Un lieu commun attendu dans la presse subventionnée veut que les politiques de redistribution aient protégé les Français contre les effets de la crise de 2008. Il ne se passe une semaine sans que la parole soit donnée à un commentateur qui dresse le spectre des travailleurs pauvres en Allemagne, face à la maîtrise des inégalités en France. Sauf que les statistiques produites par Eurostat démontrent que ces politiques de redistribution se font au détriment de la richesse moyenne par habitant. On redistribue mieux, mais de moins en moins.
Les statistiques européennes sont parfois cruelles. Elles rompent la monotonie des préjugés qui fleurissent dans la bien-pensance française. C’est par exemple le cas sur l’efficacité des politiques de redistribution et de protection, tant vantée dans notre pays. Sauf que tout démontre qu’elles participent largement à un appauvrissement général du pays.
Les politiques de redistribution par l’exemple
Le graphique ci-dessus en donne la description générale. Il représente les variations de produit intérieur brut par région, et les positionne par rapport à la moyenne européenne. Une lecture simple révèle quelques cruelles réalités.
La première est probablement que plusieurs régions françaises partagent avec la Roumanie et la Bulgarie le triste privilège de disposer d’un revenu par habitant en parité de pouvoir d’achat inférieur à 50% de la moyenne européenne. Insistons sur la notion de parité de pouvoir d’achat. Il ne s’agit pas de comparer des revenus nominaux, mais bien du pouvoir d’achat effectif.
Certes, c’est à Mayotte que la France doit ce mauvais classement. Il n’en demeure pas moins que l’affichage est mauvais. En outre, il est corroboré par les autres éléments chiffrés. Ainsi, seules deux régions françaises (Ile-de-France et Rhône-Alpes) disposent d’un PIB par habitant supérieur à la moyenne européenne. Toutes les autres régions se situent sous la moyenne.
Autre constat qui devrait alerter les Français: les écarts entre la région française la plus riche et la plus pauvre sont d’une amplitude parmi les plus importantes d’Europe. En dehors du Royaume-Uni, aucun pays ne fait pire que la France. Là encore, le mythe d’une politique de redistribution qui gommerait les inégalités entre Français, notamment entre territoires, ne tient pas. Malgré une pression fiscale extrêmement puissante qui vise à égaliser les disparités de revenus selon l’origine géographique, la France reste un pays profondément « divergent » selon l’endroit où l’on habite.
La richesse en trompe-l’oeil de l’Ile-de-France
Dernier constat qui se dégage à l’oeil nu: Paris n’est pas aussi riche qu’on le croit. L’Ile-de-France dégage un PIB en parité de pouvoir d’achat supérieur de 75 points à la moyenne européenne. C’est beaucoup moins que Londres, avec 510 points de plus, ou Luxembourg, avec 160 points de plus. Mais c’est aussi moins bien que Bruxelles ou Hambourg (100 points de plus que la moyenne), et même moins bien que Bratislava ou Prague.
Le lent déclin français selon un scénario « à l’espagnole »
Il faut se plonger dans les analyses à plus long terme pour comprendre la mal qui ronge le pays. Dans le graphique ci-contre, qui date de 2009, on voit quel était le classement européen au moment de la grande crise de 2008.
Comme on le voit, le PIB par habitant moyen français a légèrement baissé sur la période de 2009 à 2016. Il a légèrement cru en Ile-de-France, comme à Hambourg. Pendant ce temps, il doublait à Londres et il progressait d’environ 50% en Irlande. Durant cette période, Bratislava est passé devant l’Ile-de-France.
On notera avec intérêt que ce sont les pays les plus libéraux, selon la logique française, c’est-à-dire le Royaume-Uni et l’Irlande, qui ont créé les régions les plus prospères.
Ce qui se dessine ici n’est donc pas un effondrement brutal de la richesse en France. Il s’agit plutôt d’une érosion lente. Le cas Mayotte l’illustre très bien. Depuis 2008, Mayotte a perdu en niveau de vie et figure désormais parmi les lanternes rouges. Alors que la France ne comptait, n 2009, aucune région sous les 50% du PIB moyen européen, elle compte désormais Mayotte.
Ce phénomène d’érosion se distille donc peu à peu, à la manière dont l’Espagne s’est appauvrie et endormie après son siècle d’or. Progressivement, l’étoile pâlit et s’efface, mais à un rythme suffisamment lent pour qu’aucune réaction brutale au sein de la population n’intervienne.
L’érosion française par la géographie
La carte ci-contre illustre bien le mal français. Cette carte figure l’évolution du PIB moyen par habitant en parité de pouvoir d’achat de 2007 à 2015. Les couleurs bleues figurent les régions où cette PIB moyen a augmenté. Les zones en rose et rouge figurent celles où il a baissé. Plus la couleur est soutenue, plus la baisse est forte.
De façon très révélatrice, le Lebensraum allemand a progressé, sous l’effet d’un ordo-libéralisme qui s’est contaminé à toute la région. Dans le reste de l’Europe, seuls le nord du Portugal, l’Ile-de-France, Londres et quelques régions résiduelles en Ecosse et au Royaume-Uni, ainsi que la Belgique, ont connu des progressions.
Dans cet ensemble, la France subit le même sort que l’Espagne, que l’Italie… Elle décline peu à peu. Les pays du Nord à forte politique de redistribution, comme les Pays-Bas, la Suède ou la Finlande, sont frappés du même mal.
Les vertus sociales de l’ordo-libéralisme
Globalement, les politiques de redistribution apparaissent socialement inférieures aux politiques de maîtrise budgétaire et de défiscalisation apportées aux entreprises. La rupture nette dessinée par les statistiques européennes le prouve. Partout où la dépense publique est contenue et les entreprises encouragées à se développer, le revenu moyen par habitant progresse.
À l’inverse, les pays à forte protection sociale ou soucieux de se doter d’amortisseurs sociaux ont vu leur PIB moyen baisser…
Peu à peu, nous en revenons donc à la question fondamentale qui porte sur la légitimité économique des politiques de redistribution: garantissent-elles efficacement la prospérité d’une Nation, ou se contentent-elles d’amoindrir le coût du déclin?
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog