Le Nikkei a doublé depuis deux ans : bonne ou mauvaise nouvelle ?

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Par Fabien Pirollo Publié le 8 juin 2015 à 5h00
Japon Nikkei Marches Bourse Monnaie
@shutter - © Economie Matin
250 %La dette publique du Japon représente 250 % de son PIB.

La valeur du principal indice boursier japonais, le Nikkei 225, a doublé depuis 2 ans et demi : fin 2012, il était à 10 000, aujourd'hui il est à 20 000. A priori, ce constat semble positif car il traduit la bonne santé des marchés financiers et peut de plus inciter les entreprises à investir (voir le Q de Tobin).

Ce doublement de la valeur du Nikkei s'était déjà produit entre avril 2003 et janvier 2006 mais il pouvait notamment se justifier par une croissance du PIB soutenue (1,9 % en moyenne) et parce que la valeur de l'indice partait de plus bas (7 831 contre 11 139), il y avait donc moins de points à gagner pour la doubler.

Voici le graphique présentant la valeur du Nikkei 225 et le taux de croissance trimestriel du PIB japonais de 1995 à aujourd'hui :

On le voit, le problème actuel est que la croissance économique ne permet pas d'expliquer cette hausse vertigineuse de l'indice boursier. En effet, sur les 2 dernières années et demi, la croissance trimestrielle moyenne fut seulement de 0,7 %. Ainsi, le coefficient de corrélation entre le taux de croissance du PIB et le Nikkei 225 est devenu faiblement négatif (- 0,26). D'où peut donc venir l'augmentation du Nikkei ?

Des perspectives économiques futures ? Non

Comme les fondamentaux économiques actuels ne permettent pas de comprendre la valeur du Nikkei, il faut peut être regarder du côté des anticipations de croissance. En effet, si les investisseurs pensent que l'économie japonaise va s'améliorer dans les années à venir, il est cohérent que l'indice boursier croisse. Regardons donc la croissance potentielle du Japon. Pour ce faire, j'utilise simplement la fonction de la productivité du travail : Y = P.N, où Y est le PIB, P la productivité par tête et N l’emploi (c'est-à-dire la population en âge de travailler). Voici le graphique obtenu avec cette méthode :

On constate que la croissance potentielle du Japon est très faible (entre 0,4 % et 0,7 % les dernières années), ce qui s'explique principalement par l'évolution démographique du pays : la variable "emploi potentiel" sur le graphique ci-dessus est passée en négatif depuis la fin des années 90. Cela vient du fait que non seulement la population japonaise décroît, mais en plus que la part des seniors dans la population totale ne cesse d'augmenter : les plus de 65 ans représentaient 21,9 % de la population totale en mai 2008 contre 26,4 % aujourd'hui. Pour illustrer ce phénomène de vieillissement de la population, je rappelle que depuis quelques années, l'entreprise japonaise Unicharm vend davantage de couches pour les personnes âgées que pour les enfants en bas âge.

Les perspectives économiques du Japon ne permettent donc pas d'expliquer l'évolution récente du Nikkei.

Dans ce cas, si ni la situation économique actuelle ni les anticipations de croissance ne permettent de justifier cette évolution, c'est que cette dernière est artificielle et c'est donc une mauvaise nouvelle. Les marchés financiers peuvent être décorellés de la sphère économique réelle notamment à cause de l'utilisation outrancière de politiques économiques expansionnistes, qui biaisent de fait la valorisation des actifs boursiers. Regardons donc de ce côté.

La politique budgétaire ? Non

La dette publique japonaise est connue pour être la plus élevée du monde (presque 250 % du PIB). Mais elle évolue de manière quasi linéaire depuis des années et croît même légèrement moins vite dans la période récente. Donc, malgré un coefficient de corrélation élevé, les variations de la dette publique ne permettent pas d'expliquer la hausse du Nikkei (car il suffit que l'indice boursier augmente pour que le coefficient de corrélation soit positif et proche de 1 vu que la dette augmente constamment) :

Coefficient de corrélation (2013-2015) : + 0,91

En ce qui concerne la dette privée, on sait que depuis de nombreuses années le secteur privé est sur une dynamique de désendettement suite à l'éclatement de la bulle spéculative japonaise en 1990 :

Coefficient de corrélation (2013-2015) : - 0,04

Il ne reste donc comme variable explicative plus que la politique monétaire.

La politique monétaire ? Oui

Le Quantitative Easing japonais ("Quantitative and Qualitative Monetary Easing" : achat de Japanese Government Bonds, d'ETF, de Japan real estate investment trusts...) mis en place au début de l'année 2013 a eu comme effet essentiel d'augmenter le prix des actifs financiers et immobiliers. C'est la raison essentielle pour laquelle le Nikkei a autant augmenté.

Coefficient de corrélation : 0,92.

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Fabien Pirollo est diplômé de l'ESCP Europe avec une spécialisation en économie. Ancien chargé de mission à la Communauté d'Agglomération des Hauts-de-Bièvre, il est également le créateur du blog http://www.economx.pe.hu/ et analyste financier sur le site http://fr.investing.com

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