Depuis 1975, la France ne cesse de présenter des budgets annuels en déficit. Conséquence mécanique, la dette publique augmente au point de représenter désormais plus de 100% du PIB soit plus de 2.245 milliards d'euros. Dans le projet de Loi de Finances initial pour 2020, il était inscrit un déficit de 93 Mds d'euros ce qui prouvait, bien avant ce satané Covid-19, que notre pays " vivait au-dessus de ses moyens " pour reprendre la phrase de Raymond Barre mais aussi du regretté Michel Charasse, ancien ministre du Budget sous la présidence de François Mitterrand.
Quand l'État encaisse 310 Mds d'euros d'impôts, il dépense plus de 406 Mds : la soustraction s'impose sans discussion possible. Notre pays doit donc impérativement réfléchir au périmètre de ses activités publiques, à son nombre absurde d'agences qui polluent, finalement, l'action publique et à une gestion frugale qui ne doit toutefois pas se déployer au détriment des agents publics qui sont tout sauf des nantis. Un travail de refondation de la sphère publique que le président Macron aura plus que loupé depuis 2017.
La dette à plus de 100% pose un problème d'efficience publique : le compte n'y est pas et la question simpliste " où va l'argent ? " doit être formulée à commencer par certaines dépenses et traitements somptuaires. Ici des taxis d'une dirigeante fautive finalement promue, là des sommes allouées à une ancienne ministre – Chantal Jouanno - pour un organisme qui ne produit pas grand-chose de fécond.
Quand les infirmières du public sont à cinquante euros près, d'autres – dans le même État – ne sont pas à 500 Euros près. C'est un fait.
La dette à plus de 100% est pour l'heure assez indolore du fait des bas taux d'intérêt. Chaque année, l'Agence France Trésor renouvelle un flux de près de 300 Mds de dettes à des taux voisins de zéro et la musique de l'orchestre continue à jouer en gommant le fait que des taux voisins du nominal d'inflation requis par les statuts de la BCE, soit 2%, représenterait plus de 60 milliards de charge budgétaire, soit 180% du budget du Ministère de l'Éducation nationale.
Clairement, quand l'inflation liée aux conséquences du virus, impactera les taux d'intérêt, la France sera dans une posture plus que délicate et la dette à plus de 100% sera un problème tangible et non une simple équation comptable.
Olivier Blanchard, ancien économiste du FMI, qui militait pour plus de dette pour financer l'investissement est désormais nettement plus disert. Il faut dire que les récentes décisions de l'Exécutif sont impressionnantes.
On a plus que doublé le déficit budgétaire et ainsi, le PLFR ( projet de loi de finances rectificatif 3 ) verra le montant de la dette se caler autour du chiffre de 118% du PIB voire plus car le PIB va décroître de près de 10% et augmenter mathématiquement le ratio dette sur PIB.
La France peut-elle survivre avec 120% de dette ? La réponse est oui car nos créanciers savent que notre arsenal législatif ( voir la Loi Sapin 2 ) a pris en otage – ou plus précisément en caution de fait – une large part de l'épargne des Français qui détiennent plus de 100.000 euros sur un compte lambda dans un établissement teneur quelconque.
Jamais on ne prêterait autant et à si bas prix à la France s'il n'y avait la capacité juridique de capter une portion sérieuse de l'épargne. Pour ceux qui s'excitent en disant que la dette n'est pas un problème, je leur dis qu'ils oublient la spoliation possible des citoyens qui ont été fourmis quand l'État et ses satellites étaient manifestement cigales.
La dette à plus de 100% du PIB, c'est la confirmation, in vivo, de la pertinence de l'équation ricardienne selon laquelle la dette d'aujourd'hui sont les impôts de demain. Le calcul n'est pas insurmontable. Si l'État bénéficie d'un potentiel fiscal de 300 Mds par an, cela veut dire qu'il faut près de 8 années pour rembourser – en théorie – la dette française. Mais, dans le même temps, il faut bien que la sphère publique continue de fonctionner ! Autrement dit, un calcul précis implique une duration de remboursement de plus de 25 ans, soit une génération.
Oui, la dette à 100 voire 120% est gérable à court terme mais elle induit un passif trans-générationnel impur car nos enfants n'ont rien fait pour mériter cette dette et ce fardeau fiscal corrélatif.
Par ailleurs, il ne faut pas avoir une approche de Cyclope en parlant de dette publique. Il y a la dette explicite dite de Maastricht, soit 120% du PIB et il y a la dette implicite dite dette hors-bilan qui représente les engagements financiers de l'État pour un montant désormais supérieur à 4.200 Mds d'euros.
Un instructif rapport du Sénat, rédigé sous l'égide de la Sénatrice centriste de l'Orne, Nathalie Goulet, a établi le dynamisme terrible de cette dette implicite depuis 10 ans. ( https://www.senat.fr/rap/l19-140-313/l19-140-313.html )
Plus de la moitié de cette dette de plus de 4.000 milliards vient légitimement de l'inscription comptable des retraites et pensions des fonctionnaires.
En revanche, il demeure plus de 1.500 Mds dédiés à d'autres engagements : parfois opaques.
Prenons un exemple récent, les PGE ( prêts garantis par l'État ) afin de soutenir les entreprises privées pour un montant total de 300 milliards d'euros ne seront pas dans la dette explicite mais dans le hors-bilan.
Hors contrôle du Parlement et modérément suivi par la Cour des comptes du fait d'astuces dignes du window-dressing de certains groupes privés en mal de rectitude comptable.
Quand BPI France, dans quelques années, sera contrainte de constater des pertes et des appels en garantie, nous serons face à une sorte de Crédit Lyonnais dont Philippe Séguin, avait dans un rapport parlementaire fameux, vilipender les pratiques d'alors.
Pour conclure, si on prend le soin rigoureux d'additionner les dettes explicite et implicite, on parvient à près de 7.000 Mds d'euros soit bien davantage que 100% du PIB…
Oui, la France file vers un problème.