C’est le grand paradoxe de ces dernières années. À force d’être de plus en plus ‘orientées clients’, les entreprises ont réalisé que leurs propres collaborateurs qui en étaient la pierre angulaire.
Ce constat a été théorisé par le concept de la symétrie des attentions et c’est ce que modélise l’institut d’études KPAM en mettant en miroir l’expérience des clients et des collaborateurs. En 18 mois, ce ne sont pas moins d’une vingtaine d’analyses miroir qui ont été menées auprès de 20 000 employés et 100 000 clients dans des secteurs variés à la recherche des moments clés de la relation client.
Les chiffres sont en effet sans ambiguïté : 72% des employés sont persuadés qu’ils peuvent contribuer à améliorer le service délivré aux clients. Les 8% des entreprises délivrant la meilleure expérience client ont un engagement collaborateur de 60% supérieur aux autres. 89% de satisfaction client est obtenu lorsque l’engagement est élevé dans l’entreprise. 56% des collaborateurs déclarent avoir des idées concrètes pour améliorer le fonctionnement de l’entreprise. 43% ont des pistes d’action pour réduire les coûts !
Or, un tiers seulement des salariés sont interrogés une fois par an et plus de la moitié déclarent ne JAMAIS être questionnés sur leurs expériences quotidiennes avec les clients. Les résultats des enquêtes d’engagement, menées dans la plupart des grandes entreprises, dressent un constat alarmant : partout, l’engagement est particulièrement bas pour les collaborateurs au contact direct du client, jusqu’à 20 points de moins (sur une base 100) par rapport à d’autres collaborateurs moins exposés à la relation client !
L’institut KPAM en mettant en miroir l’expérience des clients de l’entreprise (modélisation réalisée à partir des verbatim provenant des enquêtes de satisfaction) et l’expérience des collaborateurs (modélisée à partir des réponses faites aux deux seules questions posées autour de la meilleure et de la plus frustrante interaction vécue par le collaborateur avec un client au cours de l’année) a identifié 6 moments clés dans la dynamique de la relation client afin d’aider l’entreprise à être plus performante en améliorant de façon combinée les deux expériences.
Le win win
C’est l’interaction positive par excellence. Les clients sont enchantés et les collaborateurs très motivés, très engagés lorsqu’ils gèrent cette interaction avec le client.
Client : « Le même interlocuteur m’a accompagné sur tout mon projet »
Collaborateur : « Le client m’apprécie et ne veut avoir affaire qu’à moi ».
On sait que les clients détestent avoir affaire à une multiplicité d’interlocuteurs. Quand cet interlocuteur est, non pas désigné par sa hiérarchie, mais en quelque sorte ‘élu’ par le client, le collaborateur concerné en ressent un fort sentiment de fierté.
Comment faire en sorte que des clients aient l’occasion de ‘choisir’ leur interlocuteur privilégié dans un magasin ? Comment s’organiser pour que cette situation très bénéfique pour tout le monde soit tout simplement plus largement déployée ?
Le coup de chance
Un client enchanté mais un silence côté collaborateur. Le silence des collaborateurs laisse à penser que ces derniers n’ont pas ou plus conscience de ce que vit leur client sur ce moment précis. Cette ‘non-conscience’ est un signal d’alarme, car elle fait douter de la pérennité de cette source d’enchantement.
Client : « Le personnel me croit sur parole »
Typiquement lors d’un ‘retour produit’, les clients apprécient lorsqu’ils n’ont pas à se justifier. Le véritable ‘effet whaouh’ réside dans le fait de ne montrer aucune réticence, ni aucune réserve. Or, si les salariés n’ont pas conscience de cet effet sur le client, ils vont très vite dériver vers une attitude moins ‘efficace’. Des questions apparaissent, des soupçons aussi, parfois même une remise en doute des propos des clients.
Il faut donc refaire prendre conscience au collaborateur de tous les bénéfices liés à cette bonne pratique, triompher de certaines réticences qu’ils peuvent avoir et insister jusqu’au moment où une satisfaction apparaîtra côté collaborateurs, signe de cette prise de conscience et de cette fierté retrouvée à délivrer le service adéquat.
La douleur
Quand l’enchantement client côtoie l’intense frustration du collaborateur. Deux cas de figure : soit l’enchantement du client se fait au détriment du collaborateur soit satisfaire le client demande trop d’efforts au collaborateur.
