Une bonne année pour les mutuelles

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Par Patrick Crasnier Publié le 12 janvier 2016 à 5h00
Mutuelle Pour Tous Sante Entreprises
@shutter - © Economie Matin
14 %L'Etat prélève des taxes à hauteur de 14 % sur les mutuelles.

En ce premier janvier 2016, tous les salariés, toutes les entreprises sont tenus d’avoir souscrit une assurance complémentaire santé. Depuis plus d’un an nous sommes quelques uns à dénoncer cette arnaque sans grande écoute, au mieux on ne nous croit pas, au pire on nous traite de menteurs.

Aujourd’hui certains commencent à reconnaitre que nous avions raison, la loi sur la mutuelle obligatoire n’est que le premier étage de la fusée « loi de modernisation de la santé » Une belle pagaille en perspective pour tous ceux qui, jusqu’à ce jour, n’y ont rien compris. Je vais tenter de vous éclairer.

Qu'estce qu'une mutuelle ?

Au départ le mutualisme est un système de solidarité sociale, à but non lucratif, dans lequel chaque membre apporte une cotisation dans les domaines de la prévoyance et de l’assurance. Cette définition est depuis très longtemps battue en brèche par les compagnies d’assurance. Le secteur marchand est devenu maître dans ce domaine (comme dans bien d’autres) Plus de « but non lucratif » plus de « solidarité sociale » toujours des cotisations en hausse quels que soient les résultats. Evolution inéluctable, toutes les assurances qui étaient présentes sur le marché ont développé des services « complémentaire santé «  « retraite » « capitalisation » Elle sont avant tout soumise au code des assurances et plus tout a fait au code de la mutualité.

Aujourd’hui les nombreuses dérives de ce système mutualiste, les directives Européennes, ont fait la part belle à la marchandisation de l’assurance santé. L'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés prévoit la généralisation du droit à la complémentaire santé avant le 1er janvier 2016 (article 1). Ce droit a été intégré dans la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013.

Le contrat responsable

Nous étions habitués à souscrire, jusqu’à présent une assurance complémentaire santé en fonction de notre désir du niveau de remboursement. Contrat a minima ou bien contrat très « premium » pour des remboursements confortables. Bien sur le montant des cotisations était en conséquence, de plus en plus cher en fonction du niveau de prise en charge (ce qui était accepté par tout le monde) Le système mutualiste par contre imposait un prix de cotisation unique quel que soit le souscripteur, son âge, son dossier médical etc.

Aujourd’hui nos inventeurs de génie ont crée le « contrat responsable » beaucoup en ont entendu parler, peu savent exactement de quoi il s’agit. Un contrat responsable (imposé par l’état) est un contrat dont les remboursements sont limités, croyant comme cela que les dépenses de santé diminueront. Par exemple pour les médecins en secteur 2 avec dépassement d’honoraire, certains ont signé le CAS (contrat d’accès aux soins) et d’autres pas. Votre complémentaire santé sera donc limitée dans ses remboursement de ces dépassements d’honoraires, avec ou sans CAS. Un moyen de mettre « au plis » les médecins en limitant leurs dépassements d’honoraires, un moyen de dissuader les patients d’aller les voir. La même chose a été inventée pour les remboursements dentaires et pour les lunettes. Par exemple votre assurance qui vous remboursait une paire de lunette par an(en vous faisant bien sur payer une cotisation en conséquence) n’a plus le droit de vous rembourser qu’une paire tous les deux ans.

Conséquence, vos contrats que vous aviez payés bien chers ont été changés. Vous avez tous reçu en décembre votre nouvelle grille de remboursement avec ces limitations. Ce que l’on a oublié de vous dire c’est que le prix n’a pas diminué. L’état dans sa grande mansuétude pour les assurances privée a oublié de mettre dans son texte de loi (quand je dis oublié c’est un doux euphémisme) la réduction des cotisations au prorata de la diminution des remboursements.
Vous constatez donc par exemple (exemple pris sur un contrat) une cotisation établie pour une paire de lunettes par an, pour un prix de 130 euros par mois, passer à une paire de lunette tous les deux ans pour la même cotisation. Une arnaque bien Française qui va obligé nombre de patients a renégocier de nouveaux contrat avec de nouvelles assurances. Idem pour les soins dentaires, sur le même exemple les soins remboursés SS passent de 300% à 200% ajoutant que cette année le plafonnement des soins dentaires sera de 1500 euros. Toujours bien sur sans changement de cotisation en baisse (la hausse du 1 janvier 2016 ils n’ont pas osés).

