Ce n’est pas un hasard si l’annonce de la mise en service de Bloctel, le 1er juin 2016, a été largement relayée par les médias grand public.
La nouvelle liste d’opposition au démarchage téléphonique répond en effet à l’attente de très nombreux Français, exaspérés d’être harcelés au téléphone, non seulement sur leur ligne fixe mais aussi, et de plus en plus souvent, sur leur téléphone mobile. Ces pratiques intrusives étant largement rejetées, on peut s’attendre à ce que Bloctel soit un grand succès populaire.
Malheureusement, on sait aussi que le nouveau dispositif ne suffira pas à « endiguer le sentiment de harcèlement téléphonique ». D’une part, être inscrit à Bloctel ne mettra pas les particuliers et les entreprises à l’abri des campagnes intempestives des sociétés dont ils sont déjà client ; d’autre part, les SMS et les spams vocaux de plus en plus nombreux ne sont pas concernés par Bloctel. Enfin, le système de signalement des contrevenants va se heurter à l’impossibilité matérielle d’identifier l’émetteur de l’appel non sollicité : plus de 46% des appels sont émis à partir soit d’un numéro masqué, soit avec des préfixes correspondant à de faux numéros. Quant aux sanctions, il sera d’autant plus difficile de les appliquer que 70% des appels de télémarketing abusif proviennent de centres d’appels offshore…
Pourquoi la téléprospection sauvage est vouée à disparaître
En dépit de ses faiblesses et insuffisances, Bloctel est une bonne chose. L’obligation de valider ses listes de prospection téléphonique va mettre de l’ordre sur le marché domestique de l’appel sortant. Plus indirectement, Bloctel va inciter les acteurs français du télémarketing – et surtout leurs donneurs d’ordres – à se tourner vers des formes de télémarketing plus vertueuses – c’est-à-dire plus respectueuses du consommateur et plus rentables tout simplement parce que beaucoup plus ciblées. Le démarchage téléphonique sauvage semble voué à disparaître parce que, même délocalisé et fortement automatisé, il a un coût – un coût d’autant plus élevé que son ROI est dérisoire (de l’ordre de 1% aujourd’hui). Si l’on ajoute à cela l’impact négatif de ces pratiques sur l’image des entreprises qui y ont recours et les stratégies d’évitement que mettent en place les consommateurs de plus en plus avertis, on voit difficilement l’intérêt que peuvent avoir des entreprises à persister dans cette voie.
L’avenir : inbound marketing + appel consenti
Il y a en revanche de la place en France pour un télémarketing à valeur ajoutée, basé sur le consentement explicite du consommateur et l’utilisation intelligente des données que l’entreprise a sur lui. Tout l’enjeu est évidemment de recueillir suffisamment d’informations sur les cibles et d’obtenir leur consentement à être contactées par téléphone. C’est l’objet même des techniques et outils d’inbound marketing qui, au lieu de pousser des campagnes « à l’aveugle », consiste à attirer des prospects sur le site de l’entreprise en proposant des contenus de qualité. Les formulaires à remplir pour accéder à ces contenus permettent de recueillir de précieuses informations, en premier lieu une adresse e-mail valide. Dès lors que l’on a l’adresse e-mail d’un visiteur et son accord pour l’utiliser, on peut l’inscrire dans un scénario d’inbound marketing en fonction de son profil. On peut ainsi l’alimenter en contenus correspondant à ses centres d’intérêt et lui proposer, au moment opportun, d’être contacté par téléphone. L’appel qui suivra, consenti et même sollicité par un prospect mieux qualifié, ne sera bien entendu pas vécu comme une agression ! Il sera perçu comme un service, surtout si les conseillers sont formés à l’écoute, au dialogue et à l’utilisation judicieuse de la connaissance client.
De plus en plus utilisées dans le B2B, ces démarches de « warm calling » – associant inbound marketing et appel sortant ciblé et documenté – gagnent également du terrain dans l’univers B2C, tout simplement parce qu’elles donnent de meilleurs résultats que l’appel à froid (cold calling) et le démarchage indifférencié. C’est l’avenir du télémarketing – un télémarketing plus exigeant, certes, mais plus rentable et aussi beaucoup plus valorisant pour les agents des centres de contacts qui font de l’appel sortant. En France, cela représente 40 % des 300 000 emplois du secteur, soit tout de même 120 000 emplois ! Demain, si la profession et les donneurs d’ordres tournent vraiment le dos aux pratiques intrusives, cela peut représenter beaucoup plus d’emplois. C’est aussi cela qui est en jeu !