Jamais autant d’inégalités entre secteurs d’activité n’avaient été observées dans l’histoire. Certaines branches, comme le tourisme ou le secteur aérien, sont totalement à l’arrêt et dans l’incapacité totale d’engendrer le moindre chiffre d’affaires. En revanche, le marché du divertissement en ligne (Netflix, Steam…), des plateformes sociales (Yubo, Whatsapp…) ou encore du télétravail (Zoom…) est en pleine expansion, profitant des mesures de confinement qui invitent les individus à s’engager dans de nouvelles sociabilités.
Stay at Home Index : les « vainqueurs » de la crise sanitaire ?
Le phénomène des gagnants du confinement est désormais si ancré dans l’esprit des analystes que ces entreprises ont déjà leur propre indice boursier, le Stay at Home Index. Désignant ironiquement un panel de 33 entreprises américaines, dont le dénominateur commun est d’avoir capitalisé massivement sur le vecteur numérique comme canal de communication ou de divertissement, le Stay at Home Index témoigne surtout d’une tendance de fond. Les populations sont de plus en plus acculturées aux pratiques numériques et les mesures de distanciation sociales mises en œuvre dans la grande partie des pays touchés n’ont été qu’un accélérateur d’un changement d’habitude.
La valeur de ces entreprises a augmenté en parallèle de leur succès croissant auprès du grand public. Netflix a gagné 15,8 millions d’abonnés payants entre janvier et mars 2020, alors qu’ils n’étaient que 9,6 millions l’année dernière à la même période. Mais le géant américain du streaming légal ne triomphe pas pour autant. Entre l’apparition de nouveaux entrants sur un marché devenu ultraconcurrentiel et les incertitudes liées à l’évolution future de la pandémie, le pur produit de la Silicon Valley n’est pas le seul sur son marché. Pourtant, le titre, côté au NASDAQ, ne s’est jamais aussi bien porté et l’action Netflix a gagné 40 % entre le 15 mars et le 15 avril.
La société de communication Zoom, qui profite de l’essor du télétravail et des nouvelles interactions virtuelles, peut aussi se réjouir. Malgré toutes les critiques sur de prétendues failles de sécurité, les actions de Zoom ont atteint un record et la société annonçait triomphalement dépasser les 300 millions d’utilisateurs journaliers sur sa plateforme à la fin du mois d’avril. « Le Covid-19 n’a pas créé l’économie Stay at Home. Cela fait des années que le monde va dans cette direction » explique un ancien gestionnaire de fonds spéculatifs américain, Jim Cramer.
Yubo, What’s App, Facebook : le triomphe des nouvelles sociabilités ?
Avec la distanciation sociale, les individus ont dû se tourner vers d’autres types de sociabilités. Et les réseaux sociaux sont devenus les outils les plus naturels pour les individus confinés. Ils revêtent même l’aspect d’un besoin impérieux pour beaucoup d’entre eux. Une étude CSA menée pour LinkedIn France nous apprend que 55 % des Français seraient incapables de supporter cette période sans les réseaux sociaux. Le canal virtuel s’est donc largement imposé.
C’est en tout cas ce que semble indiquer la croissance phénoménale de l’application sociale Yubo. Depuis le début des mesures de confinement en France, Yubo comptabilise d’ores et déjà 310 % de temps de live en plus, 300 % de streamers et plus de 60 % d’utilisateurs supplémentaires quotidiens. Autre indicateur puissant, le nombre d’inscrits a dépassé toutes les prévisions. Yubo compte désormais plus de 30 millions d’inscrits alors que son fondateur, Sacha Lazimi, n’en annonçait « que » 25 millions en décembre dernier au magazine économique français Entreprendre. Yubo profite à la fois des mesures de confinement, mais aussi d’un positionnement assez inédit sur le marché des réseaux sociaux, en capitalisant sur la social discovery, qui permet des interactions en direct en vidéo.
Chez les autres réseaux sociaux, une tendance similaire s’est rapidement dessinée. Un rapport de Hootsuite indiquait que 23 % des 16 – 64 ans reconnaissaient passer plus de temps sur les réseaux depuis le début du confinement. Mark Zuckerberg a ainsi annoncé une hausse de l’utilisation des services de Facebook depuis le lockdown. Le nombre d’utilisateurs de Facebook a en effet crû de 10 % au premier trimestre. Whatsapp, qui connaît aussi un regain d’activité, a été obligé de mettre en place des outils pour lutter contre la propagation des fausses informations qui circulent de groupe en groupe depuis le début de l’épidémie, jusqu’à atteindre une viralité inquiétante.
D’autres secteurs tirent « profit » de la période
D’autres secteurs, eux aussi en expansion, ont su tirer profit de cette période en proposant leurs services aux besoins du moment. La télémédecine, par exemple, est désormais devenue d’une importance vitale pour les populations. Le 2 avril dernier, Doctolib annonçait une multiplication par cent des visites en un mois. Les mesures de distanciation sociale ont évidemment imposé le recours aux consultations à distance comme une solution naturelle. Et la plateforme a pu compter sur le volontarisme des pouvoirs publics, qui se sont attachés à lever une par une les barrières réglementaires qui rendaient encore délicate l’explosion du secteur.
Certaines applications se sont même révélées incontournables pour une partie croissante des individus. C’est le cas de l’application de méditation Petit Bambou, qui annonce accueillir 5 000 à 10 000 utilisateurs chaque jour depuis le début du confinement et envisager ainsi de nouvelles implantations, partout dans le monde.
À la fin des mesures de distanciation sociale, ces acteurs devraient voir leur croissance ralentir quelque peu par rapport à la période exceptionnelle que nous traversons. Pour autant, ces dernières semaines leur ont permis de s’imposer durablement auprès des consommateurs.