L’Education Nationale devrait donner l’exemple en matière de démocratie. Et chaque jour, elle prouve l’inverse. Le cas de l’algorithme de l’admission post-bac l’a encore montré.
L’aberrante admission post-bac
Face à la difficile gestion des flux étudiants à la sortie du baccalauréat, l’Education Nationale a lancé une application « APB » (admission post-bac) qui s’apparente à un véritable Big Brother: un ordinateur ingurgite des dizaines de millions de données sur des centaines de milliers de candidats, et en ressort une liste d’inscrits à l’université par filières.
Alors que le personnel de l’Education Nationale continue à corriger ses copies à la main et à revendiquer farouchement l’autonomie de l’enseignant face à l’élève, c’est dans la plus parfaite indifférence qu’il accepte de confier à une intelligence artificielle le destin universitaire des élèves. En grattant un peu, on pourrait même se demander ce que cette indifférence à l’égard de la prise du pouvoir par la machine nous dit sur les valeurs véhiculées et transmises par les enseignants aujourd’hui…
Au moins, feront remarquer les esprits perfides, le recours à l’intelligence artificielle est-il moins constipant et désabusant que le recours au tirage au sort, comme les facultés de médecine ont entrepris de le faire.
APB, le mystérieux Big Brother
Avec stupéfaction, on découvre que l’algorithme d’APB est un secret mieux gardé que l’algorithme de Google. L’Education Nationale refuse obstinément d’informer les citoyens sur les critères qu’elle utilise dans sa « machine » pour décider des affectations des candidats en université. Alors qu’il est possible de connaître au moins une partie des critères de référencement retenus par Google, le ministère de l’Education refusait d’expliquer à ses administrés et usagers sa technique de traitement des données.
Superbe exemple de démocratie! la machine décide pour toi, mais on ne te dira surtout pas sur quel critère! Même Kafka n’aurait pas osé imaginer un tel cauchemar.
L’Education Nationale bafoue l’autorité de la chose jugée
Il a donc fallu qu’une association saisisse la justice administrative pour forcer l’administration de l’Education Nationale a levé le voile sur un algorithme illégalement tenu secret. Droit des lycéens (l’association en question) a partiellement obtenu gain de cause: malgré l’avis favorable de la CADA, l’Education Nationale a dévoilé une partie (mais une partie seulement) de l’algorithme utilisé.
«Pourquoi ces règles n’ont pas été rendues publiques avant la clôture, hier soir ? C’était pourtant un engagement du ministère et cela aurait pu permettre aux lycéens de faire un choix éclairé, a réagi ce mercredi matin Clément Baillon, le président de l’association Droits des lycéens. «Des flous demeurent», pointe-t-il, comme «l’utilisation faite par les universités des notes aux épreuves anticipées du bac, et des bulletins scolaires : ont-elles la possibilité de les consulter ?»
Non seulement l’Education Nationale échappe au contrôle de Bercy, mais elle refuse aussi d’obéir aux avis de la CADA… Si le fait d’être au-dessus des principes républicains était une garantie de performance, on applaudirait des deux mains. Mais les résultats de l’Education Nationale sont si catastrophiques qu’on en ressort avec le sentiment qu’elle n’est plus qu’un paquebot ivre, incontrôlable et à la dérive, que seul un iceberg pourra arrêter.
Article écrit par Eric verhaeghe pour son blog