L’énergéticien Engie donne des leçons de transition énergétique à ses concurrents. Grâce à l’achat d’un ensemble d’installations hydroéléctriques au Portugal, Engie conforte sa position de leader mondial de la production d’électricité décarbonnée non nucléaire. Et d’autres contrats innovants, notamment aux Etats-Unis, où Engie n’est plus seulement fournisseur, mais aussi et surtout expert es transition énergétique, lui donnent plusieurs coups d’avance sur ses concurrents.
Certaines victoires arrivent à point nommé : C’est le cas du dénouement mi-décembre de l’appel d’offres du portugais EDP dans lequel Engie, sur l’impulsion d’Isabelle Kocher, sa directrice générale, avait mis toute son énergie. Associé à Mirova (filiale de Natixis) et à Crédit Agricole Assurances, Engie remporte la mise, et ajoute 1,7 gigawatts de production d’électricité verte aux 20 Gw déjà dans son portefeuille.
Mieux encore : ces 1,7 Gw de capacité hydroélectrique, dont une partie est assurée par des centrales au fil de l’eau, viennent compléter efficacement les 1,1 Gw d’énergie éolienne qu’Engie contrôle déjà dans la péninsule ibérique, en plus de 50 Mw de solaire. L’énergéticien peut ainsi garantir une fourniture en continu d’énergie verte, en s’appuyant sur le vent et le soleil le jour, et l’eau, la nuit. Contrôler les trois sources d’énergie verte, le graal de la transition énergétique.
Engie est en train de changer de métier
Ce contrat survient quelques jours à peine après la signature d’une concession de 50 ans dans l’Iowa (Etats-Unis), concession par laquelle l’université de l’Etat confie à Engie sa transition vers le zéro carbone. Il faut dire qu’actuellement, les deux campus de l’université de l’Iowa sont chauffés et éclairés au charbon ! Engie promet d’organiser la bascule vers du zéro carbone d’ici à cinq ans, voire plus vite, si possible. Un deal à 1 milliard de dollars, calqué sur celui déjà remporté par Engie l’an passé, avec l’université Columbus, dans l’Ohio. D’autres universités américaines discutent avec Engie pour conclure le même genre de partenariat. On parle aussi d’un réseau d’éclairage public à réinventer, quelque part en Amérique du Sud, et pour lequel Engie serait dans la short list.
Nouveau métier pour Engie ? En partie, oui. Une voie audacieuse désignée par Isabelle Kocher à ses équipes, dès son arrivée, non sans susciter des résistances en interne. Mais une voie aujourd’hui largement couronnée de succès, grâce à ces deals, puisqu’elle permet de modifier considérablement non pas le mix énergétique d’Engie, mais son mix de sources de revenus.
Le mix énergétique change, le mix de revenus aussi
Car dans ce genre de deals, Engie n’est plus uniquement fournisseur d’énergie. Il part à la pêche aux solutions de production d’énergie locales, et évidemment, vertes, en plus d’installer, par exemple, des panneaux solaires sur le toit des bâtiments des campus étudiant. Engie ajoute à tout cela une couche de réseau intelligent, grâce à sa R&D interne, afin d’optimiser et réduire la consommation (à Colombia, l’objectif est de -25 %). Et quand on sait que ces deals sont signés pour 50 ans, et qu’ils comprennent une part de rémunération au succès..
On comprend mieux pourquoi ces victoires récentes pour Engie, bien qu’en quasi terra incognita -en tout cas, loin de ses bases européennes dont le groupe tire les deux tiers de ses revenus aujourd’hui- permettent à son capitaine Isabelle Kocher de tenir fièrement la barre. Le cap est manifestement bon, ce que le bon millier de cadres dirigeants du groupe ont applaudi lors du séminaire annuel du groupe, mercredi 18 décembre 2019. Elle a même eu droit à une standing ovation de dix minutes, totalement inédite pour un patron du CAC 40. Patron qui, rappelons le au passage, est la seule patronne du CAC 40.
Les ennemis d’Isabelle Kocher à la manœuvre
Autant dire que les rumeurs de sa possible éviction, ou plutôt, du possible non renouvellement de son mandat, orchestré en sous-main par des adversaires puissants à l’intérieur même du groupe, font plus que désordre. Depuis son arrivée aux commandes, le cours de Bourse d’Engie n’a-t-il pas repris des couleurs, après sept années de dégringolade ininterrompue ?
Pour ne rien simplifier, les connaisseurs du dossier ont remarqué qu’Isabelle Kocher a été conviée par Emmanuel Macron à l’accompagner lors de son déplacement en Côte d’Ivoire, vendredi dernier. Au détriment d’un autre poids lourd d’Engie, qui se targuait pourtant encore il y a peu d’être un proche du chef de l’État. Il se serait bien vu dans le fauteuil d’Isabelle Kocher dans l’avion présidentiel, mais aussi à la tête du groupe, en janvier prochain… Ce set a été remporté haut la main par Isabelle Kocher, mais la partie est toujours en cours. Dénouement attendu début 2020.