Les gouvernements et les banques centrales à la manoeuvre face à la crise

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Par Jean-Jacques Friedman Modifié le 23 mars 2023 à 10h04
Covid
@shutter - © Economie Matin
110 MILLIARDS €Le plan d'urgence français contre le Covid-19 devrait mobiliser 110 milliards d'euros.

Parfois qualifié de « grippette » en ce début d’année, le Covid 19 aura finalement pris la forme d’une pandémie mondiale et provoqué un choc sans précédent tant sur le plan humain que d’un point de vue économique et financier. Le mouvement de correction qui a suivi sur les marchés financiers a été d’une violence inédite : entre le 19 février et le 18 mars, les principaux indices boursiers se sont effondrés d’environ 35 %.

Si ce décrochage correspond, en valeur, à ceux observés lors des précédents krachs, il s’est néanmoins concentré sur une période beaucoup plus courte, à savoir un mois contre un an et demi en moyenne. Les chiffres de récession avancés par plusieurs banques américaines sont éloquents. Elles tablent notamment sur une chute du PIB de l’ordre de 25 % pour le deuxième trimestre, avec des secteurs totalement à l’arrêt comme le tourisme, le transport aérien, la restauration et la majeure partie des activités en grande difficulté, comme le commerce ou la production manufacturière.

Face à cette situation historique, la réaction des Etats et des banques centrales ne s’est pas fait attendre et a surpris, aussi bien par sa rapidité que par l’ampleur des moyens déployés. Entre l’Europe et les Etats-Unis, pas moins de 8 000 milliards d’euros ont ainsi été injectés dans l’aide aux entreprises et aux ménages (plan de soutien, garantie partielle) au travers d’un ensemble de mesures budgétaires et monétaires. Ce volontarisme a d’ailleurs insufflé une bouffée d’oxygène aux marchés, qui se sont repris depuis leur point bas de mars, limitant ainsi le repli du S&P 500 et du Stoxx 500 à respectivement 10 et 20 % depuis le début de l’année.

Contrairement à la crise financière de 2008, la seule intervention des banques centrales ne suffit plus et doit désormais venir en appui de mesures exceptionnelles initiées par les gouvernements. C’est ainsi que, pour répondre, selon ses termes, à « l’urgence économique », le gouvernement français a fait voter un budget élargi à 110 milliards d’euros à l’Assemblée Nationale dans la nuit du vendredi au samedi 18 avril. En Allemagne, un plan de relance de 350 milliards d’euros a été mis en place, tandis que les Etats-Unis ont décidé d’allouer 2 000 milliards de dollars au soutien des entreprises et des ménages.

Le principe mis en œuvre repose sur l’idée qu’il est nécessaire d’intervenir à la fois sur l’offre et la demande. Dans une majeure partie des pays, les axes d’intervention ont porté sur la mise en place de mesures de chômage partiel et le soutien aux trésoreries d’entreprises afin d’éviter le plus possible les défaillances d’entreprises.

En suspendant le Pacte de stabilité et de croissance, la Commission Européenne a laissé place à l’idée d’une monétisation de fait des encours de dettes d’Etat détenus par les banques centrales. Mais le travail des grands argentiers de la planète ne s’arrête pas là. Outre le financement des politiques budgétaires des Etats, la liquidité des entreprises reste un sujet de préoccupation majeur. La BCE a ainsi annoncé un programme exceptionnel de rachats de dettes publiques et privées portant sur un montant de 1 000 milliards d’euros (soit 10 % du PIB de la zone euro) d’ici à la fin de l’année. De son côté, la Fed est en train de devenir le prêteur en dernier ressort de l’économie réelle, comme elle l’était précédemment dans le domaine financier. Elle acquiert non seulement des dettes d’Etat, mais également des dettes d’entreprises et des dettes associées au marché immobilier et au crédit à la consommation. Et cela sans limite de montant ni de temps.

Les réponses à cette crise sont dorénavant liées à la situation épidémiologique. Si la mise au point d’un vaccin ne représente pas une solution envisageable avant un an, des avancées étaient attendues en termes de combinaisons d’antiviraux. Toutefois, malgré quelques annonces et espoirs, les solutions qui permettraient un retour au travail plus rapide tardent encore.

Ce sont donc les questions du déconfinement et de l’immunité collective qui se posent depuis quelques jours. La proportion de la population permettant cette immunité est liée à la propension du virus à se propager. Pour le Covid 19, selon plusieurs études scientifiques, ce taux correspondrait à un seuil de 50 % de la population. En France à titre d’exemple, alors que les tests n’ont pas encore été développés à grande échelle, l’Institut Pasteur vient récemment d’estimer cette proportion à près de 6 %.

Les interrogations portant sur un déconfinement très progressif et sur la remise en route de certains appareils productifs - avec notamment l’exemple symbolique de la cotation du pétrole en territoire négatif - nous ont conduit à écréter nos positions à la mi-avril. Notamment sur les indices américains qui n’étaient plus en retrait que de 12 % pour le S&P 500 depuis le début d’année, et de seulement 5 % pour le Nasdaq.

De plus, la situation sera très différente entre les consommateurs qui disposeront de fait d’une épargne forcée au sortir de cette crise et les entreprises où, malgré le soutien budgétaire, il existera un risque de défaillance en particulier pour celles de petite taille.

Sur le plan sectoriel, les valeurs de croissance, qui constituent l’ADN de notre stratégie de gestion, ont continué de faire preuve de résilience dans ce contexte de crise aiguë. Sur ce segment, les valeurs liées à la consommation seront privilégiées au détriment de l’investissement industriel. Elles se caractérisent par une croissance pérenne de leur chiffre d’affaires, des taux de marge élevés et des fortes barrières à l’entrée. On les retrouve dans les domaines de la technologie, des infrastructures de données et communication, ou encore de la santé.

Cette crise devrait également souligner de nouveau l’importance des bilans sains et le positionnement sur les tendances structurelles de long terme, au-delà des critères stricto sensu de faible valorisation.

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Jean-Jacques Friedman, Chief Investment Officer de Natixis Wealth Management

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