L’anarchie la plus dangereuse ne vient pas des émeutes et du peuple. Elle surgit lorsque les élites ne sachant plus ce qu’elles font, sont incapables de rétablir la normalité. C’est ce qui arrive actuellement avec les politiques monétaires.
G.K. Chesterton nous avait bien mis en garde contre “l’anarchie d’en haut”… Quand on dit anarchie, on pense à émeutes et cocktails Molotov. Mais comme l’écrivait Chesterton, “il n’est pas nécessaire que l’anarchie soit violente ; il n’est pas non plus nécessaire qu’elle vienne d’en bas.” Et cette formule : “Tout autant qu’un peuple, un Etat peut devenir anarchique.”
Le désespoir est le terreau naturel de l’anarchie ; or les États redoutent à l’avance le déclin de l’économie mondiale. Les banques centrales ont injecté 60 000 milliards de dollars de crédits supplémentaires depuis 2009. Ce n’est que sous un tel déferlement de dette que l’économie pourrait peut-être reprendre, nous explique la théorie. A présent, la charge mondiale de la dette, publique comme privée, pèse la somme titanesque de 200 000 milliards de dollars — quasiment trois fois la taille de l’économie mondiale.
Une croissance économique de 6% ne suffirait pas à payer des intérêts de 2% sur le stock de dettes existant. L’économiste James Dale Davidson a compilé les données. Selon lui, si l’on suppose que l’intérêt à acquitter sur ces 200 000 milliards de dollars est de 2 %, l’économie devrait croître de 6% — 300% du PIB — pour simplement couvrir le paiement des intérêts. Il existe un mot pour décrire une économie dont la croissance n’arrive pas à la moitié de celle qui permettrait de compenser la charge de sa dette : intenable.
A présent que les banques centrales ont vidé leurs chargeurs pour combattre la Grande Récession, elles n’ont plus de cartouche pour combattre la suivante. Elles commencent enfin à l’admettre… L’économiste de la Réserve Fédérale David Reifschneider a écrit un article véritablement provocateur intitulé Gauging the Ability of the FOMC to Respond to Future Recessions (Estimation de la capacité du FOMC à répondre aux futures crises). Voici ce qu’on peut y lire :
Voici la partie essentielle dans une langue quelque peu absconse : “En cas de crise assez grave, des achats d’actifs et le forward guidance devraient pouvoir compenser la portée a priori limitée du FOMC et faire baisser les intérêts court terme dans le futur. Ceci étant, cette analyse suggère également qu’il pourrait y avoir des situations dans lesquelles cela ne serait sans doute pas possible… On ne peut écarter la possibilité qu’il pourrait y avoir des circonstances dans le futur dans lesquelles la capacité du FOMC à offrir le niveau nécessaire de crédit en utilisant ces outils serait limitée.”
Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph nous donne une transposition plus claire : “Le Federal Open Market Committee a dû réduire les taux d’intérêt d’en moyenne 550 points de base au cours des neufs dernières crises afin de couper court au déclin et stabiliser l’économie. Il ne pourrait plus agir ainsi ni aujourd’hui, ni l’année prochaine, ni l’année suivante. Le quantitative easing (QE) dans sa forme actuelle ne peut compenser, le forward guidance non plus. On en a trop abusé de toutes manières.” Admettre que tout a échoué et laisser le marché traiter librement le sujet la prochaine fois ? Jamais. Le pouvoir n’abandonne jamais le pouvoir. Il sera mis entre moins de mains, voilà tout. Et ce sera reparti pour une musique plus folle, des alcools plus forts, des rêves plus fous… plus d’anarchie venue d’en haut.
La chute libre vers la disparition des espèces et taux négatifs
Puis il y a la chute libre dans les taux négatifs et l’abolition du cash que les élites appellent de leurs vœux… Selon Narayana Kocherlakota, un grand de ce monde qui a dirigé la Federal Reserve Bank of Minneapolis de 2009 à 2015, si l’on veut un “marché libre” il faut “abolir le cash” : Il faut abolir la monnaie et passer totalement au cash électronique… Parce que le cash électronique peut avoir n’importe quel rendement, les taux d’intérêts pourraient aller aussi loin en territoire négatif que le marché le souhaiterait.
Aussi loin que le marché le souhaiterait ? Ou aussi loin que l’État le souhaiterait ? Et est-ce le “marché libre” qui se réunit chaque mois pour fixer les taux d’intérêt ? N’est-ce pas plutôt un groupe de douze apparatchiks nommés par le gouvernement et dont fait partie le bon Dr. Kocherlakota ? Ken Rogoff, professeur à Harvard et ancien économiste en chef du FMI, est un autre sultan de l’establishment financier. Il exige purement et simplement l’abolition de tous les billets supérieurs à 10 dollars (désolé Harriet Tubman) [la première femme noire à figurer sur un billet américain, NDLR]. Il rêve du jour où chaque citoyen aura son compte en banque personnel… à la Fed !
Serviteur, voici ton maître…
Selon les termes du gestionnaire de portefeuille Tim Price, basé à Londres, “Tout notre système financier contrôlé par les banques centrales est basé sur le fait que des bureaucrates non élus et qui n’ont pas à rendre compte de leurs actes peuvent contrôler le comportement de consommation et de production des individus depuis leur tour d’ivoire.” “Le monde moderne est fou”, disait Chesterton à propos de l’anarchie d’en haut, “non pas tellement parce qu’il admet l’anormalité… mais parce qu’il ne peut rétablir la normalité.” Si Kocherlakota, Rogoff, “Helicopter” Ben Bernanke, le FMI et toute la clique des fous économiques continuent à imposer leur opinion… le monde n’est pas près de la retrouver, la normalité.
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