Les lois de finances rectificatves et le Covid-19

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Par Janin Audas Publié le 5 mai 2020 à 10h10
Deficit Activite Economique France 2
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115%Le Gouvernement prévoit un ratio de dette publique de 115% du PIB à fin 2020.

Comment appréhender le coût du Covid 19 pour la France ? Rien de telle qu’une lecture du budget et des lois de finances rectificatives pour mesurer l’impact de la crise et pour en chiffrer les conséquences. Le coût de la crise du Covid 19 a été estimé par le Gouvernement, ce qui a donné lieu à deux lois de finances rectificatives pour 2020, une en mars et une en avril, et on peut en prévoir une ou deux nouvelles au fur et à mesure des besoins budgétaires car le coût final n’est pas encore mesurable.

Les lois de finances pour 2020 et le solde budgétaire peuvent se résumer selon le tableau ci-dessous.

La loi de finances 2020 initiale prévoyait 244 milliards de recettes nettes pour l’Etat et 337 milliards de dépenses budgétaires se soldant ainsi par un déficit de 93 milliards d’euros ; ce qui représente un déficit de 38 % des recettes. Ce chiffre exorbitant n’est jamais mentionné dans la présentation du budget et les Gouvernements préfèrent mesurer le déficit par rapport au PIB national, ce qui est plus flatteur. En outre et contrairement aux règles comptables applicables, l’Etat français ne comptabilise pas en dépenses budgétaires les engagements de pensions et autres charges différées qu’il inscrit dans les engagements hors bilan.

On notera également qu’en 2020, les recettes et les dépenses augmentent en valeur absolue par rapport à 2019 et ce, malgré les baisses d’impôts et les réductions de dépenses annoncées par le Gouvernement lors de la présentation de la loi de finances 2020. Ceci s’explique grâce à une croissance estimée supérieure à l’inflation.

En pleine crise sanitaire, le Gouvernement a présenté deux lois de finances rectificatives pour 2020, la première en mars et la seconde en avril afin d’autoriser budgétairement les dépenses engendrées par le plan d’urgence et les mesures économiques et sociales prises pour faire face à la crise économique découlant de la baisse d’activité pendant la période de confinement. Cette baisse d’activité aura bien entendu une incidence sur le niveau des recettes fiscales. Ces prévisions budgétaires nous renseignent sur l’impact de la crise du CORONAVIRUS tel que le prévoit le Gouvernement au mois d’avril. Ainsi, le déficit budgétaire prévu pour 2020 s’établirait à 183,5 milliards soit une augmentation de 90 milliards ; ce qui double le déficit initialement prévu.

Les dépenses du budget général devraient augmenter de 42,8 milliards, soit + 12,7 % par rapport au budget initial tandis que les recettes fiscales baisseraient de 43,4 milliards (- 15 %) et les soldes des comptes spéciaux et des budgets annexes baisseraient de 4,3 milliards.

En synthèse, le coût de la crise est estimé par le Gouvernement à 90 milliards à ce jour et proviendrait d’une baisse de recettes pour moitié et d’une hausse des dépenses pour l’autre moitié.

Les recettes fiscales brutes dans la loi de finances pour 2020 s’élevaient à 433 millions desquels il fallait déduire des remboursements et dégrèvements pour 141 millions, ce qui donnait des recettes fiscales nettes de 292 millions. Les remboursements et dégrèvements représentent donc 1/3 des recettes fiscales brutes.

Les recettes fiscales, actualisées sur la base de la révision des prévisions économiques sont revues à la baisse de 42,7 milliards soit une baisse des recettes fiscales de près de 15 %. On observe une baisse de l’impôt sur les bénéfices des sociétés de plus de 40 % alors que la TVA ne baisserait que de 9 %. Dit autrement, cela indique que les entreprises supporteront un poids plus lourd des effets de la crise et, à travers elles, les entrepreneurs et les actionnaires, de par la baisse de leur résultat.

L’Etat collecte une partie des ressources qu’il reverse aux collectivités locales et à l’Union européenne. Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités locales sont restés identiques au montant initial de 41 milliards. Quant aux prélèvements au profit de l’Union européenne, il a augmenté de 2 milliards ce qui porte les baisses de recettes de l’Etat à 43 milliards.

