Le non du référendum Grec

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Par Nicolas Tarnaud Publié le 7 juillet 2015 à 5h27
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Fin 2018, la Grèce devra trouver 52 milliards pour assurer la soutenabilité de sa dette publique.Fin 2018, la Grèce devra trouver 52 milliards pour assurer la soutenabilité de sa dette publique.

La Grèce & le non au référendum

Le peuple Grec a voté à 61% au référendum du 5 juillet 2015 contre les mesures de la Troika. Elles concernaient les axes suivants : la trajectoire budgétaire, la réforme de la TVA, la réforme des retraites, les privatisations et la dette. Alexis Tsipras est le grand vainqueur de cette élection. Les grecs ont subi 8 plans d’austérité depuis le début de la crise. La Grèce a envoyé un message haut et fort en direction des autres pays européens : elle ne veut plus se voir imposer un nouveau plan d’austérité. Grace au référendum, les grecs disent non aux créanciers internationaux renforçant le poids du pays dans le jeu des négociations. Les propos tenus la semaine dernière du Vice Chancelier Allemand mentionnant qu’un non massif entraînerait la Grèce vers la sortie de la zone euro sont aujourd’hui de plus en partagés par les gouvernements européens. Cependant, tous les pays de la zone euro ne fonctionnent pas économiquement comme l’Allemagne. Dans tous les cas, nous devons tirer les conséquences du résultat de dimanche non seulement sur l’avenir monétaire de la zone euro et mais aussi sur l’avenir et la gestion des dettes souveraines. Le vote grec doit nous amener à nous questionner : La zone euro doit-elle proposer à l’avenir un cadre plus flexible afin d’intégrer les comportements économiques différents d’un pays à l’autre ?

La Grèce & l’euro

Au moment du traité de Maastricht en 1992 l’euro devait permettre une amélioration des échanges commerciaux. Avec ce traité, les marchés financiers seraient renforcés et l’euro deviendrait une devise internationale de réserve et d’échange. Plus de 20 ans se sont déroulés entre la création du traité européen et la situation européenne d’aujourd’hui. La Grèce a accédé à la zone euro en 2002. Comment ne pas s’interroger aujourd’hui sur cette question : La Grèce avait-elle la capacité financière suffisante pour répondre aux critères européens ? La question peut également se poser pour les pays les plus fragilisés de la zone euro.

En réalité, l’euro n’a jamais remis en question Londres comme première place financière européenne ni le rôle du dollar dans les échanges internationaux. Or, la singularité de chaque pays est bien réelle. Au regard de leur histoires et cultures différentes, peut-on exiger des états membres européens l’application de politique économique uniformes ? Les états européens ont en réalité des économies différentes. La gestion d’une politique monétaire commune ambitieuse est difficilement applicable à son ensemble.

La Grèce & la politique monétaire européenne

La masse monétaire en Europe a augmenté chaque année de 10 à 12% depuis 2000. La masse monétaire doit refléter la croissance économique d’un pays. Toute création monétaire doit être prudentielle. Les bulles de certains actifs ont été la cause de crise financière. Celles de 2000 ou de 2008 en sont un exemple. Sans l’excès de liquidités disponibles, ces crises n’auraient pas pu se développer si rapidement et sur de tels montants. Nous avons en réalité trop d’euros en circulation qui vont se placer sur le court terme et non sur le long terme. La politique économique d’un pays ne doit-elle pas se faire sur de nombreuses annés ? La Grèce n’a jamais eu de stratégie d’investissement de long terme dans son économie. Elle le paye aujourd’hui par son faible PIB dans la zone euro [2%] et par le faible niveau de vie de sa population.

La Grèce & la Troika

Jusqu’au référendum, la Troika a continué d’exiger de la Grèce qu’elle arrive à un budget primaire en excédent (hors paiement des intérêts de la dette) de 3,5% du PIB en 2018. Cet objectif est contre productif. Même si la dette était restructurée, le pays restera en dépression. La dette Grecque demeurera le sujet central sur la table des négociations. Dès le 10 juillet, elle doit refinancer 2 milliards d’euros de T-bills. La Grèce doit rembourser le 20 juillet 3,5 milliards d’euros à la BCE.

