L’Entrepreneur in residence : futur du Startup Studio

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Par Alexandre Azoulay Publié le 16 septembre 2017 à 4h45
Emmanuel Macron Fonds Innovation Startups
cc/pixabay - © Economie Matin
99%99 % des incubateurs et accélérateurs échoueront à rembourser au minimum le capital de leurs investisseurs

En 2012, un article du Wall Street Journal révèle une vérité statistique restée immuable à ce jour : 75 % de tous les projets financés par le venture capital (VC) disparaissent avant leur cinquième anniversaire.

Existe-il un modèle plus susceptible de favoriser l’innovation « gagnante » qu’un autre ? Selon Alexandre Azoulay, président du fonds d’investissement SGH Capital, l’avenir du modèle très en vogue de startup studio serait l’EIR : l’Entrepreneur in Residence. Explications.

Dans un environnement complexe et hyper régulé aux Etats-Unis, et surtout en Europe, la notion de startup studio a pris une ampleur particulière. Les studios, aussi appelés « venture builders », construisent des projets de zéro aux côtés d’un entrepreneur ayant le même intérêt, avec l’ambition de maximiser leurs chances de succès à terme.

Si les différentes recherches soutiennent le fait que l’incubation et/ou les studios accélèrent certes le lancement de projets innovants et la définition d’un modèle économique, cet encadrement seul ne garantit pas leur succès à terme. Ainsi, rien qu’au cours du premier semestre 2017, on a vu disparaître dix sociétés valorisées plus de 500 millions d’euros ont disparu (Jawbone, Juicero, Qixy,Yik Yak…), soit 1,2 milliards de venture capital détruit en six mois.

Financer, accompagner et stimuler l’innovation est donc un défi quotidien : il s’agit de concilier intelligemment et de manière agile "contrôle, créativité et performance".

Exit les in/excubateurs ou accélérateurs

Si les incubateurs sans spécialisation verticale ont longtemps eu le vent en poupe dans les années 90-2000, ils n’ont pas survécu à la crise. Après avoir sélectionné les projets à des stades de développement diversifiés, ils leur offraient un espace de travail ainsi que du coaching pour une durée déterminée. Mais vu la (trop) grande diversité de projets, le partage d’expériences initialement envisagé comme un accélérateur de développement ne fonctionnait pas à plein en l’absence de verticaux spécifiques : Fintech, Web, Fashion, SaaS, etc.

Les excubateurs ont ensuite émergé, bénéficiant de la force de frappe financière de grands groupes souhaitant y externaliser leur innovation et la prise de risque associée pour les investissements en early stage. Founders Factory à Londres reprend cette ambition : externaliser la construction de startups et porter des idées soumises - ou validées - et financées par des grands groupes. Sans surprise, l’innovation "sur commande" a, elle aussi, ses limites. La notion même "d’entrepreneur-salarié" aboutit à une situation dans laquelle les dirigeants ne veulent ou ne peuvent parfois plus (s’)investir personnellement dans les projets avec une responsabilité partagée dans la réussite ou l’échec du projet.

Dans un article paru dans Techcrunch en 2015, Peter Relan soutient que 99 % des incubateurs et accélérateurs échoueront à rembourser au minimum le capital de leurs investisseurs en raison d’ :

un trop grand nombre de sociétés et pas assez de suivi ;

une incertitude absolue sur le financement à la sortie de l’incubateur/accélérateur ;

un manque de compétences spécifiques en business development.

Pour lui, l’incubateur doit soit avoir une approche statistique large (par exemple Y Combinator avec 250 projets par an), soit peu de projets avec des fondateurs de très haute qualité : on approche, dans ce dernier cas, le profil du studio.

« Accompagner l’innovation consiste à (ré)concilier

intelligemment contrôle, créativité et performance ».

Le studio : une matrice à start-ups verticalisée

Forte de ces constats, la galaxie des startupers a accouché d’un nouveau modèle : les startup studios, devenus LA structure d’amorçage la plus prisée notamment depuis 2015. Pionnier du genre, le startup studio Idealab de Bill Gross dès 1996 en Californie, avant que Betaworks à New York et Science à Los Angeles ne lui emboîtent le pas.

Les studios sont le plus souvent créés par des équipes qui ont réussi dans leurs précédentes aventures entrepreneuriales. Contrairement aux incubateurs, il ne s’agit pas simplement d’y coacher et d’accompagner les start-ups sur une durée limitée de quelques semaines, mais bel et bien de les créer grâce à une équipe déjà expérimentée. "Une start-up confirmée matrice à start-ups" en somme, avec des équipes qui recherchent des idées et développent l’activité jusqu’à sa maturité économique, avant que les startups ne créent leurs propres équipes autonomes pour voler de leurs propres ailes.

