SNCF: faut-il vraiment craindre une « grève dure » ?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 16 mars 2018 à 11h50
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cc/pixabay - © Economie Matin
3,4%Le chiffre d'affaires de SNCF Mobilités devrait grimper de 3,4% en 2018.

Selon les commentateurs, l’intersyndicale de la SNCF vient de décider une grève dure, organisée selon un rythme compliqué: 2 jours par semaine d’avril à juin. Les modalités de ce mouvement inédit seront fixées la semaine prochaine. Contrairement à l’avis général, nous pensons que ce mouvement est très loin de ce qui pouvait être redouté.

Il est loin le temps des grèves immédiates, générales et illimitées. Les anciens diront qu’à cette époque-là on savait vivre et mener un conflit contre son employeur. Depuis plusieurs semaines, on nous rebattait les oreilles avec cette histoire de grève générale à la SNCF, de blocage du pays comme sous Juppé, de résurgence du grand mouvement de 95.

Et puis finalement on hérite de cette grève bâtarde, à laquelle on ne comprendra rapidement plus rien (alors, demain, c’est grève SNCF ou pas?), et qui est tout sauf un mouvement collectif spontané.

Une grève tactique plus qu’un mouvement social

Les cerveaux tordus qui ont inventé ce mouvement de 2 jours de grève tous les 5 jours n’avaient en tout cas pas l’idée qu’ils parviendraient à faire reculer le gouvernement en publiant leur décision baroque. Quand des salariés disent non à leur patron, ils ne disent pas non par intermittence, certains jours oui d’autres non. Leur détermination est sans faille jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent.

Qu’une intersyndicale commence à tortiller dans les rangs et explique que le mouvement va durer au moins trois mois et qu’il donnera lieu à de nombreuses trêves est déjà un terrible aveu de faiblesse et de doute. En réalité, l’intersyndicale ne se met pas en ordre de bataille pour empêcher le gouvernement d’agir. Elle annonce seulement son intention de faire pression pour obtenir le maximum d’avantages du gouvernement.

On n’est pas dans le cas de figure d’une grève dure, d’une grève de blocage. On est dans le cas d’une grève tactique qui vise à minimiser les pertes durant la retraite.

Ce qu’il faut comprendre en creux, dans ce mouvement, c’est que les syndicats de cheminots ont intégré qu’il n’y aurait pas de reculade du gouvernement et que l’idée d’empêcher une remise en cause du statut était vaine. En revanche, leur choix est de négocier la moins mauvaise sortie possible.

Des syndicats affaiblis sont-ils vraiment à craindre?

Au demeurant, on aurait bien tort de s’abandonner aux angoisses qu’on a pu lire çà et là. Il y a souvent loin de la coupe du gueulophone aux lèvres du gréviste. Dans le cas qui nous occupe, le mieux est même à anticiper. Lorsqu’une intersyndicale annonce un mouvement sur trois mois (autrement dit, elle annonce qu’elle n’est pas assez forte pour obtenir une victoire totale rapide, ni assez forte pour tenir plus de trois mois…), elle n’engage guère les personnels à la suivre.

Ce n’est donc pas parce que le mouvement est annoncé qu’il sera très suivi. S’il l’était, le gouvernement aurait vraiment du souci à se faire. Cela signifierait en effet que les salariés seraient plus déterminés à en découdre que les syndicats qui pilotent le mouvement.

D’ici là, il est urgent d’attendre et de compter exactement le nombre de trains qui ne rouleront pas durant les jours de conflit. Selon toute vraisemblance, les premiers jours mobiliseront de façon significative, puis le mouvement s’étiolera dans le temps.

Ce phénomène d’attrition est probablement le pari des responsables syndicaux. Face à une attaque en règle contre le statut, il faut montrer qu’on ne reste pas les bras croisés. Mais point n’en trop faut quand même. Il ne s’agirait tout de même pas de manquer la rosette qu’on offre avant tout départ à la retraite.

Le vrai combat aura lieu sur les retraites

En réalité, les cheminots ont déjà fait leur deuil de leur statut. Ils se livrent de façon assez convenue à un baroud d’honneur. Encore faut-il sans doute ici nuancer entre la base qui est probablement assez angoissée par la réforme, et les élites syndicales qui ont intégré une vraie résignation (parfois opportuniste) vis-à-vis de la macronie et cherchent surtout à faire bonne figure face à la troupe. Mais, sur le fond, personne n’imagine pouvoir vraiment faire barrage au gouvernement sur le dossier du statut.

En revanche, la bagarre autour des régimes spéciaux et des retraites sera sans doute plus sanglante et plus compliquée à mener. Le gouvernement aura en effet face à lui un front de professions bénéficiant d’un régime spécial depuis 1945. Les résistances risquent d’être autrement plus fortes.

Macron s’est déjà montré conciliant avec les cheminots

Macron peut en tout cas se féliciter d’avoir amorti pas mal de chocs dans ce dossier. Sa méthode est payante.

Il y a quelques jours, il faisait annoncer qu’il ne remettait pas en cause les billets gratuits pour les agents SNCF. Il ne menace pas (tout de suite) les petites lignes et il ne privatise pas l’entreprise. Autant de cadeaux expliquent en grande partie la mollesse des syndicats dans les semaines à venir.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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