Client : « Le geste commercial qu’on m’a accordé a été confirmé par sms et par courrier »
Collaborateur : « Chaque confirmation de geste commercial me prend 25 minutes.»
L’entreprise demande expressément à ses collaborateurs du Service Client, une fois le geste commercial accordé, une double confirmation. Cela est très bien perçue par le client mais côté collaborateurs, c’est le cauchemar du conseiller, obligé de taper lui-même le SMS puis le courrier.
Toute situation identifiée comme ‘Douleur’ nécessite une intervention rapide visant à venir en aide, à soulager les collaborateurs, sans quoi cette forte source d’enchantement clients va disparaître. Pourquoi ? Parce que cela demande trop d’efforts aux collaborateurs et qu’en conséquence, ils vont tout simplement cesser de le faire. Il faut, en toute urgence les aider si l’on veut qu’ils continuent à enchanter le client.
Le mauvais combat
Les employés se félicitent de leurs actions sans avoir conscience qu’ils mécontentent fortement les clients.
Client : « Je n’aime pas cette suspicion. J’ai le sentiment d’être prise pour un voleur »
Collaborateur : « J’ai débusqué un fraudeur »
Typiquement, dans la gestion des sinistres, certains employés se persuadent qu’ils font très bien leur travail quand ils débusquent un fraudeur. Mais, obsédés par cette recherche de ‘l’excellence’, ils développent une attitude de suspicion permanente qu’ils imposent à l’ensemble des clients. Et s’aliènent ainsi nombre de clients honnêtes.
Il faut s’adresser aux collaborateurs concernés et commencer par les féliciter de leur volonté de vouloir défendre l’entreprise pour laquelle ils travaillent. Puis, il faut leur montrer les ‘dégâts’ que produit cette attitude suspicieuse auprès de clients. Enfin, il faut canaliser leur énergie sur d’autres combats, ceux qui profitent vraiment à l’entreprise.
La cécité
Les collaborateurs n’ont pas conscience, ne ‘voient’ pas, ne perçoivent pas un fort irritant client.
Client : « Je n’ai aucune aide pour transporter mes achats jusqu’à ma voiture »
C’est le cas d’un client qui se retrouve sur le parking d’un magasin de bricolage et 500€ de produits lourds et encombrants qu’il a du mal à charger dans le coffre de sa voiture. Personne ne vient lui proposer de l'aide alors qu’il croise plusieurs employés du magasin.
Il est impératif de sensibiliser les collaborateurs à ces situations de ‘Cécité’. Il faut les lister, les décrire très précisément, leur lire les verbatim des clients frustrés de cette absence d’assistance. Enfin, ils ont besoin de proposer eux-mêmes ce qu’ils ont l’intention de faire précisément dans ces cas précis.
L'impasse
Les clients sont frustrés, voire en colère, et déversent leur colère sur des collaborateurs impuissants, sans solutions.
Client : « Ma réservation en ligne pour une chambre avec deux lits séparés n’a pas été prise en compte »
Collaborateur : « C’est la dernière chambre disponible, je ne peux rien faire »
Deux collègues qui doivent partager la même chambre d’hôtel avec lits séparés et qui apprennent en arrivant que leur chambre, n’a qu’un grand lit. Le drame du réceptionniste de cet hôtel est qu’il n’a pas de solution à proposer aux clients. Le ton monte. L’employé vit un cauchemar d’autant plus injuste qu’il n’est absolument pour rien dans cet état de fait.
Ces situations d’’Impasse’ sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne l’imagine. Les entreprises, bien souvent, ne les ont pas véritablement identifiées et, de fait, laissent leurs collaborateurs se débrouiller seuls dans la gestion de ces situations éminemment délicates. Il est donc impératif que le management de l’entreprise définisse clairement l’attitude, les gestes et les propositions que le collaborateur peut présenter au client.
A travers cette méthodologie, l’idée générale est d’identifier les interactions clés entre les clients et les collaborateurs. Et ainsi :
- de profiter des situations ‘Win-Win’ en les déployant.
- de venir en aide aux collaborateurs en souffrance (‘Douleur’ et ‘Impasse’) de façon que, eux aussi, puissent venir aider les clients. En quelque sorte ‘Aider les collaborateurs à mieux aider les clients’.
- à (re)sensibliser les collaborateurs sur certains pans (‘Coup de Chance’, ‘Mauvais Combat’ et ‘Cécité’).
Ainsi l’entreprise est plus à même de piloter au plus près ces interactions clés Clients / Collaborateurs.