Des considérations purement politiques ont présidé à une décision économique majeure ayant un impact direct sur la vie quotidienne des Européens, comme nous l’avons vu hier. Un petit détour par l’Afrique francophone et l’aventure du Franc CFA est assez instructif.
Il est intéressant de regarder ce qui s’est passé en Afrique, avec le franc CFA*, une variante de monnaie unique. Depuis l’origine, le franc CFA (XOF) entretient un lien fixe d’abord avec le franc français (FRF) et désormais avec l’euro (EUR). Les Etats africains concernés (pour l’essentiel nos anciennes colonies) bénéficient d’une stabilité monétaire exceptionnelle, en contrepartie de la perte d’un élément essentiel de la souveraineté. Ce qui conduisit au départ du Mali en 1962 et de Madagascar en 1973. Cependant, face aux difficultés économiques rapidement rencontrées, le Mali demanda sa réintégration en 1984.
En revanche, le franc CFA suivant parfaitement le franc français, les économies de la Zone franc étaient soumises à la valeur de la devise française, indépendamment de leur situation économique.
Mais les pays à franc CFA avaient moins de croissance que les autres
Au fil des années, il est apparu que les pays francophones d’Afrique enregistraient des taux de croissance systématiquement plus faibles que ceux de leurs voisins anglophones. Il fallut se rendre à l’évidence, les pays francophones étaient victimes du franc fort, à tout le moins d’un franc trop fort pour eux. Et le 11 janvier 1997, le franc CFA était dévalué de 50%. Des taux de croissance structurellement plus faibles pour certains pays de la Zone euro depuis qu’ils ont eu le « privilège » de faire partie du club, ça ne vous rappelle rien ?
D’autant que la Zone euro affiche des excédents commerciaux plantureux. En effet, globalement, nous vendons plus de biens et services à l’extérieur de la Zone que nous n’en achetons, grâce notamment à la compétitivité et à l’attractivité… des produits allemands et du Benelux. Cette situation pousse normalement à la revalorisation de la devise européenne, afin que progressivement les échanges s’équilibrent.
Le problème est que pour certains pays, la France par exemple, le solde du commerce extérieur de marchandises de la France est négatif depuis 2004, soulignant la trop grande force de l’euro pour notre économie. Au cours des cinquante dernières années, la France a connu trois chocs majeurs sur le coût du travail (en plus de toutes les mesures législatives, règlementaires et administratives, comme les seuils sociaux, les normes, etc.), en 1968, en 1981, et en 1998, avec les « 35 heures payées 39 ».
Comment les « avancées sociales » se financent par la dévaluation
En 1969, puis sur la période 1982/1983, le franc a été à chaque fois dévalué d’environ 10%, afin de compenser à l’exportation les surcoûts décidés par démagogie (la générosité facile avec l’argent des autres) et ainsi préserver notre compétitivité. En revanche, en 1999, la France entrait dans l’euro, s’obligeant théoriquement à une gestion vertueuse de son économie, mais aussi se privant de la soupape de la dévaluation pour effacer ses erreurs.
Certes, depuis, de nombreuses initiatives, au demeurant très dépressives économiquement et déprimantes psychologiquement, ont été prises pour amortir ce troisième choc : gel des salaires, licenciements, assouplissements législatifs et réglementaires des 35 heures, etc. Mais les comptes extérieurs de la France restent déficitaires.
Que faire ? Jouer les autruches ou anticiper ?
Soit jouer les autruches, en préférant le mensonge qui rassure à la vérité qui dérange, et attendre. L’effondrement désordonné de la Zone euro sera alors au bout du chemin, imposé par des marchés sans scrupules et sans autre horizon que le profit immédiat, dans les pires conditions pour notre pays. Même si « comparaison n’est pas raison », l’analyse de ce qui s’est passé en janvier 2002 lorsque l’Argentine a rompu le lien du peso avec le dollar pourrait d’ailleurs donner quelques indications utiles (chute de la production industrielle, de la consommation, des rentrées fiscales, et envol de l’inflation).
Soit anticiper, et permettre à la France de continuer à bénéficier des avantages de l’euro, ce qui suppose de choisir entre divers scénarios, ou encore les combiner : abaisser le coût du travail par allègement significatif des charges (si l’on veut éviter une baisse des salaires réels comme en Espagne et en Grèce), réduction des contraintes administratives (normes, procédures, seuils sociaux, etc.), investissements (ce qui suppose de réduire la fiscalité sur le patrimoine – constitué avec de l’argent économisé et donc déjà taxé – et réformer profondément notre système de formation initiale et professionnelle afin d’élever le niveau général de qualification de notre main-d’oeuvre).
Tout ceci, grâce à l’innovation et aux efforts de productivité, pour évoluer vers les productions à forte valeur ajoutée et haut de gamme, moins concurrencées à l’export, nous permettant de bénéficier des confortables avantages d’une monnaie forte.
La fin de l’euro et le saut dans l’inconnu
A défaut, les solutions de contournement seront envisagées, avec par exemple la constitution de deux Zones euro, l’une au nord, l’autre pour le sud, ou bien la transformation de l’euro en monnaie commune, à charge pour chaque Etat de conduire des politiques économiques, budgétaires et fiscales lui permettant de coller à cette monnaie.
En octobre 2016, sur BFM business, l’ancien ministre Alain Madelin déclarait que « les problèmes de l’euro ne sont pas derrière nous, mais devant nous ». Au même moment, sur Ecorama, François Lenglet, journaliste économique de France 2, admettait qu’une sortie de la France de la Zone euro était aussi possible. *À l’origine en 1945 franc des colonies françaises d’Afrique, puis en 1958 franc de la communauté française d’Afrique, désormais Coopération financière en Afrique au Centre (CEMAC) et Communauté financière d’Afrique à l’Ouest (UEMOA)
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