’exécutif dans le syndrome Chirac
Ainsi en va-t-il du déroulement classique des mandats présidentiels! Une fois passés les cent premiers jours utiles, le travail de réforme est de plus en plus épineux. C’est le syndrome Chirac: de façon tangentielle, le pouvoir se dilue dans l’immobilisme. Seuls les meilleurs parviennent à retarder cet inévitable loi de la nature étatique.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog