L’univers du travail n’a jamais autant évolué que ces trente dernières années. La révolution numérique, qui s’accompagne de nouveaux modes de travail est un vecteur fort de la montée en puissance des professionnels indépendants, démontrant une incroyable capacité d’adaptation. C’est incontestable : les dernières années de mutation et de crise ont vu émerger de nouveaux types d’emploi et de besoins.
Du côté des actifs, les incertitudes économiques, le chômage, ont conduit les jeunes et les quadras, en particulier, à repenser leur place. 50% des français de 18-24 ans aimeraient créer leur propre entreprise (viavoice 2015). Ils sont pourtant 62% à penser qu’il est difficile de se mettre à son compte, 37% à déplorer les faiblesses de la couverture sociale, et 54% se voient combiner activité salariée- indépendante et /ou à son compte (Sondage 18-29 ans Opinion Way –AFP 2017). Le secteur high Tech et l’inéluctable digitalisation influent sur ces nouveaux besoins des actifs : flexibilité de lieu et de temps, créativité et autonomie, sont devenues des attentes fortes, facteurs de satisfaction, elle-même clé de réussite. Notre récente étude mondiale (25 000 salariés dans le monde, 2000 en France) sur le bonheur au travail a clairement montré que l’autonomie et la créativité sont les fondamentaux du « plus de productivité » des équipes et des entreprises.
Du côté des entreprises, les intérêts à avoir recours à des indépendants sont multiples et ce sont leurs besoins de souplesse, de réactivité et de mobilité qui imposent les activités temporaires par nature ou correspondant à un projet. Pour bénéficier d’un surplus d’idées, d’une expérience ciblée, les entreprises pensent de plus en plus à faire interagir des indépendants en mode projets avec des salariés pourvus d’une culture d’entreprise réelle et exerçant leur cœur de métier. L’entreprise de demain ne serait plus seulement un employeur, elle pourrait devenir un apporteur d’affaires. Pour autant, nous constatons tous les jours que cette population (2,8 millions de travailleurs indépendants) se précarise. Les salaires sont insuffisants : 50% des freelances gagneraient moins de 1500 euros par mois. Leur revenu moyen aurait baissé de 15% depuis 10 ans, sans parler des dysfonctionnements avérés du RSI qui les laissent exsangues. Si les plates-formes collaboratives sont régulièrement pointées du doigt, cela fait 30 ans que la part des emplois fragiles est passée de 5% à12% au total. (Source HCFiPS).
Devant l’ampleur des mutations et l’aspiration d’un nombre croissant de nos actifs, il paraît urgent de réfléchir à de nouveaux droits pour les travailleurs indépendants. De nouveaux dispositifs peuvent être crées pour améliorer la sécurité en matière de rémunérations et en termes de protection sociale. Il s’agit d’offrir une protection sociale à tous les travailleurs. Si ces thèmes ont été abordés, dernièrement dans la sphère politique française, il ne faudrait pas qu’ils restent à l’état d’appât car, on le sait, cette tendance est incompressible, elle est la conséquence d’un monde qui évolue et dont nous ne pouvons plus être les simples spectateurs. Il faut franchement reconsidérer le travail freelance et l’auto-entreprenariat, ne plus les exclure de la quasi-totalité des garanties offertes aux salariés. C’est un défi auquel une société intelligente se doit de répondre.