L'entreprise

Pour les entreprises qui payaient déjà une mutuelle a leurs salariés pas beaucoup de changement, ou presque. Le montant de cette assurance (part patronale et part salariale) sera intégralement déclarée en somme imposable. Une mauvaise nouvelle à voir l’an prochain sur vos feuilles d’impôts. Les salariés se verront ajouter dans leurs revenus imposables la somme payée pour la mutuelle même si l’employeur la prenait en totalité a sa charge. L’état a fixé un montant de prise en charge par l’employeur à 50% mais c’est un minimum. Création donc d’une nouvelle discrimination entre les entreprises prenant en charge le minimum et les autres. Vous l’avez compris donc, création d’une nouvelle charge sociale et qui plus est imposés. Mais nos politiques s’en fichent ce ne sera visible qu’après les élections de 2017, impôts sur le revenu de 2016.

Second changement ce « contrat responsable » et son panier de soins qui va avec. Les entreprises sont tenues de souscrire ce contrat à minima pour que les salariés soient couverts dans de bonnes conditions. La guerre des prix a fait son apparition en fin 2015, les PME qui n’avaient pas d’assurance complémentaire ont été très sollicitées par les vendeurs d’assurance et les banques. Le contrat minimum responsable est souvent celui qui est souscrit, certains essayent d’en avoir un peu plus dans le cadre de ces contrats responsables. Savoir que la limite de remboursement imposée par l’état, quel que soit le niveau du contrat s’applique quand même.

Il est important pour les employeurs de comprendre que, s’ils ont bénéficié de la guerre des prix en décembre pour être « capté comme client », les prix augmenteront ensuite inéluctablement. On a vu des prix de contrat extrêmement bas (moins de 20 euros pour un salarié) Sachez que ces prix sont impossibles à tenir, toutes les enquêtes montrent qu’en dessous de 50 euros par mois le risque est important pour les salariés. De plus beaucoup de contrat « attirants » ne prennent pas en charge la famille (sauf multiplication des cotisations) ou ont des restrictions importantes sur des postes de santé indispensable. Mais le « panier de soins minimum » est respecté.

Invention de la "surmutuelle"

Pas folle les compagnies d’assurance ont bien compris tout le profit qu’elles pouvaient tirer de ce nouveau système. Les patients assurés à minima par leur employeur, ou bien refusant les limitations imposées par l’état ont cherché la parade. En un mot comment s’assurer comme avant pour être tranquille ? Le génie des assureurs a fait le reste, un contrat responsable souscrit par tous, qu’à cela ne tienne, ils ont inventé la sur mutuelle contrat non responsable. C’est un véritable contrat d’assurance qui va vous couvrir ce que vous souhaitez en y mettant le prix. Plus de solidarité ici, les contrats verront leurs cotisations fixées en fonction de votre âge, du risque, comme vos contrat d’assurance classiques.

Une fois ces contrats souscrit vous retrouverez tout ce que vous n’avez plus dans les contrats dits responsables. Les lunettes, les prothèses dentaires, les médecins non conventionnés, les professions médicales non prises en charge (psychologue, ostéopathes) Seul le prix sera en regard de vos besoins et il augmentera régulièrement. Ce que personne ne vous a dit, et ce n’est pas anodin, l’état prélève des taxes sur les mutuelles. Ces taxes sont de 7% pour les contrats responsables, elles seront de 14% pour les sur mutuelles. Il n’y a pas que les assureurs qui se sucrent.

En conclusion

La mutuelle pour tous (ou presque) est entièrement inclue dans l’idéologie de la nouvelle loi. La médecine low coast est en route, la médecine à deux vitesses aussi. Pendant que les médecins se battent pour essayer d’avoir un prix de consultation décent, le gouvernement organise la paupérisation des systèmes de soins. Pour les assurances complémentaires tout va bien, le gâteau est devenu énorme et ce n’est qu’un début. La loi santé donne notre système de soins aux assurances privées tout en conservant les énormes charges dites sociales que les entreprises doivent payer. Le second étage de la fusée c’est le tiers payant généralisé obligatoire, pour les raisons que l’on comprend. Tout le monde doit être « captif » patients comme médecins. Là encore ce que l’on ne vous dit pas c’est que les patients ne s’apercevront plus du tout de qui rembourse quoi. La sécurité sociale d’état diminuera régulièrement sa part de remboursement, les assurances complémentaires rembourseront de plus en plus. Les cotisations sécurité sociale n’augmenteront pas (encore heureux) l’état quel qu’il soit s’en glorifiera, et les mutuelles augmenteront tous les ans les cotisations auprès de leurs adhérents (comme ils le font déjà).

Si vous comprenez bien ce qui a été mis en place, vous comprendrez que sous un aspect social et bienveillant, c’est une énorme arnaque qui a été mise en place. De plus tous ceux qui ne sont pas salariés, les indépendants, les retraités, les chômeurs devront aller se chercher eux même des assurances complémentaires très chères. Une seule chose importante a savoir il n’est pas interdit de s’assurer en Europe ailleurs que dans notre pays (même pour les entreprises).

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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