Une nouvelle fois la tendance haussière observée depuis 2012 a marqué le pas, impactée depuis avril par une correction largement imputable à l’évolution de la situation en Grèce et à la dégradation de certains indicateurs de confiance en zone euro, à l’évolution des taux, et de façon plus lointaine aux incertitudes liées à l’évolution de la politique monétaire américaine.
10% de baisse, c’est l’amplitude de la correction sur le CAC 40 depuis son sommet d’avril, correction qui fait suite au puissant rallye déclenché par les anticipations puis la mise en place du QE de la Banque Centrale Européenne, et qui avait vu l’indice passer de 4100 points à près de 5300 points en moins de 4 mois. En pleines turbulences liées aux difficiles négociations visant à maintenir la Grèce en zone euro se pose inévitablement la question de la tendance à venir dans les mois qui viennent. Poursuite de la baisse ou reprise de la tendance haussière ?
Plusieurs facteurs macroéconomiques et techniques plaident en faveur du second scénario, non seulement pour un retour sur les plus hauts annuels mais pour une extension de la tendance sur les niveaux de 2007 (CAC 40 hors dividendes), juste avant l’éclatement de la crise des subprimes aux Etats- Unis.
Concernant le risque le plus immédiat, à savoir le risque grec, il semble peu probable, même en cas de scénario extrême (Grexit), qu’il y ait une contagion au reste de la zone euro. Au-delà du symbole que cela peut représenter pour la construction européenne, le risque financier s’avère limité. La dette grecque est aujourd’hui majoritairement détenue par les états européens (via prêts du FESF et prêts bilatéraux), la BCE et le FMI. Le secteur privé européen a réduit son exposition lors de la crise précédente, le risque de contagion par ce canal est donc faible. Par ailleurs, le PIB de la Grèce ne représente que 2% du PIB de la zone euro.
L’évolution des taux souverains en zone euro depuis l’annonce des élections anticipées en Grèce, qui ont vu l’arrivée au pouvoir de la gauche radicale, ne traduisent pas de sentiment d’inquiétude particulier. Non pas que les marchés ne croient pas à un Grexit (les sondages montrent que les anticipations sont très partagées sur le sujet) mais plutôt qu’ils estiment le risque de contagion limité avec l’évolution des mécanismes en zone euro depuis la première crise grecque, il y a quelques années. En 2012, au plus fort de la crise et avant le début des interventions marquantes de Mario Draghi, les taux d’emprunt de l’Espagne et de l’Italie sur 10 ans excédaient 7%. Pour le Portugal, le taux à 10 ans a dépassé les 15%...la contagion était effective et a nécessité l’intervention musclée de la BCE et de son président qui, mi 2012, a annoncé que l’euro était « irréversible » et que la BCE était prête à faire tout ce qui était nécessaire pour le sauver, en ajoutant « Et croyez-moi, ce sera suffisant ».
Aujourd’hui les taux à 10 ans de l’Espagne sont légèrement supérieurs à 2%, celui du Portugal inférieur à 3%, alors que l’incertitude sur l’avenir de la Grèce en zone euro est très élevée et que des échéances se profilent le 30 juin (remboursement au FMI et fin du programme d’aide). Pourquoi une telle résilience face au risque grec ? En grande partie grâce au lancement du Quantitative Easing (QE) de la BCE qui rachète massivement des titres souverains sur les marchés. Et ce n’est que le début. Mario Draghi a, à plusieurs reprises lors de conférences de presse, indiqué qu’il souhaitait ramener le bilan de la BCE sur les niveaux de 2012, soit près de 3 100 milliards d’euros. A ce jour, le bilan pèse 2 440 milliards soit près de 700 milliards de marge de manœuvre dans les mois qui viennent. Et c’est là un des arguments principaux pour étayer le raisonnement d’une hausse du CAC 40 au-delà des plus hauts annuels, vers les niveaux de 2007. On pourrait estimer que le rallye du premier trimestre 2015 était déjà la manifestation d’une spéculation autour du lancement du QE, ce qui est vrai, mais ce dernier devrait s’étendre jusqu’en septembre 2016, voir au-delà si la situation le nécessite a indiqué Mario Draghi. Ce QE constitue un formidable apport de liquidité au marché et devrait continuer à le soutenir dans les mois qui viennent.
D’autant que si la question des liquidités est une question centrale pour les marchés, celle des pare- feu l’est tout autant.
Et plusieurs pare-feu ont vu le jour depuis la crise précédente. On peut commencer par citer la mise en place du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) qui concerne les Etats membres de la zone euro, qui a la capacité de se financer sur les marchés et de prêter, sous conditions, aux Etats en difficultés qui en feraient la demande.
Le second et puissant pare-feu, arme de dissuasion longtemps et habilement maniée par la BCE au plus fort de la crise de la dette, est le programme OMT. Le programme OMT est le successeur du programme SMP qui avait permis à la BCE d’intervenir sur le marché secondaire de la dette pour y acheter des obligations souveraines de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal ou encore de l’Espagne et l’Italie alors que les taux d’emprunt à 10 ans de ces deux pays se tendaient dangereusement.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a récemment confirmé la légalité de ce programme, renforçant ainsi l’arsenal défensif de la BCE.
Autre évolution née des crises précédentes : la mise en place progressive de l’union bancaire incluant notamment la supervision bancaire européenne, visant à placer en supervision directe de la BCE les 130 plus grandes banques de la zone euro qui pour certaines, par leur taille systémique, peuvent mettre en risque de stabilité le système financier européen.
Au-delà des pare feu européens, l’environnement macroéconomique devrait également soutenir la reprise européenne et donc la hausse des cours. L’euro devrait continuer à évoluer en zone basse face au dollar en raison du différentiel de politique monétaire FED/BCE, et malgré le rebond depuis quelques semaines en direction des 1,1500$, la devise européenne navigue toujours très loin de son sommet de 2014 à 1,4000$...