Les dépenses dues à la crise sanitaire

C’est donc un total de 47,1 milliards qui a été budgété au titre des dépenses supplémentaires engendrées par la crise sanitaire, dont 42,8 milliards au titre du budget général :

  • La loi de finances rectificative du 23 mars 2020 a prévu 8,8 milliards d’augmentation de charges :
  • dont 6,3 milliards au titre des mesures d’urgence,
  • une dégradation sur les Participations financières de l’Etat de 2 milliards,
  • et une avance au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » de 0,5 milliard.
  • La loi de finances rectificative du 15 avril 2020 a programmé 40,3 milliards de charges supplémentaires :
  • Fonds de solidarité pour les entreprises : 5,5 milliards,
  • Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel : 10,5 milliards,
  • Dépenses accidentelles et imprévisibles : 2,5 milliards,
  • Affectation au budget « Participations financières de l’Etat » : 20 milliards,
  • Baisse de recettes et avances au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » : 0,9 milliards,
  • Prêts pour le développement économique et social : 0,9 milliard,

desquelles vient se déduire une révision à la baisse de la charge de la dette de 2 milliards.

Il convient d’observer que ces charges comprennent une dotation de 20 milliards au compte d’affectation spéciale des participations financières de l’Etat afin de pouvoir intervenir au capital de sociétés. Cette somme ne peut être considérée comme une charge, mais comme un investissement.

Des prévisions de dépenses incertaines

Malheureusement, il est bien précisé dans l’exposé des motifs que ces crédits budgétaires ont pour objet d’abonder les programmes du plan d’urgence pour faire face à la crise sanitaire, dont la prévision de dépenses reste incertaine et pourra évoluer en fonction de la durée du confinement et de l’évolution du contexte macroéconomique.

On peut légitimement en déduire que l’addition finale de la crise sanitaire du COVID 19 et de la crise économique, qu’elle engendre, sera plus lourde et que le déficit pour 2020 dépassera les 200 milliards.

Précisons que ce déficit ne tient pas compte du déficit de la Sécurité sociale qui est annoncé à 41 milliards pour 2020 au lieu d’un déficit de 6 milliards initialement prévu. Avec un recul des recettes estimé à 31 milliards et une hausse des dépenses à 8 milliards, nous en serions déjà à 45 milliards et nous pouvons craindre un déficit de la Sécurité sociale de l’ordre de 50 milliards pour 2020.

Déficit, PIB et dette publique

Après un recul de 2,9 % en 2009 suite à la crise financière (1.939 milliards), le PIB est en légère augmentation depuis 2010 pour atteindre 2.417 milliards d’euros en 2019 ce qui permettait de réduire le ratio du déficit public. Le taux de croissance initialement retenu pour 2020 était de + 1,3 % ce qui donnait un PIB proche de 2.450 milliards.

L’hypothèse retenue dans la loi de finances rectificative d’avril est un recul du PIB de 8 % ce qui donnerait un PIB 2020 de 2.220 milliards. Ce chiffre repose sur des hypothèses de reprise de l’activité économique à compter du 11 mai. Espérons qu’il s’avère réaliste.

Le ratio des dépenses publiques sera révisé en très forte hausse et s’établirait à 60,9 % du PIB contre 54 % en 2019.

L’augmentation du déficit public et la réduction du PIB vont faire exploser le taux de déficit public et la loi de finances rectificative n° 2, l’estime à -9 % du PIB contre - 2,2 % prévu initialement. C’est bien entendu le déficit conjoncturel qui sera en cause et l’on peut craindre que la réalisation de 2020 soit encore plus noire.

Dans ces conditions, la dette publique va également explosée. Fin 2019, la dette publique était de 2.380 milliards d’euros soit 98 % du PIB et le Gouvernement prévoit un ratio de dette publique de 115 % du PIB à fin 2020.

Si l’on retient les chiffres officiels, la dette publique devrait dépasser les 2.650 milliards à la fin de 2020 pour un PIB au mieux de 2.150 milliards ce qui donnerait un ratio de 123 % et l’on peut craindre que ces prévisions soient encore trop optimistes et que tous les records de mauvaises performances soient battus.

Si l’on peut faire confiance à la dextérité du Ministère des Finances pour financer cette dette supplémentaire dans des conditions très favorables, la question qui va être posée sera de savoir comment nous rembourserons notre dette. Les experts s’écharpent déjà sur ce sujet ; certains estimant que les dettes d’Etat n’ont plus à être remboursées. A ceux-là rappelons que, même si les taux sont extrêmement bas, la charge de la dette s’élève à 36,6 milliards. Ce montant serait très utile pour doter certains ministères de ressources supplémentaires, comme celui de la Santé par exemple.

Le passé ne milite pas pour un creusement continu de la dette publique car cela a toujours fini mal (crises, dépressions, inflation, guerres, misère…). Je suis de ceux qui estiment que nous ne devons pas laisser cette dette à nos petits-enfants et je crains que l’histoire retienne que nous avons été « la génération égoïste ».

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Commissaire aux comptes, conseil en management d'entrepriseExpert-comptable honoraireVice-président du Mouvement ETHICPrésident fondateur du cabinet 01 AUDIT ASSISTANCE

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