Abidjan, futur hub numérique d’Afrique de l’Ouest ?

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Par Fabien Leroy Modifié le 29 mars 2017 à 14h25
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cc/pixabay - © Economie Matin
7%Les nouvelles technologies comptent déjà pour 7% du PIB de la Côte d'Ivoire.

Abobo, seconde commune la plus peuplée de la Côte d'Ivoire après Abidjan qu'elle jouxte, n'a que peu à voir avec la Silicon Valley. C'est pourtant au milieu de ses rues cabossées qu'une poignée de jeunes prodiges de l'informatique a ouvert, en septembre 2014, le premier et, jusqu'à aujourd'hui, unique « fab lab » ivoirien. Le « Baby Lab », c'est son nom, a été conçu comme une réponse aux problèmes de violence et de pauvreté qui gangrènent la vie des 1,5 million d'habitants d'Abobo. Tout en réussissant la prouesse de figurer dans le répertoire du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Au sein du Baby Lab, les habitants du quartier ont accès à des ateliers de sensibilisation à l'informatique : navigation sur Internet, apprentissage et prise en main des logiciels libres ou encore, pour les petits élèves du « Kid Lab », étude du codage et de la programmation informatique. Le tout dispensé par des professionnels, qui ont été chercher leurs jeunes recrues directement dans la rue. Pour Obin Guiako, président et cofondateur du projet, en Côte d'Ivoire, « l'ordinateur est encore considéré comme un outil de luxe. En ouvrant cet espace, nous voulions donner une occupation à la jeunesse et réduire les disparités d'accès au numérique ». Quitte à recourir au système D : les plus jeunes sont ainsi formés à fabriquer des PC directement à partir de matériel récupéré. Un art de la débrouille qui révèle l'enthousiasme de tout un pays pour les nouvelles technologies.

Porter les TIC à 15% du PIB en 2020

L'économie ivoirienne ne se résume pas à la production de cacao. Les nouvelles technologies comptent déjà pour 7% du PIB du pays. L'objectif des autorités est de doubler cette part et d'atteindre 15% à l'horizon 2020 – et de faire d'Abidjan le « Manhattan de l'Afrique », selon l'expression de l’ex-Premier ministre et actuel vice-président, Daniel Kablan Duncan.

De fait, la Côte d'Ivoire a déjà pris le virage numérique : plus de 25 millions d'Ivoiriens sont abonnés au téléphone mobile, 8 millions à la 3G (fin 2015) ; le taux de pénétration du mobile atteint ainsi les 100%. Concernant Internet, c'est là aussi l'explosion : de moins de 200 000 en 2011, les abonnés au Web sont passés à 8 millions en 2015. Le secteur ivoirien du e-commerce, notamment, a le vent en poupe.

Alors que le taux de pénétration des banques traditionnelles en Côte d'Ivoire ne dépasse pas les 16,5%, celui du Mobile Banking avoisine les 83%. Sur une population de 24 millions d'habitants, ils sont désormais de 19 à 20 millions à bénéficier de ces services bancaires mobiles. Une croissance exponentielle, favorisée par le déploiement à grande échelle des infrastructures nécessaires pour accélérer la conversion numérique ivoirienne. L'installation de quelque 7 000 kilomètres de connexion à Internet haut débit est prévue pour cette année. Le gouvernement table également sur la construction de 150 salles multimédias, destinées à sensibiliser la population au numérique à travers tout le territoire.

L'attention portée par les autorités ivoiriennes aux technologies de l'information et de la communication (TIC) ne date pas d'hier. Dès 2012, le président de la République, Alassane Ouattara, lançait officiellement un dispositif visant à rendre accessibles les outils des TIC à l'ensemble du système éducatif ivoirien. Dénommé E-Education, le programme, tout d'abord centré sur les besoins de l'enseignement supérieur, a permis d'interconnecter les principales universités du pays entre elles, mais aussi de fournir à ces établissements un accès en haut débit à Internet. Pas moins de 3 000 accès simultanés à Internet à l'intérieur et à proximité des amphithéâtres, 500 accès simultanés à des cours diffusés sur l'infrastructure de télé-enseignement, 1 500 accès à des cours enregistrés, plusieurs milliers d'heures de cours stockables ou encore 50 connexions avec des universités du monde entier, ont été financés.

La French Tech mise sur la Côte d'Ivoire

Après des années de troubles et de guerre, la fièvre numérique qui s'empare de la Côte d'Ivoire attire les regards. Et les investisseurs. A l'image de la French Tech, qui vient de nommer Abidjan dans sa short list de « French Tech Hubs », à égalité avec des métropoles historiques comme Londres, Barcelone ou New York. Excusez du peu. Le dispositif, labellisé par l'Etat français, vise à accompagner les start-up dans leur développement à l'international, en fédérant l'écosystème local autour de ces jeunes pousses françaises. A terme, c'est la constitution d'une communauté franco-ivoirienne du numérique qui est visée, s'appuyant sur un réseaux de mentors naviguant entre les deux pays.

Le regain d'intérêt pour la « Côte d'Ivoire numérique » n'a pas échappé aux autorités françaises. En visite à Abidjan, la secrétaire d'Etat chargée du Numérique d’alors, Axelle Lemaire, a pu rencontrer, en septembre 2015, tout ce que la capitale économique ivoirienne compte de blogueurs, de développeurs et d'entrepreneurs 2.0. La fine fleur de la « tech » ivoirienne, en quelque sorte, celle qui réussit la prouesse de faire de la Côte d'Ivoire le pays qui tweete le plus en français. Pour la ministre française, « le numérique ne peut se développer en Afrique que par un usage fréquent. (Il) est aujourd'hui dans tous les corps de métiers » et constitue un levier à même de relever les grands défis de l'Afrique : santé, éducation, agriculture, vie démocratique, etc. Une chose est sûre, pour Axelle Lemaire, « l'avenir du numérique en Afrique débute à Abidjan ».

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Chef de projet numérique. Marketing stratégique auprès de clients du secteur TIC dans les pays en voie de développement.

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