Rouvrir le livre de la politique économique américaine

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 16 octobre 2018 à 10h00
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17%Le déficit budgétaire américain atteint 779 milliards de dollars, en hausse de 17% par rapport à 2017.

Les comptes fédéraux pour l'année fiscale 2018 ont été publiés ce lundi 15 octobre. Il permettent de pointer du doigt le déficit budgétaire des administrations centrales américaines. Il a atteint 779 milliards d’USD (près de 4 points de PIB), en hausse de 17% par rapport à 2017.

Le marché, on le sait, est très attentif au mouvement des taux longs américains. Qui n’a pas remarqué que les corrections boursières tant du mois de février que des derniers jours avaient été précédées par une pression haussière sur le rendement des obligations d’Etat ? On doit évidemment pointer, au titre des explications, une croissance économique qui s’avère meilleure qu’attendue et la vigilance qui s’est installée en matière d’inflation. Peut-être doit-on aussi être attentif à ce qui se passe du côté de la politique économique.

La publication lundi 15 octobre des comptes fédéraux pour l’année fiscale 2018 (du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018) permet de faire un « arrêt sur image » en matière d’évolution du déficit budgétaire des administrations centrales américaines. Il a atteint 779 milliards d’USD (près de 4 points de PIB), en hausse de 17% par rapport à 2017 (666 milliards, soit 3,4 points de PIB). Du côté des recettes, ce sont sans surprise les impôts sur les sociétés qui ont contribué le plus au creusement de l’impasse des comptes (-31% sur un an à 205 milliards d’USD, sur fond de baisse de la fiscalité sur les entreprises). Du côté des dépenses, le poste qui augmente le plus est celui de, la charge de la dette : +24% à 325 milliards d’USD.

Etats-Unis : comptes publics fédéraux

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La perspective reste à la dégradation. Le déficit 2019 dépasserait la barre des 4,5 points de PIB (plus de 1000 milliards d’USD). Les estimations pour 2020 tablent sur un ratio autour de 5 points de PIB. Le marché obligataire va rester sollicité. L’investisseur sera-t-il au rendez-vous ? Cela dépendra bien sûr de la rémunération offerte et plus largement de la hiérarchie des couples rendement – risque proposés par les différentes classes d’actif. Un point connexe doit être noté. En 2018, le creusement de l’impasse des comptes publics (tout de même 0,6 point de PIB, soit quelque 1200 milliards d’USD) ne s’est pas traduit par une dégradation de même ampleur du déficit extérieur. On doit même pouvoir admettre que d’une année fiscale à l’autre le déficit de la balance des comptes courants est restée peu ou prou stable à 2,3% ou 2,4% du PIB. Les Etats-Unis n’auraient donc pas eu besoin de faire davantage appel à l’investisseur étranger. Ce qui n’est pas, toutes choses égales par ailleurs, une mauvaise nouvelle en matière de dynamique des taux longs. Pourquoi cela ? Avant tout du fait d’une épargne privée plus élevée, tirée par le gonflement des profits des entreprises.

Passons à la politique monétaire. Tout le monde a noté sur la période récente à la fois la révision haussière par le marché des anticipations de relèvement du taux directeur par la banque centrale et la pentification de la courbe des taux. Le tout a été mis au compte d’une activité économique à la tonicité non démentie. Peut-être doit-on aller un peu plus loin et pointer la responsabilité de la banque centrale. N’a-t-on pas entendu Jay Powell, le Président du Board, dire qu’il fallait prendre de la distance par rapport au concept de taux neutre (une référence en matière de détermination d’un niveau de taux directeur qui n’influerait pas sur la préférence entre épargne et investissement). John Williams, le Président du district de new York de la Fed et un des théoriciens du « taux neutre », s’est fait l’écho des propos de Powell en proposant une jolie métaphore : « le taux neutre apparaît comme un point lumineux quand la Fed est très éloignée de lui, mais ressemble de plus en plus à quelque chose de flou quand le réglage monétaire s’en rapproche ». Alors que le taux directeur est en train d’être remonté, sembler remettre en cause l’ancrage que constitue le taux neutre envoie le massage que le point haut pour le premier pourrait être plus élevé qu’initialement pensé. Et, dans un environnement d’indicateurs conjoncturels favorables, la courbe des taux d’enregistrer un mouvement de bear steepening (hausse des taux longs plus marquée que celle des taux courts).

Sur le métier de la formation des anticipations de taux longs, mille fois tu remettras l’ouvrage du suivi précis de la politique économique !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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