Le groupe Casino a mis le feu aux poudres dimanche 23 septembre en fin de soirée, en publiant un communiqué expliquant avoir été « sollicité depuis quelques jours par Carrefour en vue d’une tentative de rapprochement » et avoir décidé de « ne pas donner suite à cette approche ». Carrefour a démenti dans la foulée toute velléité de rachat… avant de concéder l’existence de réunions préparatoires entre les deux groupes. Le point sur la situation.
Malgré les démentis initiaux du groupe Carrefour, la chronologie des événements est désormais connue. Le 12 septembre 2018, Alexandre Bompard et Jean-Claude Naouri, respectivement PDG de Carrefour et de Casino, se rencontrent pour évoquer l’éventualité d’un rapprochement entre les deux groupes français, spécialisés dans la distribution.
L’hypothèse d’un rapprochement entre deux groupes confrontés à la même menace (à savoir un marché de la distribution en plein big-bang existentiel face à Amazon) n’est pas saugrenue. Les deux chefs d’entreprises semblent sur la même longueur d’onde et décident de faire plancher leurs équipes juridiques respectives sur les bases d’un rapprochement. Pourtant, moins de deux semaines plus tard, le conseil d’administration Casino décide de se retirer… et de le faire savoir.
Frappe préventive
Le communiqué, publié un dimanche soir à 23h43, est clairement un tacle direct adressé à Alexandre Bompard. Immédiatement reçu, puisque la réponse de Carrefour intervient à 3h05 du matin, « dément(ant) avoir sollicité Casino et s’étonn(ant) que l’on ait soumis au conseil d’administration de Casino une proposition de rapprochement qui n’existe pas ». Si Carrefour reviendra sur cette dénégation initiale et concèdera une rencontre et des échanges de documents, c’est surtout la méthode employée par Casino qui est visée.
Quelle mouche a piqué Jean-Charles Naouri en ce dimanche soir ? Plusieurs confidentiels publiés dans la presse spécialisée, laissent entendre que le patron de Casino aurait été convaincu qu’Alexandre Bompard préparait une OPA hostile contre son groupe plutôt qu’une opération amicale. Sur quelle base ? Pourquoi ? Le Monde évoque le refus des équipes de Carrefour d’inclure une clause interdisant à leur groupe d’acheter des titres Casino pendant la période des négociations… et donc de lancer une OPA hostile.
Casino sous surveillance
Avec ce communiqué, Jean-Charles Naouri aurait en tout cas voulu couper l’herbe sous le pied du PDG de Carrefour et le mettre en porte-à-faux à l’égard de ses actionnaires et de l’interne, qui n’étaient pas forcément au courant de la tenue de négociations avec Casino. Rappelons que Carrefour est en train de liquider plusieurs milliers d’emplois en France… Le tout dans un contexte d’intense nervosité du côté de Casino, après les attaques spéculatives à la baisse, dont le groupe a été victime ces dernières semaines.
Malgré une stratégie bien orientée et un business plutôt bien adapté aux futurs enjeux de la consommation, le groupe Casino est fragilisé depuis plusieurs années par le poids de sa dette. En conséquence, l’agence de notation Standard and Poor’s a abaissé en septembre d’un cran la note de Casino à "BB". Face à cette situation, le groupe stéphanois a annoncé un plan de cessions d’actifs pour un montant de 1,5 milliard d’euros pour la période 2018/2019. L’avenir dira si ce plan est suffisant pour désamorcer les appétits de ses concurrents et des fonds-vautours.