Nos planificateurs néo-keynésiens vivent avec deux croyances. Encourager la consommation, fut-elle artificielle, d’une part. La croissance viendra d’une abondance d’argent gratuit, comme au Monopoly, distribué grâce au crédit infini de l’Etat ou bien, encore mieux, créé à partir de rien, grâce aux banques centrales.
Canaliser l’épargne et l’investissement, au mépris du concept de responsabilité individuelle, d’autre part. L’objectif est toujours le même, utiliser un appât fiscal (au choix, une réduction ou un crédit d’impôt) pour contraindre l’investisseur à déposer ses fonds non pas forcément là où un raisonnement économique rationnel, compte tenu de ses objectifs et de son horizon de placement, l’amènerait à investir, mais là où les planificateurs omniscients savent mieux que personne ce qui est bon pour lui. L’épargnant, qui a travaillé dur tout sa vie pour accumuler un capital, même modeste, doit apparemment être jugé immature et inculte.
Passons sur la pratique courante consistant, pour l’intermédiaire, à calculer sa marge en fonction de l’économie d’impôt que fera le particulier. Pour ce dernier, l’opération sera au mieux blanche, puisque l’économie fiscale, pour l’essentiel si ce n’est en totalité, aura servi à rémunérer le vendeur.
L’histoire regardera sans doute un jour ces économistes réputés comme nous voyons aujourd’hui les médecins du temps de Molière, qui parlaient si bien le latin. Face aux patients déjà saignés à plusieurs reprises, et dont l’état empirait, malgré tout, les Thomas Diafoirus de l’époque prescrivaient de nouvelles saignées ! Dans une économie supposée bénéficier du dynamisme créé par 40 ans de déficits publics réitérés chaque année, qui à la longue tuent la croissance, la seule solution réside dans toujours plus de dépenses publiques…
La caricature de l’interventionnisme : l’outre-mer français
D’un côté des dispositifs fiscaux incitatifs, encourageant les épargnants à investir dans l’immobilier neuf locatif. De l’autre, des majorations de traitement sans rapport avec le surcoût réel de la vie accordées aux fonctionnaires métropolitains affectés en outre-mer (91 000 en 2014 pour les quatre DOM « historiques »).
Certes, il parait normal de compenser l’éloignement de la métropole, des familles, des amis, le prix des billets d’avion pour revenir chaque été, la vie chère en général, le prix des denrées importées, etc. Ces majorations sont aujourd’hui de 40% pour les départements français d’Amérique (DFA)*, 53% à la Réunion, sans parler des primes d’installation, des congés bonifiés et des réductions sur l’IRPP de 30% (40% en Guyane).
Mais le plus surprenant, c’est que les fonctionnaires recrutés localement, que ce soit pour l’Etat ou l’hôpital, en bénéficient aussi. Et la loi du 26 janvier 1984 a permis aux collectivités territoriales de progressivement accorder cet avantage à leurs propres fonctionnaires (75 000 agents éligibles dans les DOM en 2011). Ce statut d’expatrié pour travailler au pays serait un gag si les effets sur les finances publiques et le développement économique n’étaient pas aussi catastrophiques.
Bien entendu, la vie chère est la même pour tout le monde, mais toutes les analyses concordent pour mettre en évidence le fossé entre la réalité du surcoût de la vie comparé à la métropole (de +6% à la Réunion à +13% en Guyane en 2010 selon l’Insee, avec une tendance au resserrement des écarts avec l’hexagone au fil des ans) et le niveau des majorations (40 à 53%). Pour autant, jamais aucune décision n’a été prise pour réduire ces majorations progressivement et les ramener au niveau de la réalité.
Toujours plus d’aides, de chômage et de pauvreté
L’un des échecs majeurs de nos politiques publiques depuis 1946 est la situation économique de nos départements d’outre-mer, ces fameux DOM, aux allures de paradis de carte postale mais drogués aux transferts de deniers publics. Le seul coût de ces sur-rémunérations, pour les fonctionnaires de l’Etat, civils seulement, s’élevait à près de 1,2 milliard d’euros en 2012, soit 8,4% des dépenses budgétaires de l’Etat outre-mer.
