Imaginez que vous entriez sur une autoroute et, qu’une fois le péage franchi, une voix vous susurre à l’oreille : « à partir de maintenant et jusqu’au moment où tu sortiras de l’autoroute, je serai derrière toi à chaque instant… tout ce que tu diras, tout ce que tu feras, je le saurai… et je le raconterai à qui voudra me payer pour le savoir ! »… Vous avez dit cauchemar ? Bienvenue sur les autoroutes de l’information !
En avril 2017, le président Donald Trump a mis fin un débat qui durait depuis plusieurs semaines. En vertu des règles de confidentialité adoptées par la Federal Communications Commission en Octobre 2016, à l’ère Obama, les Fournisseurs d’Accès à Internet aux Etats-Unis avaient l’obligation de recueillir le consentement préalable des consommateurs avant de partager avec des tiers leurs données de navigation. Désormais ces exigences n’ont plus cours et les FAI américains ont le champ libre. Les VPN, réseaux privés censés garantir la confidentialité de notre navigation, deviennent l’unique solution pour protéger notre vie privée. Désormais, les FAI américains peuvent disposer de toutes les données collectées, depuis le moment où l’internaute est connecté, jusqu’au moment de sa déconnexion.
Quand l’or de la donnée consommateur devient platine
Avec plus de 100 millions d’internautes, et à un prix évalué entre 15 centimes et 15 euros le contact, l’enjeu financier est énorme. Les FAI américains viennent donc de mettre la main sur une mine d’or inépuisable, qui leur rapportera bientôt plus d’argent que leur activité actuelle. En effet, alors que les Linked In, Google et autres Criteo, n’ont qu’une vue réduite à un instant T de nos transactions, les FAI en ont une vue la plus large possible. Ils connaissant TOUTES nos interactions de manière très fine. La qualification qu’ils offrent étant la meilleure possible, les fichiers sont revendus plus chers. C’est ainsi que l’ère Trump a transformé l’or de la data en platine pour les FAI.
Une économie e-marchande basée sur la donnée
En France, si les FAI ne sont pas autorisés à divulguer nos informations sans notre consentement, chacun de nos « gestes » sur Internet n’en est pas moins épié et enregistré. En fait, c’est un peu comme si un espion était penché au dessus-de notre épaule pour regarder tout ce que nous faisons avec notre smartphone ou notre PC. En cliquant sur « j’accepte » sur chaque site que vous visitez ou en utilisant un moteur de recherche, vous autorisez les cookies à recueillir vos données de navigation. Ces données mises bout à bout permettent de dessiner votre profil, vos préférences et vos attentes en termes de produits et services à un instant T. Ces informations sont essentielles pour permettre aux annonceurs de vous proposer leur offre, au bon moment et de la meilleure manière.
SMS, SPAM … et nos données offertes aux réseaux sociaux
Ceci explique en majeure partie pourquoi nous recevons quotidiennement des SMS, des mails et autres spams. Essayer de se désabonner de ces nombreuses bases de données est extrêmement lourd. L’utilisation de nos données personnelles est d’autant plus difficile à maîtriser que la plupart du temps nous les offrons nous-mêmes aux réseaux sociaux. Essayez d’écrire un statut Facebook en utilisant des mots clés comme « vacances » ou « douche » et vous verrez s’afficher des propositions sur ces thèmes, à droite de votre écran ou comme lien sponsorisé dans votre fil de discussion. Voilà comment la donnée est devenue la matière première la plus convoitée et la plus valorisée dans le monde. Ce n’est pas un hasard si Facebook et Google tirent leur puissance financière de la publicité digitale, en ayant ravi plus de la moitié des budgets annonceurs, au nez et à la barbe de la télévision.
Entre exigences économiques et liberté individuelle
La question philosophique de la propriété des données se pose mais l’économie digitale a déjà décidé pour nous. Si la CNIL interdit la constitution de fichiers nominatifs sans déclaration, à part pénaliser le fichage sur des bases ethniques ou religieuses, elle n’est pas en mesure d’interdire la constitution de fichiers stricto sensu. Dans le modèle américain, le 1er amendement s’oppose à toute tentative d’interdire a diffusion d’une information, même si elle nous porte préjudice. La culture française, soucieuse des libertés individuelles tente de résister à cette mouvance du tout ciblage, mais pour combien de temps ? La RGPD, qui oblige les entreprises européennes à protéger les données de consommateurs y changera t-elle quelque chose ? Pour l’instant, beaucoup d’entreprises françaises sont dans le flou sur cette réglementation qui s’imposera à elles fin mai 2018.
Données publiques étatiques, données d’entreprises et données privées : pas le même combat
Quand l’information qui est volée appartient à l’état, toutes les mesures sont mises en œuvre pour garantir l’intégrité de ces données et la supprimer d’Internet. En revanche, si c’est une personne privée qui demande la suppression de cette information personnelle, elle sera quasi systématiquement refusée. Nous avons un droit à l’image mais si notre image circule sur internet sans qu’on l’ait demandé, Google refusera de la supprimer sauf si nous sommes en mesure de faire valoir une propriété intellectuelle. Sinon, l’image restera en ligne. L’inégalité est bien là.
A l’ère internet, les individus sont livrés à eux-mêmes, entre le don volontaire ou involontaire de leurs données personnelles et l’impossibilité de recours au cas où des éléments dommageables pour leur réputation sont « imprimés » en ligne. Dans cette situation extrême et qui peut détruire une réputation et potentiellement une vie, il est indispensable de ne pas rester seul et de se faire accompagner de professionnels de l’e-réputation, le plus rapidement possible.