Comme chaque début d’année, le sport favori entre journalistes économiques et gérants est celui de la « boule de cristal ».
Les grands gourous de la place financière sont alors priés de priés de donner des chiffres : à combien le CAC40 dans 12 mois ?! A combien le pétrole ? l’Or, les taux… l’EURUSD !? Jouez-vous la baisse, la hausse ? Prenez les paris, faites vos jeux ! Et vous avez alors un brouhaha de chiffres, de pourcentage de hausse, de prévisions… — bien évidemment appuyés par des arguments assenés avec force et conviction.
Cela occupe les marchés pendant quelques petites semaines. C’est un peu le folklore local du secteur financier.
Ainsi, on peut lire des analyses « L’année 2016 devrait marquer la prolongation des grandes tendances observées sur les marchés en 2015 », « Le consensus vise une performance annuelle similaire à celle de 2015 pour les marchés d’actions européens, c’est-à-dire une hausse d’au moins 10% » … et tous anticipent « une hausse de la volatilité », redoutent des « Black Swann » ou des « mauvaises surprises ».
Vous serez d’accord avec moi pour dire que malgré l’esbroufe et le sérieux que l’on donne à tous ces gurus de la finance… c’est du vent. Inutile d’avoir été major de Polytechnique pour avoir ce type d’analyse. Ce que vous devez retenir de tout ce folklore, c’est uniquement qu’un gérant ne PEUT PAS être baissier sur les marchés… Alors il enrobe ses doutes, ses craintes et mêmes ses certitudes bearish de tout une couche de « je suis haussier mais… ».
Pourquoi un tel consensus haussier ?
Imaginez qu’un stratège d’une grande société de gestion indique qu’il prévoit un recul de 15% des indices pour 2016. Se mettra alors en place un double effet. Le premier verra les clients existants de la société de gestion exiger de vendre une partie de leur portefeuille par crainte de subir des moins-values – classique et logique, on ne pourra pas les en blâmer. Sauf que la puissance d’une société de gestion tient à la taille du capital qu’elle a sous-gestion. Moins d’investisseurs et ses montants sous gestion diminuent… Sans parler du fait que si toutes les sociétés de gestions se disaient ouvertement bearish, elles devraient vendre leur position, ce qui créerait une réelle baisse des marchés. Nous sommes en plein dans un phénomène de prophétie auto-réalisatrice.
Mais il y a un second effet moins perceptible pour le commun des mortels. Une des activités d’une société de gestion est la collecte (de fonds, de capitaux) auprès d’investisseurs institutionnels ou particuliers : elle va voir des clients en leur vantant les mérites de tel ou tel fonds maison, en leur proposant de souscrire, évidemment parce que le titre « va monter ». Sauf que si je viens vous voir en vous disant : « Confiez moi votre argent mais sachez que je prévois une baisse de 15% des indices cette année »… Je pense que vous me demanderez de revenir l’année prochaine.
D’où l’importance de l’indépendance…
Voilà pourquoi, à de rares exceptions, un gérant ne peut pas s’afficher clairement baissier, à moins de se tirer une balle dans le pied. Et voilà pourquoi le consensus de début d’année est quasiment toujours optimiste. Je me rappelle d’un débat dans Intégrale Bourse, sur BFM Business : j’avais en face de moi de bons professionnels mais incapables de sortir de leur traditionnelle langue de bois. J’étais sur un plateau l’an dernier avec un stratège d’une grande banque qui disait à l’antenne exactement l’inverse de ce qu’il venait de me dire dans le salon d’attente.
Devant mon étonnement, il m’expliquait : « Je suis baissier sur les marchés mais si je le dis trop fort, je suis convoqué ce soir par mon boss qui me demandera de rectifier le tir. Tu comprends, si je suis baissier, je dois parler de « lente consolidation après une phase de hausse » et rien d’autre ». Tout cela est d’une très grande hypocrisie mais ainsi va le monde de la finance et il n’y a aucune raison pour que cela change. Voilà pourquoi l’indépendance est très importante dans ce secteur.
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