Avec le télétravail, les chefs d’entreprise doivent modifier leur organisation personnelle, miser sur un mode de management basée sur la confiance, prévenir des excès de comportements de leurs collaborateurs, soutenir la créativité et élargir leur horizon.
Le télétravail bouscule non seulement le quotidien des collaborateurs mais aussi celui des chefs d’entreprise. Outre les contraintes matérielles, i.e. offrir à tous les employés les outils et équipements nécessaires pour travailler à distance, c’est surtout en termes d’organisation et de pratique managériale que le télétravail nécessite de modifier leurs habitudes.
Un patron de PME est très souvent pris par le temps. Devant gérer ou arbitrer plusieurs sujets en parallèle - finances, RH, production, commercial, distribution, etc. – dans l’urgence, c’est souvent par des points rapides souvent informels et rapides qu’il arrive à prendre des décisions. En rencontrant dans les locaux les équipes et les managers auxquels il doit une réponse ou a prévu de demander une précision mais avec lesquels il n’a pas (encore) fixé de réunion ou de point d’étape, il allège sa « do to list ».
Mais à l’heure de la COVID et du télétravail, ce n’est plus possible ; en tout cas, ce ne peut plus être un modèle pour la conduite de ses affaires. Les collaborateurs sont présents par intermittence et pas forcément au même moment que le chef d’entreprise, pas forcément en même temps que leurs managers, pas forcément en même temps que les équipes d’autres services, etc. Les occasions de se croiser se raréfient… Mais les attentes de réponse et la pression pour faire vite ne faiblissent pas et le flux de mails ne tarit pas, voire augmente… Alors comment faire ?
Revoir son organisation personnelle
1er impératif : être très discipliné dans son organisation personnelle. S’il reste pris par le temps, il ne peut plus compter sur des rencontres ad hoc dans les couloirs pour gérer certaines questions. Le télétravail demande au patron de PME de créer des rituels avec ses collaborateurs, de leur fixer des rendez-vous, d’être à l’heure, et donc de tenir le temps imparti avec chacun. Il doit aussi établir les échéances et partager un calendrier que tous devront respecter. Plus que jamais, il joue de façon explicite son rôle de capitaine de navire virtuel.
Manager par la confiance
2ème impératif : s’approprier un modèle de management basé sur la confiance. Avec le télétravail, les relations hiérarchiques et de pouvoir s’expriment autrement. Or on sait que manager à distance ses équipes est plus difficile car l’informel et le non verbal ne compensent plus, ni ne font plus remonter de signaux faibles. Pour piloter son équipe, le patron de PME devra donc fixer des objectifs clairs, par équipe et à chacun, indiquer les délais à respecter, faire des points d’étape (avec les difficultés rencontrées) et contrôler strictement les résultats obtenus, le tout sans tomber dans un mode « flicage ».
Prévenir l’hypertravail et le décrochage
3ème impératif : rester vigilant sur les comportements des collaborateurs. Il est essentiel d’éviter d’une part l’hypertravail, d’autre part le décrochage, qui l’un comme l’autre nuirait à la cohésion des équipes, empêcherait de maintenir l’activité sur la durée et diminuerait la performance collective.
A distance, certains collaborateurs ne sauront pas s’arrêter et penseront qu’ils n’en font pas assez, qu’ils ne sont pas à la hauteur. D’autres au contraire, faute d’encadrement, auront du mal à se mettre à la tâche, ne respecteront pas les délais et petit à petit, n’arriveront plus à faire correctement le travail qui leur incombe.
Dans un cas comme dans l’autre, le chef d’entreprise va devoir rester en alerte sur les signaux faibles et au besoin intervenir, soit directement, soit via ses managers, pour apaiser les uns et booster les autres.
Se garder du conformisme pour continuer à innover
4ème impératif : éviter le conformisme. A force d’être suivis et pilotés à distance dans leur travail, les collaborateurs peuvent pratiquer une forme d’autocontrôle, d’autocensure et de mimétisme avec leurs collègues ou juste faire ce qu’ils pensent que leur hiérarchie attend d’eux. Or ces comportements nuisent à la capacité d’innovation alors même qu’il y a une injonction forte à sortir du cadre et innover. La créativité naît souvent du non verbal et du vécu, de l’expérimentation, de l’informel et de l’interaction sans filtre. La disparition du non verbal a ajouté une pression supplémentaire sur les chefs d’entreprise. Il leur faut créer autrement un affectio societatis et impulser des dynamiques collaboratives (à défaut d’être collectives) qui permettront à chacun de continuer à oser exprimer ses idées et préserveront la capacité d’innovation. C’est un challenge énorme que les thuriféraires du tout numérique évitent soigneusement d’aborder : préserver la créativité et la dynamique implique de toute façon de planifier et d’organiser des rencontres physiques régulières même au temps du télétravail.
Élargir l’horizon de son organisation
5ème impératif : Le télétravail permet cependant de regarder plus loin et de répondre en partie au problème numéro un des PME (surtout dans les zones rurales) : trouver les bonnes personnes. En revoyant la manière de manager et en structurant autrement son organisation, on peut attirer et fidéliser des collaborateurs éloignés géographiquement et plus jeunes qui seront extrêmement précieux pour développer l’entreprise.
S’il remet beaucoup de pratiques en cause, le développement du télétravail, en contraignant les chefs d’entreprises à « faire différemment », peut aussi renforcer leur capacité d’exécution (et on sait que cette capacité d’exécution fait souvent défaut dans les PME françaises). En étant plus rigoureux et organisés, en suivant les étapes des projets préalablement communiqués aux managers et collaborateurs, en optant pour un management qui au final responsabilisent les équipes par rapport aux résultats à atteindre, en luttant contre le conformisme pour ne pas freiner l’innovation, les chefs d’entreprise se donneront les moyens de se relever de la crise sanitaire et économique et d’exécuter leur plan de développement.