Très intéressante conférence à la Banque de France cette semaine sur la finance verte, avec l’idée que le risque climatique n’est pas correctement pris en compte par les marchés. Mais surtout une méthodologie pour l’estimer. La BCE a aussi publié un article sur un sujet connexe hier. Bonnes nouvelles hier des Etats-Unis avec des chiffres économiques encourageants et un accord avec la Chine supposé imminent ; mais Donald Trump hier soir à douché les espoirs en promulguant la loi soutenant les manifestants pro-démocratie à Hong Kong. La Chine n’apprécie pas !
Point de marché : une prime de risque sur le souverain pour le risque climatique ?
La Banque de France a organisé lundi une conférence « Green Finance Research Advances », c’était la première manifestation d’une semaine d’évènements autour de la finance durable qui s’organise en marge du Climate Finance Day organisé par Finance for Tomorrow le 29 novembre.
Une présentation était particulièrement intéressante, elle était assurée par Irene Monasterolo et avait pour titre « Pricing forward-looking climate transition risk in sovereign bonds ».
L’idée est qu’il peut y avoir un « climate Minsky moment », un point à partir duquel les problèmes climatiques deviennent tellement dérangeants qu’ils suscitent soit une réaction violente des politiques économiques et réglementaires, soit des disruptions fortes sur l‘économie. Dans tous les cas il s’agit d’un risque et il faudrait le prendre en compte.
La méthode est d’estimer le cout de la transition énergétique pour un pays. L’approche de base est très usuelle dans la littérature sur la probabilité de défaut d’un souverain : le passif de l’Etat est constitué de sa dette, l’actif est constitué des recettes fiscales futures. Une transition énergétique peut avoir un impact sur ces recettes futures, par exemple parce que la croissance du PIB est affectée. Et donc sur la probabilité de défaut.
On en déduit l’augmentation de la probabilité de défaut, et donc une prime de risque supplémentaire, un « climate spread ».
Les simulations fournies donnent des ordres de grandeur très loin d’être négligeables, trois pays pourraient voir leurs taux progresser de plus de 100 points de base. Il faut toutefois noter que les pays européens figurent plutôt parmi les bons élèves. A noter malheureusement, pour des raisons de confidentialité, le nom des pays n’est pas mentionné.
Tous les investisseurs, pas seulement ceux qui sont socialement responsables, ont intérêt à se poser la question car il s’agit d’un risque
(1) qui n’est pas pris en compte par le marché correctement,
(2) qui pourrait être pris en compte à l’avenir.
Pour plus de détails on peut se référer au papier académique publiée par l’auteur « A climate risk assessment of sovereign bonds' portfolio » disponible sur https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3376218
Décarbonisation et marchés financiers
Presque le même sujet, mais cette fois c’est la BCE qui s’y colle avec un article publié hier, « Finance and decarbonisation: why equity markets do it better », disponible sur https://www.ecb.europa.eu/pub/economic-research/resbull/2019/html/ecb.rb191127~79fa1d3b70.en.html
L’article montre que les pays avec un marché actions plus développé ont tendance à être plus prône à financer l’innovation technologique que les pays où le financement bancaire est prépondérant. Les pays avec un marché actions développé ont donc aussi tendance à financer la transition énergétique et la décarbonisation plus rapidement que les pays très bancarisés qui continuent de financer les industries existantes.
Bonnes nouvelles des Etats-Unis ? Ou pas …
La première révision du PIB a réservé une bonne surprise avec un peu plus de croissance (+2,1% au lieu de 1,9%). D’autre part, les commandes de biens durables repartent à la hausse +1,2% en octobre pour la composante qui exclue la défense, mais cela compense juste les baisses des deux mois précédents. Au total le niveau d’évolution des commandes reste très médiocre et suggère une dynamique de l’investissement toujours très proche de zéro.
D’autre part, il semblait qu’un accord commercial entre la Chine et les Etats-Unis était possible dans un avenir proche ce qui a contribué hier à alimenter l’appétit pour le risque sur les marchés. Mais dans un revirement dont seul Donald a le secret, il a promulgué hier soir la loi soutenant les manifestants pro-démocratie à Hong Kong.
Concrètement, cela conduit à :
· Un embargo sur certaines exportations américaines : vente à la police hongkongaise de gaz lacrymogène, balles en caoutchouc, etc…
· Beaucoup plus important, cela ouvre potentiellement la porte à une revue de la clause de « la nation la plus favorisée » dont bénéficie Hong Kong pour ses relations commerciales avec les Etats-Unis.
· Enfin, cela laisse aussi la possibilité pour les Etats-Unis de prendre des sanctions contre des dirigeants chinois qui violeraient les droits de l’homme.
Il faut replacer cette décision dans un contexte plus large :
· D’une part les élections du 24 novembre dans les 18 districts de Hong Kong ont donné une très nette avance aux candidats pro-démocratie : gain dans 17 des 18 secteurs, 388 sièges gagnés sur 452 mis au vote (86% !), contre 124 lors des dernières élections (une hausse de 212% !).
· Côté américain, les démocrates américains en campagne pour les primaires ont aussi une attitude très agressive vis-à-vis de la Chine. Mais si Donald Trump axe son action sur les problèmes économiques, les démocrates, notamment Warren, parlent beaucoup de risque pour la démocratie mondiale. La loi promulguée par Donald hier est aussi un moyen de se positionner sur ce terrain.
Bien entendu, la Chine n’a pas du tout apprécié, et a utilisé l’arsenal diplomatique habituel : l’ambassadeur américain a été convoqué, des menaces de « représailles » ont été formulées, etc…
Les amis d’hier matin prêts à signer un accord sont donc brouillés et se chamaillent de nouveau. Bien entendu la charge symbolique de Hong Kong pour le gouvernement chinois fait que ce problème est très difficile à résoudre.