Quatre associations du Nord - dont la vocation est d’aider les plus démunis (l’Armée du Salut, l’ABEJ, l’AFEJI, le foyer Béthel de Tourcoing) – se sont vu signifier des redressements dont le montant dépasse le million d’euros.
Quel crime ont-elles commis pour se voir infliger une telle amende ?
Elles ? Rien.
Mais un de leurs sous-traitants est soupçonné de travail dissimulé.
Quel tort ont-elles ? Celui de ne pas avoir demandé, deux fois par an, une « attestation de vigilance », auprès de leurs sous-traitants, ce qui est, il est vrai, une obligation légale dès qu’un contrat de sous-traitance est supérieur à 5 000 €.
Faute d’exiger ce document, et en cas de défaillance du sous-traitant, son client peut se voir poursuivre au titre de « la solidarité financière ». Une obligation ignorée par de nombreuses entreprises, mais qui entraîne des situations compliquées telles que celles vécues par ces quatres associations.
Une actualité qui rappelle étrangement l’affaire Emmaüs, révélée en mars 2018 par le think tank le Cercle Lafay (l’URSSAF réclamait plus de 87 000 € à une communauté Emmaüs, située elle aussi dans le Nord, parce qu’elle accordait un modeste pécule aux laissés-pour-compte qu’elles faisait travailler).
Plus d’un million d’euros à des associations pour défaut de vigilance ….
La réaction du ministre de l’Action et des Comptes publics a été immédiate. Le 18 novembre 2019, il déclare qu’il allait faire application de « l’esprit du droit à l’erreur » et que, au moins pour une des associations, la mise en jeu de la solidarité financière serait annulée
Au-delà de l’aspect médiatique, l’affaire soulève plusieurs questions de fond.
D’abord, il serait sans doute temps de faire le ménage d’une réglementation souvent incompréhensible, voire absurde. Et qui explique pourquoi 9 contrôles URSSAF sur 10 dans les PME donnent lieu à un redressement … chiffre qui prouve que le redressement frappe tout le monde y compris et surtout les employeurs de bonne foi. En l’occurrence, personne ne remet en cause la bonne foi des dirigeants de ces structures d’insertion. Néanmoins, elles se voient notifier des redressements pour des sommes astronomiques.
Ensuite, il est incroyable de constater que seul le recours au ministre peut arrêter ces organismes. Des inspecteurs ont jugé bon de procéder à ce redressement, un supérieur hiérarchique l’a validé, une commission de recours amiable - composée essentiellement de représentants du MEDEF ou de la CPME - a peut-être été saisie …. Comment toutes ces personnes ont-elles pu se montrer aussi insouciantes ?
Ce n’est pas la première fois que le ministre de l’Action et des Comptes publics s’insurge contre certains contrôles URSSAF. Ce qui n’empêche pas ces organismes de continuer à procéder à des redressements incompréhensibles, que dénonce quasi quotidiennement le think tank le Cercla Lafay.
Le ministre de tutelle de l’URSSAF n’a-t-il d’autre pouvoir que de réagir sur le coup face à ces aberrations, et d’effacer ponctuellement, par le fait du Prince, ces amendes ? Mais pour une grâce ministérielle, combien de contrôles éminemment discutables sont appliqués ? Combien de dirigeants qui ne disposent pas des réseaux permettant d’atteindre le ministre s’acquittent de redressements injustes ?
Le problème de la crédibilité de l’URSSAF est profond.
Il est plus que temps de créer les conditions d’un dialogue pendant et après le contrôle URSSAF afin d’éviter ce genre de situation qui ne peut que ternir l’image des organismes de recouvrement et désespérer un peu plus les entrepreneurs.
Parmi les propositions simples (et non coûteuses) du think tank du Cercle Lafay :
- permettre au cotisant d’avoir recours à un supérieur hiérarchique de l’inspecteur en cas de difficultés au cours de la vérification,
- donner la possibilité au dirigeant de défendre physiquement son dossier devant la commission de recours amiable…
Toutes ces propositions, formulées notamment par le Cercle Lafay, relayées par certains parlementaires, sont toujours repoussées. Il faut donc logiquement s’attendre à ce que de nouvelles absurdités fassent encore l’actualité.