Le studio est un "hub" de compétences et de moyens. L’expérience des fondateurs des studios et les compétences variées des employés du studio (juridiques, administratifs, développeurs, de designers…) constituent un véritable pool de ressources à haute valeur ajoutée auxquelles les projets ne pourraient pas avoir accès si elles se développaient de manière autonome. Ces ressources permanentes et diverses sont d’autant plus importantes que de multiples pivots[1] sont généralement exécutés par les projets en lancement. Peter Relan, qui dirige le studio YouWeb, le confirme : « Nous avons neuf sociétés en studio mais nous avons testé et pivoté sur près de 50 idées. Dans un monde différent, cela aurait pu être 50 sociétés différentes. Nous trouvons juste plus efficace de tuer des idées que de fermer des sociétés»[2] .

L’implication financière du studio dans le développement des startups est variable. Le studio peut détenir la majorité des parts dans les startups qu’il développe, mais cela n’est pas systématique, ni préférable. Un niveau de contrôle au capital élevé peut en effet générer des cas de désalignement entre les avis et intérêts du studio et ceux du fonds d’investissement qui se trouve au-dessus du dispositif : le temps du studio n’est pas toujours celui de l’investisseur. Les venture capitalist doivent en effet générer un TRI élevé[3], donc un retour sur investissement maximal, dans un laps de temps le plus court possible.

D’autres cas peuvent provoquer des difficultés : un désalignement entre la maturité et la compétence du dirigeant, et le montant ou l’ambition que le VC peut avoir pour le projet.

Inversement, un studio et des projets qui deviendraient filiales d’un fonds VC engendrent souvent un contrôle accru des investisseurs qui risque lui-même de brider la créativité. Le risque de ce dernier modèle ? l’overboarding. Les investisseurs qui suivent activement un grand nombre de projets, y compris dans leur studio, finissent par enchaîner les conseils d’administration sans suivi réel des projets et équipes sur le terrain.

Alors, si "la confiance n’exclut pas le contrôle", quelle est la limite du contrôle et de la patience de l’investisseur ?

L’Entrepreneur In Residence : une voie interne pour les fonds de venture capital actifs

Notre expérience, très systématique au cours des trois dernières années, nous invite à revenir aux sources.

Le premier moteur pour réussir un lancement, une création, une innovation, c’est l’homme. Il s’agit d’identifier et de créer une empathie avec des talents mus par un véritable caractère entrepreneurial, quel que soit leur domaine d’intervention. Il faut inverser le process : il ne s’agit plus d’accepter de business plan ou des projets, mais plutôt des entrepreneurs et des développeurs exceptionnels.

Et si les entrepreneurs sont, par définition des sortes d’électrons libres, s’il ne peut exister d’innovation sans désobéissance, pourquoi ne pas s’entourer des meilleurs d’entre eux et de s’en adjoindre les conseils ? Puisqu’on ne peut réellement "accélérer la création d’un entrepreneur", autant chercher à bénéficier de la courbe d’expérience plus avancée de certains d’entre eux.

On peut dès lors imaginer un modèle articulé autour du fonds qui reste actif dans les projets, mais qui s’entoure d’un pool d’entrepreneurs confirmés – ou ayant une conviction exceptionnelle sur un secteur : des Entrepreneurs in Residence (EIR). Ainsi, il ne revient plus au VC de porter tous les risques (jeunesse de l’entrepreneur, nouveauté du marché, immaturité du produit) en devenant une usine à financer les start ups balbutiantes. Le VC entretient au contraire une sorte d’écurie de profils talentueux qui attendent le bon moment pour entrer sur le terrain ; sans obligation. Dans leur rôle quotidien d’advisory, les EIR peuvent épauler les plus jeunes pousses du portefeuille, contribuer au sourcing de deals mais aussi demander au VC de les financer le jour où eux-mêmes souhaitent relancer une nouvelle idée.

L’EIR est, selon nous, l’avenir même du Startup Studio.

Il faut inverser le process : plutôt que de rechercher des projets,

il faut sélectionner les hommes qui les portent ;

des talents, mus par un véritable caractère entrepreneurial.

[1] Dans le processus d'apprentissage par itérations, une startup peut découvrir par des retours terrain avec de vrais clients que son produit n'est pas adapté, qu'il ne répond pas à un besoin. Toutefois, pendant ce processus d'apprentissage, il se peut que la startup ait identifié un autre besoin (souvent connexe au premier produit). Lorsque la startup change de produit pour répondre à ce nouveau besoin identifié, on dit qu'elle a effectué un « pivot ».

[2] https://techcrunch.com/2012/10/14/90-of-incubators-and-accelerators-will-fail-and-why-thats-just-fine-for-america-and-the-world/

[3] Taux de rentabilité interne.

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Alexandre Azoulay est président de SGH Capital, un fonds d'investissement géré par des entrepreneurs américains et européens. SGH Capital investit dans des sociétés innovantes en vue d’accompagner leur création et leur développement.

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