C’est un véritable pavé dans la marre que vient de lancer le Figaro avec un article rédigé par le journaliste Luc Lenoir au titre plus qu’illustratif : « Éoliennes en mer : des 2CV au prix de Rolls-Royce ? »
Depuis plus de 10 ans la France s’entête à envisager l’installation de centrales éoliennes au bord des côtes françaises. Autant dire qu’il ne s’agit en aucun cas d’éolien offshore comme le présentent les consortiums industriels mais bien d’éoliennes côtières puisque, à l’instar du projet de centrale entre Yeu et Noirmoutier, elles sont parfois installées à quelques kilomètres de la terre. C’est donc huit projets de centrales éoliennes côtières qu’entend défendre le nouveau ministre Nicolas Hulot qui s’est par ailleurs rendu célèbre par ses émissions pour la défense acharnée de la préservation du littoral et du patrimoine maritime.
Ironie du sort, c’est à celui qui a le plus contribué à la prise de conscience de la nécessaire protection des espaces marins et à la popularisation de cette cause que revient le soin d’assurer l’industrialisation systématique du littoral français de la Manche à l’Atlantique par l’installation d’aérogénérateurs. Et pour le coup, pas à n’importe quel prix !
Car, à lire le papier du quotidien, l’installation potentielle de huit centrales éoliennes sur le littoral français se ferait à un coût absolument indécent pour le contribuable et le consommateur français. L’ancien défenseur acharné de la nature se transformant par sa fonction en défenseur acharné des intérêts financiers des consortiums industriels du vent. Les chiffres annoncés par le journaliste sont édifiants dans cette période de disette financière. Alors que le prix de marché de l’électricité est évalué à 53,7 euros le mégawatt heure en 2022, alors que la société Engie vient de gagner une enchère d’une centrale éolienne en mer en Grande-Bretagne à un prix de rachat converti de 68 euros par mégawatt heure, eh bien l’état français propose aux industriels du vent un prix de rachat gigantesque de 221,7 euros le mégawatt heure soit environ 4 fois le prix habituel de l’électricité.
Le Figaro dévoile que, pour la totalité des centrales éoliennes côtières, le surcoût annuel pour les consommateurs français sera de l’ordre de 2,7 milliards d’euros. De quoi faire exploser la facture d’électricité des français qui ont déjà subi l’énorme augmentation de la CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité). Sans compter que l’électricité achetée par l’État n’aura parfois aucun débouché puisque les pics de production éolienne ne correspondent pas nécessairement aux pics de consommation. Ainsi, en prenant en compte l’intermittence du vent, le prix de rachat pourrait être évalué à huit fois le prix habituel de l’électricité selon le journaliste.
Sur la défensive, Olivier David, du ministère de l’Écologie, parle d’un chiffre « fantaisiste » sans justifier son propos. Il n’en demeure pas moins que les 221 euros proposés par l’État aux consortiums industriels existent bel et bien et qu’il s’agit d’un prix hors marché. Rien ne peut justifier ce prix inacceptable. Les difficultés de l’éolien en mer sont désormais connues et les réponses industrialisées. Il s’agit aujourd’hui d’un marché mondial. Encore récemment le journal Les Échos relevait un prix de marché à 50 euros le mégawatt heure en Allemagne. Les prestataires de services ont désormais industrialisé leur process et plus rien ne justifie un tel montant.
On reste perplexe lorsqu’on évoque la création d’une filière industrielle française puisqu’il y a 15 jours, différents consortiums industriels éoliens annonçaient qu’ils allaient utiliser désormais des turbines éoliennes du Groupe Siemens existant déjà sur le marché. La France financera donc à grands frais la R&D allemande et ne fera qu’assurer en France des emplois peu qualifiés et non pérennes. Très clairement, l’éolien côtier envisagé actuellement est une très mauvaise idée tant en termes financiers qu’en termes d’innovation. Il est inefficace de payer des sommes faramineuses pour une absence totale de débouché industriel.
Si la France se décide à faire de l’innovation, elle doit la concentrer sur l’éolien flottant - dont elle est le leader mondial - mais véritablement offshore, c’est-à-dire au minimum à 50 kilomètres des côtes. À défaut, notre ministre actuel sera comptable d’un gâchis financier phénoménal au résultat industriel quasi nul. Il est temps désormais de faire « en marche arrière » sur ces projets de centrales éoliennes côtières.