Edouard Philippe a annoncé aujourd’hui l’essentiel des mesures pour la réforme des retraites qui sont pour la plupart issues du rapport Delevoye mais avec certaines différence.
Il a répété plusieurs fois que les femmes seraient les grandes gagnantes de cette réforme. Qu’en est-il ?
Le système de retraite à point prévoit de baser la retraite sur les points accumulés du 1er au dernier jour de travail tout au long de la carrière. La retraite sera donc le reflet de toutes les périodes de vie active des femmes…et donc des éventuels « trous dans la carrière » liés aux interruptions ou aux périodes de temps partiel des femmes qui prennent du temps pour garder leurs enfants en bas âge puis par la suite les éduquer et les aider à s’insérer professionnellement demain.
Rappelons que les mères représentent 94% des parents en congé parental, les femmes 76% des employés à temps partiel. Par nature, un système à point réduit la retraite de ces mères, de ces femmes.
Mais le gouvernement a pris des dispositions qui vont aggraver encore la retraite des parents qui font le choix de réduire leur activité professionnelle pour mieux prendre en charge leurs enfants.
Une bonification par enfant défavorable aux mères ayant des carrières hachées :
Le rapport Delevoye supprime les 8 trimestres dont bénéficient les salariés du privé (4 pour les fonctionnaires) pour chaque enfant. 8 trimestres c’est 5% du total des trimestres exigés pour avoir une retraite à taux plein. Ils seraient remplacés par une bonification de 5% du total de la pension pour chaque enfant élevé. Les conditions de transfert ou de partage avec le père sont identiques à celles des trimestres actuels de bonification. Pourtant les bénéficiaires ne seraient pas les mêmes : les trimestres de bonification sont utiles aux mères ayant des carrières incomplètes. La bonification de 5% bénéficierait surtout aux femmes n’ayant jamais interrompu leur carrière.
Une réduction drastique de la bonification attribuée aux familles nombreuses :
Il était prévu de supprimer les 10% de bonification dont bénéficient les deux parents des familles ayant élevé 3 enfants et +. Aujourd’hui, et c’est la seule annonce favorable aux femmes faite par Edouard Philippe, le gouvernement propose de donner une bonification de 2% aux mères de 3 enfants et +. On est très loin des 10% pour chacun des deux parents. D’autant plus loin, que ce sont les mères de familles nombreuses qui sont les plus susceptibles de passer à temps partiel ou de s’arrêter de travailler pendant quelques années…donc 2% de pas grand-chose ne leur donnera pas une retraite mirifique.
Une suppression de l’Assurance Vieillesse des Parents au foyer (AVPF) :
Aujourd’hui, les parents de familles nombreuses interrompant leur activité professionnelle et touchant le complément familial (dernier décile) et les parents s’occupant eux-mêmes de leur enfant handicapé (sans conditions de ressources) bénéficient d’une cotisation retraite de la CAF à hauteur de 100% du SMIC. 1,5 Millions de familles sont concernées chaque année par l’AVPF.
Le rapport Delevoye supprime ce dispositif et prévoit que seules les périodes de congé parental ouvriront un droit à versement de points sur la base de 60% du SMIC (et non de 100% comme dans l’AVPF). Il y a actuellement 220.000 parents en congé parental. On voit bien que lorsque le gouvernement dit qu’il maintient l’enveloppe allouée aux droits familiaux, le compte n’y est pas !
Une proposition pour les conjoints divorcés qui risque de saturer les tribunaux :
Le gouvernement prévoit de supprimer la réversion pour les conjoints divorcés. Il appartiendrait aux juges de partager les points acquis par chacun des deux conjoints à l’occasion d’un divorce. Ceci supposerait lors de la promulgation de la réforme d’avoir des juges qui statuent sur tous les couples déjà divorcés auxquels s’appliquerait le nouveau système de retraite. Encombrement des tribunaux garanti ! Il y a fort à craindre également que les juges peinent à répartir équitablement les points lorsque l’un des conjoints a réduit ou interrompu son activité pour éduquer les enfants (c’est l’attitude qui prévaut aujourd’hui pour les pensions compensatoires de niveau de vie entre les ex-conjoints).
In fine, le gouvernement a reculé la classe d’âge concerné par cette réforme aux personnes nées à partir de 1975 (au lieu de 1963 initialement). Cette question ne concerne pas spécifiquement les mères mais on peut poser la question suivante. De deux choses l’une. Ou bien la réforme est bonne, juste, utile et doit être appliquée le plus rapidement possible. Ou alors, c’est une réduction importante des droits à retraite des classes d’âge concernées et il serait particulièrement injuste de faire porter la totalité des efforts sur les seules classes d’âge les plus jeunes.
Dans tous les cas, le gouvernement ne doit pas oublier que pour pouvoir verser des retraites demain, il faut qu’il y ait aujourd’hui des enfants qui naissent, soient éduquées pour ne pas devenir des délinquants, poursuivent des études pour pouvoir s’insérer professionnellement et que le système social français soit suffisamment juste pour que nos jeunes les plus diplômés ne partent pas pour toujours à l’étranger. Ceci suppose de prendre en compte de façon le plus juste possible la contribution des mères et des familles à l’éducation et à l’entretien de la génération qui vient.