Autrefois appelées les « danseuses de la République », ces départements sont supposés « bien » voter pour le pouvoir en place, quel qu’il soit ; pourtant, ces « poussières d’empire » (la Réunion est trois fois plus petite que la Corse) se caractérisent toujours par des taux de chômage et de pauvreté élevés. Cependant, depuis quelques années, les yeux s’ouvrent peu à peu. Les observateurs commencent à réaliser que cet afflux d’argent public n’a fait qu’encourager l’inflation locale de la même manière que les aides aux logements ont poussé l’immobilier à la hausse depuis 30 ans.
Ces transferts ont assuré la fortune des familles contrôlant les circuits de la grande distribution et ont bien entendu contribué à la hausse de l’immobilier, forçant l’Etat à dépenser encore plus d’argent sous forme d’aides et allocations diverses pour permettre aux non-fonctionnaires — qui, hormis quelques privilégiés, ont des revenus très modestes, lorsqu’ils ne vivent pas uniquement des transferts sociaux — de se loger quand même.
Les autres bénéficiaires sont donc les propriétaires, dont le rendement des investissements immobiliers est assuré par cette rente financée par la collectivité, un comble ! On assiste là à un schéma malheureusement classique de l’action publique : des dépenses excessives qui nécessitent, pour en corriger les effets pervers, des débours encore plus élevés.
Un secteur privé handicapé
Mais il y a une autre face sombre. Le secteur privé, pour attirer des collaborateurs qualifiés, doit s’aligner, ce qui condamne toutes les activités à faible marge et plus généralement décourage l’investissement productif. Il n’est pas rare de voir de brillants jeunes diplômés préférer rester au chômage, refuser des propositions d’embauche dans le secteur concurrentiel, dans l’espoir de décrocher plus tard un emploi public au salaire majoré à 40% ou 53%.
Dans ces conditions, ces départements aux atouts touristiques exceptionnels ne peuvent concurrencer à armes égales leurs voisins immédiats. Sans parler des tensions sociales provoquées par une société à deux vitesses, les privilégiés (qui bénéficient soit des rentes dans la distribution et l’immobilier soit de sur-rémunérations) et les autres.
Face à un tel désastre, certains politiques ne peuvent plus se voiler la face et l’on parle déjà, dans les programmes de certains candidats de 2017, de la remise en cause, au moins partielle et de toute façon progressive (on ne peut pas retirer toute la dope d’un seul coup sous peine d’enflammer, au sens propre, nos îles et la Guyane), de ces fameuses majorations.
On peut aussi évoquer l’une des 35 recommandations issues du Rapport sur l’égalité réelle en Outre-mer, remis par l’ancien ministre des Outre-mer Victorin Lurel (maintenant député SRC) à l’actuelle titulaire George Pau-Langevin et à Ericka Brikcs, secrétaire d’Etat à l’égalité réelle.
Dans ce rapport en effet, il est recommandé (n. 11) de : « […] dans le but de réduire les inégalités internes, engager, après au moins deux plans quinquennaux de convergence une réflexion sur une réforme du dispositif des sur-rémunérations en réaffectant les économies dégagées au financement des plans de convergence" .
Certes, pas avant 10 ans, mais l’idée est dans l’air du côté du gouvernement actuel aussi. L’une des conséquences pratiques de telles décisions, qui finiront bien par être prises, sera d’alléger l’inflation des loyers. La rentabilité des investissements immobiliers outre-mer, pourtant vendus hors de prix, du fait d’avantages fiscaux et de promesses de rentabilité élevée – risque à terme de ne plus être au rendez-vous. Méfiez-vous donc des investissements immobiliers outre-mer défiscalisés.
Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit
* L’écart avec les DFA n’a d’ailleurs plus de base légale depuis la fin du franc CFA dans l’Océan indien le 1er janvier 1975, comme l’a rappelé la Cour des comptes en 2015, (Les compléments de rémunération des fonctionnaires d’Etat outre-mer : refonder un nouveau dispositif — Cour des comptes — Rapport public annuel — février 2015).