Au lendemain des élections, la Grèce n’a pas la capacité de rembourser ses prochaines échéances. Si la Grèce sort de la zone euro, elle ne remboursera pas sa dette. Quels créanciers accepteraient d’être payés en drachmes ? Les pays européens vont devoir se mettre d’accord pour rallonger ou non la maturité s’ils souhaitent alléger les remboursements de la dette grecque.

La question va également se poser sur une éventuelle annulation partielle de sa dette ?

Selon le FMI d’ici la fin 2018, la Grèce devra trouver 52 milliards pour assurer la soutenabilité de sa dette publique. La Grèce aura dans tous les cas besoin d’une aide financière et ce rapidement. L’Allemagne et la France vont jouer un rôle prépondérant dans les prochains jours. S’il y a une résistance de l’Allemagne et sans reprise rapide des négociations, la BCE réduira ou suspendra l’emergency liquidity assistance aux banques grecques dont les encours s’élèvent à 89 milliards d’euros. La population grecque serait pénalisée par le manque de liquidités disponibles auprès des banques. Les stocks des magasins se videront avec des conséquences difficiles pour les locaux et les touristes. En n’ayant plus de fonds propres et de liquidité, les banques grecques deviendront insolvables feraient de facto faillites. Cela entraînera la sortie de la Grèce de la zone euro. La BCE porterait dans ces conditions une lourde responsabilité de ce Gexit. L’Union Européenne en sortirait affaiblit économiquement, politiquement et socialement, le fonctionnement et la crédibilité future de l’Union Européenne seraient-ils mis en péril ? Dans les traités communautaires rien ne permet aux Européens de renvoyer Athènes de l’union monétaire. Par contre, une sortie de l’union Européenne est prévue à l’article 50 du traité : « Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union »

La Grèce & les conséquences géopolitiques

La sortie de la Grèce de la zone euro aurait des conséquences économique, politiques et géopolitiques. Les conséquences géopolitiques ont été absentes des négociations depuis le début de la crise. Dans les Balkans nous sommes face à des pays faibles économiquement. Moscou s’intéresse à la Serbie et à la zone serbe de Bosnie-Herzégovine. Par ailleurs, depuis quelques années, les djihadistes font leur recrutement dans les Balkans. Dans ces pays nous trouvons une population fragilisée par l’instabilité économique et politique que connaissent les Balkans depuis une trentaine d’années. La Grèce est devenue depuis 5 ans une des principales portes d’entrée de migrants en Europe. Plus de 40 000 migrants se trouvent depuis janvier dans les îles de Chios, Lesbos et de Kos. La Grèce reçoit aujourd’hui des moyens logistiques et financiers de l’agence Frontex en tant que membre de l’Union Européenne et de la zone euro. Qu’en serait-il demain si la Grèce quittait la zone ? Comment pourrions-nous gérer cet afflux de nouveaux migrants ? La géopolitique devra être aussi au centre des négociations entre l’Union Européenne et ses partenaires et la Grèce. L’absence de débats géopolitiques pourrait avoir des conséquences irréversibles et dramatiques pour les pays européens.

La Grèce & la drachme

En sortant de la zone euro sans sortir de l’Union Européenne, la Grèce pourrait revenir à sa propre monnaie : la Drachme. La réintroduction dans l’économie de cette monnaie prendrait trois à quatre mois. Dans ce scénario, la banque grecque refinancerait les banques du pays dans sa nouvelle monnaie. Le système bancaire pourrait redémarrer. Il y aurait un sentiment d’appauvrissement pour la population. En effet, la drachme serait dévaluée face à l’euro. Le prix des produits importés connaîtrait une spirale inflationniste. Le pays vivrait avec l’inflation. Les produits dédiés à l’export seraient compétitifs puisqu’ils bénéficieraient de la dévaluation monétaire.

La Grèce & son avenir économique

Si l’on veut atteindre les objectifs établis en novembre 2012 (lors du second plan de sauvetage) d’une dette publique ne dépassant pas les 124% en 2020, un haircut (effacement de la dette) de 30% est donc nécessaire. Une fois les premières négociations abouties, le gouvernement doit mettre en place un programme d’investissement pour relancer l’économie sur le long terme. En effet, la Grèce paye les conséquences des mesures politiques sur l’économie depuis plusieurs décennies.

Elle représente à peine 0,4% des exportations de la zone euro, ce qui est faible. Elle doit relancer entre autres son agriculture pour diminuer le coûts de ses importations. Nous sommes aujourd’hui face à une jeunesse qui souhaite reconstruire économiquement le pays.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.

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