Compte tenu de la crise sanitaire inédite et particulièrement dévastatrice en France, il semble acquis de devoir réindustrialiser et relocaliser… Mais par où commencer ?
Tout d’abord il apparaît clairement que le recouvrement de notre souveraineté médicale et sanitaire devient une priorité. Cela entraînera le rapatriement d’une partie de la production des médicaments et des équipements médicaux, spécialement les plus critiques (principes actifs, antibiotiques, intermédiaires de synthèse,…) dans les domaines-clés (virologie, cancérologie, système nerveux,…).
Mais la situation actuelle nous explique qu’il ne faudra pas s’arrêter là… Il est capital d’observer quels secteurs économiques ont été contraints, malgré le confinement, de poursuivre leur activité à 90 ou 100%. On trouve ainsi la chaîne agro-alimentaire mais aussi l’énergie, le traitement des déchets et de l’eau, l’emballage (carton) les télécommunications, les systèmes informatiques, l’ensemble des réseaux de transports même si ceux-ci tournent au ralenti et bien sûr le système bancaire et la moitié des services publics. Dans l’optique d’un fonctionnement autonome de notre économie en cas de nouvelles crises, ces secteurs devront évidemment être « sauvegardés » et faire l’objet de protection spécifique (contrôle des maillons critiques de leur chaîne d’approvisionnement, relocalisation de leur fabrication partielle ou totale,…).
Grâce aux analyses des branches professionnelles concernées, on comprend que d’autres secteurs encore ne peuvent être immobilisés sans impliquer le blocage à très moyen terme (trois à quatre mois maximum) du reste de l’économie et de la vie quotidienne des Français…
Ainsi, l’électronique, avec l’exhortation récente des représentants des industriels des semi-conducteurs à assurer la continuité totale d’exploitation, est un cas emblématique. Rappelons, en effet, que ces composants sont « essentiels à toutes les infrastructures et équipements vitaux » décrits plus haut. Pour imager le propos, on pourrait dire que les micro-processeurs (fabriqués à partir des semi-conducteurs) sont les « cerveaux » de tous les équipements électromécaniques. Un raisonnement identique pourrait s’appliquer à certains constituants ou sous-ensembles des matériaux composites, de la plasturgie, de la métallurgie ou de la chimie, absolument indispensables à maintes filières industrielles !
A ce stade de notre réflexion, il est judicieux de préciser quelles sont les principales vertus d’une industrie suffisamment intégrée… Il s’agit d’un effet d’entraînement inégalé sur le reste de l’économie (double de celui des services par exemple), d’une résilience aux crises (financière ou autres !), d’un apport d’indépendance économique dans tous les domaines et d’une capacité de création quasi-unique de fortes marges et d’exportations.
Alors, quelle stratégie pour réindustrialiser ?... Je démontre dans mon ouvrage Le Choix Souverainiste, sous-titré Les cinq blocages à faire sauter pour redresser la France (Ed. Atelier Fol’fer, 2019) que la ré-industrialisation de la France s’accompagnera nécessairement de la reconquête des espaces semi-ruraux (les 3 000 communes de densité moyenne 400 habitants au km2) et ruraux (les 31 000 commune de moins de 60 habitants au km2). En effet, encore riche de nos champions industriels toujours existants (c’est un dernier atout que nous avons) qui font office de grands ensembliers, celle-ci consistera presqu’exclusivement à installer ou relocaliser de nouvelles PMI et à développer des ETI (Entreprises à Taille Intermédiaire) dans tous nos « territoires » comme l’on dit aujourd’hui.
Pourquoi ?... Parce que c’est justement ce maillage immense de sous-traitants (incarnant autant de métiers tels que la plasturgie, les matériaux composites, l’électronique,…) qui a été détricoté depuis quarante ans. Or, ces PMI sont situées à plus de 80 % en dehors des métropoles, c’est-à-dire dans les zones semi-rurales ou rurales telles que définies plus haut et qui hébergent en fait plus de deux tiers des Français ! Et les ETI, véritables fleurons de toute économie performante, possèdent leurs unités de production sur ces mêmes zones à plus de 70% !
Lorsque l’Etat français, redevenu enfin stratège (!), sera convaincu à la suite de l’immense majorité de nos concitoyens du bien-fondé de la ré-industrialisation, il devra initier au plus vite ce (très) grand chantier. Celui-ci reposera sur un grand plan de relocalisation, ou de déploiement pur et simple, d’une partie de notre industrie à définir sous-filière par sous filière en partenariat avec les branches professionnelles rénovées et modernisées pour la circonstance.
Ce programme se déclinera selon les trois dimensions classiques qui permettent l’épanouissement de toute entreprise : la recherche (les « produits de demain », la formation professionnelle (les « hommes de demain ») et les financements (en capital et trésorerie). C’est à cette condition que la France pourra retrouver durablement la puissance et la prospérité.