Un vrai mal de tête. Telle est aujourd’hui la récompense offerte aux internautes qui osent faire leurs premiers pas sur le net pour acheter des médicaments.
Les pharmacies absentes d'Internet
Le réflexe « bas prix » étant généralisé, c’est en effet un « achat médicaments pas chers » qu’ils ont toutes les chances de taper sur leur clavier, et sur Google en particulier, pour ne pas le citer. Sauf si bien sûr ils savent que leur pharmacien a ouvert son site et qu’ils en écrivent directement l’adresse. Autant dire moins d’une chance sur dix, quand on sait que plus de 92% des internautes utilisent un moteur de recherche. Or, surprise, alors que les sites de quelques 240 e-pharmacies françaises ont été créés et agréées depuis 2013… pas un n’apparaît en première page des résultats, ni en deuxième d’ailleurs. Google oriente plutôt les patients vers une e-parapharmacie qui précise immédiatement… qu’elle ne vend pas de médicaments « à l’heure actuelle », puis sur un site indien qui promet un générique du Viagra aussi efficace que l’original – sachant que le vrai cachet bleu n’est pas autorisé à la vente en ligne en France. Et enfin sur un homologue qui se dit « européen » et qui promet lui, la vraie pilule bleue, sans donner pour autant plus de garanties. On croirait presque que la vente en ligne de médicaments n’est pas autorisée – et 64% des Français pensent d’ailleurs qu’elle n’est pas contrôlée d’après un récent sondage Ipsos !
Des règles trop complexes
Elle l’est, évidemment, autorisée et contrôlée. Sauf que les e-pharmacies françaises, à ce jour, sont les seules concernées par des règles… trop complexes pour favoriser leur développement. Elles leur interdisent ainsi d’agir pour être bien référencées sur Google (un acte assimilé à de la publicité, interdite pour les pharmaciens français). Pire : lorsque des officines essaient de regrouper leurs produits dans un e-catalogue commun, plus visible, qui réoriente immédiatement les internautes vers leur site individuel et laisse le pharmacien procéder seul à la vente et dispenser des conseils, elles sont souvent empêchées par les agences régionales de santé, qui dépendent du Ministère. Il faut croire que ce dispositif de simple « catalogue » n’est pas explicitement prévu, à la virgule prêt, dans les textes de loi. Pourquoi alors l’analyser alors qu’il est si facile de tout bloquer – un tampon de refus à la pharmacie demandeuse et c’est fait.
Les patients paient la note
Dans l’affaire, ce sont les patients qui paient la note. Alors qu’ils peuvent acheter sur le net et se faire livrer quasiment tous les produits imaginables en profitant de prix plus intéressants grâce à la concurrence accrue par le web… pour les médicaments ils n’ont pas cette possibilité. Les autorités vont-elles enfin oser s’attaquer à la question ? Elles en ont l’occasion : depuis quelques semaines elles se réunissent régulièrement au Ministère de la Santé et discutent des modalités de la vente en ligne des médicaments sans ordonnance. La tentation est grande, évidemment, de ne rien changer. D’autant que certains syndicats de pharmaciens voient dans le net un tueur de marges et l’assassin des officines. Les taxis à côté ? Un symbole de modernité. Le souci est que cette option ne règlerait pas le problème du faux Viagra indien en haut de page Google. Pour la santé et la sécurité des patients, on fait mieux. Pour leur pouvoir d’achat – le fameux – ce n’est pas non plus l’idéal.
Un juste équilibre est pourtant possible, entre d’un côté une solution ultra-libérale à la Amazon sans officines, et de l’autre l’imposition de contraintes maximales sur la vente en ligne. Un équilibre qui facilite le parcours de l’internaute à l’aide des nouvelles technologies tout en conservant les garanties essentielles de sécurité que seul le pharmacien peut apporter (contrôle des dosages, origine des produits,…) et de protection des données des patients. Les autorités vont-elles se donner la peine de le chercher et de l’imposer ? Telle est la question.