L’intérêt de la réunion de la Fed n’était pas vraiment sur les décisions de politique monétaire (rien n’a changé) mais sur la direction de politique signalée pour le futur (elle est attentiste). Il en sera de même cet après-midi pour la BCE. Les britanniques devraient donner une majorité aux Tory aujourd’hui, mais le résultat est loin d’être acquis. Lancement du « green deal » européen, une étape majeure, mais la mise en place pose question. Olaf Scholz montre de la flexibilité sur le « Schwarze Null ».
Point de marché : peur sur le pétrole
Alors que la cotation d’Aramco a commencé, la situation pour les sociétés productrices de pétrole est loin d’être réjouissante.
Chevron, la deuxième plus grosse société pétrolière américaine, vient de passer des provisions sur 10 milliards de ses actifs sur l’hypothèse que des cours du pétrole vont rester bas et qu’une partie des gisements ne pourront donc pas être exploités avec un niveau de rentabilité satisfaisant. Les provisions concernent essentiellement les gisements de gaz de schiste dans les Appalaches.
Si les chiffres de Chevron sont impressionnants, les petites sociétés de production localisées dans les Appalaches ont aussi considérablement souffert cette année sur les marchés. Témoin le graphique ci-dessous.
L’implication pour l’économie est aussi un ralentissement notable de l’investissement. Comme le montre le graphique ci-dessous, les secteurs minier et pétrolier représentaient plus du tiers de l’effort d’investissement des sociétés cotées dans le monde. Une part disproportionnée. Le niveau est revenu à 20%, une proportion plus raisonnable, mais l’anticipation de cours du pétrole durablement bas pourrait encore peser sur les décisions d’investissement de ces secteurs.
Tout ceci milite pour une reprise de l’investissement mondial très médiocre.
Schwarze Null
« Schwarze Null » en allemand veut dire « noir zéro », ou quelque chose comme ça. Cela décrit la politique budgétaire allemande : « noir » car les comptes ne sont pas dans le rouge, donc un surplus, mais « zéro » car le surplus reste très limité. Bref, l’objectif est d’avoir un petit surplus budgétaire.
Le ministre des finances allemand, Olaf Scholz, qui a supporté l’objectif « Schwarze Null » jusqu’à présent a déclaré: « Les investissements dans les infrastructures et donc dans l'avenir de notre pays sont nécessaires même si les recettes fiscales diminuent. » Il serait néfaste de réduire les investissements lors d’une crise économique. « Cela n'arrivera pas », explique Scholz.
Bref un assouplissement de plus dans la doctrine allemande sur l’équilibre budgétaire.
La Fed confirme son biais accommodant mais attentiste
L’intérêt de la réunion de la Fed n’était pas vraiment sur les décisions de politique monétaire mais sur la direction de politique signalée pour le futur. Il en sera de même cet après-midi pour la BCE.
La Fed n’a pas bougé ses taux (c’était totalement attendu), le communiqué ne change pas sa vue sur l’inflation « sous les 2% » ni la croissance « modérée » et la politique actuelle était jugée « appropriée ». La Fed s’inscrit donc dans la continuité totale de sa communication récente, pas de changement de politique monétaire attendue.
Le marché a toutefois lu l’intervention de Powell comme légèrement « dovish ». La différence entre la Fed et les marchés persiste donc : alors que le « dot chart » signale une hausse des taux en 2021 et une autre en 2022 (ce qui laisserait toutefois les Fed Funds en dessous de leur cours d’équilibre de long terme estimé à 2,50%), les marchés parient plutôt sur une baisse des taux. La différence entre les deux s’est néanmoins considérablement amoindrie.
« Green deal »
Ursula von der Leyen a présenté hier son « green deal » pour l’Europe avec comme but de réduire l’émission carbone de plus de 50% avant 2030. Cela demandera des investissements de 260 à 300 milliards par an, soit un gros point de PIB. Le financement reste toutefois flou pour l’instant et certains détails montrent que les négociations vont bon train et sont très loin d’être finies. On lit par exemple dans le programme que les pays ont le droit « d’assurer leur indépendance énergétique » et de « choisir la technologie la plus appropriée ». Bref de faire ce qu’ils veulent. Dossier important, à suivre donc. Comme souvent en Europe la mise en place risque d’être compliquée.
Il faut en profiter pour tordre le coup à une idée reçue: la croissance ne crée pas forcément de pollution. Les émissions carbones de l’Union Européenne n’ont cessé de baisser depuis 10 ans. La question n’est donc pas celle de la décroissance mais d’une meilleure croissance et de financer la transition énergétique.
A ce titre le programme de la Commission est un espoir important.
Elections parlementaires britanniques
L’interminable comédie Brexit est loin d’être finie. Aujourd’hui les britanniques votent pour ce qui devait être une large victoire du parti conservateur. Ce scénario est possible, mais il y a trois raisons de se méfier beaucoup des résultats :
Les sondages, ces merveilleux indicateurs avancés des élections, ont beaucoup bougé, l’avance Tory de 68 sièges n’est plus que de 28. On est dans la marge d’erreur.
Il y a 4,7 millions de nouveaux électeurs inscrits, ce qui représente 15% des votes exprimés à la dernière élection, 3,1 millions d’entre eux ont moins de 34 ans. Comme les jeunes votent majoritairement travailliste, cela rajouterait 2ppt aux dits-travaillistes. Ou pas…
24% des électeurs disent vouloir voter « tactiquement » : comprendre que si les Tory ont une avance trop forte, ils voteront pour l’opposition de façon à limiter le pouvoir des Tory. Il y a donc un quart de britannique qui font l’inverse de ce que disent les sondages. Monty-pythonesque.
Bref, le scénario d’une majorité conservatrice est le plus probable, mais il est loin d’être acquis.
Rappelons les règles du jeu : 650 sièges à pourvoir, mais le « speaker » et trois députés qui assument des charges spécifiques ne votent pas. Il faut aussi compter le Sin Fein dont les 7 députés (probablement 8 ce soir) refusent de siéger à un parlement dont ils ne reconnaissent pas la légitimité. Bref, il y a 638 députés qui votent. Il faut donc 320 sièges aux conservateurs pour atteindre la majorité.
Dans un contexte qui n’est pas si certain que ça, ce qui choque c’est la zénitude absolue des marchés. Notre indicateur favori est la volatilité sur la livre sterling, qui donne le prix d’une assurance contre un mouvement de la devise. Cette volatilité n’a cessé de baisser, elle est actuellement sous sa moyenne des trois dernières années. Le marché semble dire que l’histoire est entendue et que nous pouvons dormir sur nos deux oreilles.
Nous sommes un peu dubitatifs. En cas de surprise cette nuit, il faut donc s’attendre à des mouvements de marché importants.