Comment le secteur immobilier américain réagit à l’élection de Donald Trump

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Par Nicolas Tarnaud Publié le 29 novembre 2016 à 5h00
Donald Trump Immobilier Etats Unis
@shutter - © Economie Matin
250 000 $Aux Etats-Unis, le prix médian d'un logement est de 250 000 dollars.

Les acteurs du monde économique, financier et immobilier ont été surpris par l’élection de Donald Trump, 45e président des États-Unis. Depuis les années 80, il a toujours été présent dans l’industrie immobilière aux États-Unis comme à l’étranger et son père Fred Trump a également été un magnat de l’immobilier new-yorkais durant plusieurs décennies.

Ce n’est pas un hasard, si les Trump ont toujours eu l’immobilier « dans le sang » selon certains américains. De nombreuses questions restent ouvertes et beaucoup d’américains ont du mal à se projeter dans ce nouveau scénario politique et économique. Ils doutent de la pertinence et de l’efficacité des nouvelles mesures prises en faveur de l’économie et de l’immobilier. En 1980, durant la campagne des élections américaines, Ronald Reagan utilisait le slogan « Let’s make America great again ». Une fois élu, s’inspirant des théories de l’économiste libéral Milton Friedman, il mit en place une politique de déréglementation de l’économie américaine et du secteur bancaire. 36 ans plus tard, Donald Trump remporte les élections américaines avec quasiment le même slogan « Make America great again ». Aujourd’hui, il souhaite libérer l’économie de toutes les contraintes étatiques et fiscales considérées comme trop contraignantes pour relancer la croissance américaine face à une concurrence étrangère de plus en plus agressive.

Les acheteurs étrangers

La campagne de Donald Trump a essentiellement été axée sur l’immigration. Or, depuis une quinzaine d’années, le marché immobilier du luxe aux États-Unis a été dynamisé par la clientèle étrangère. Sans la présence de celle-ci, les prix n’auraient jamais pu atteindre de tels niveaux, aussi bien à New-York qu’à Miami, Los-Angeles ou Seattle. Stratégiquement, la victoire de Donald Trump devrait améliorer les relations diplomatiques avec la Russie. Si celles-ci se concrétisent, les russes devraient davantage investir sur le territoire américain. L’arrivée de cette clientèle fortunée (Ultra high net worth individuals) russe devrait dynamiser le marché haut de gamme new-yorkais. La ville de New-York est la ville préférée de ces acquéreurs aux budgets conséquents. Ainsi, ces dernières années, les étrangers ont représenté approximativement 15% des acheteurs new-yorkais. Selon les agents immobiliers de la ville, les investisseurs étrangers considèrent l’immobilier de la Big Apple comme un placement sûr et liquide. Dans ces conditions, comment ne pourraient-ils pas s’intéresser à cette classe d’actifs ? Selon l’Association des Agents Immobiliers (National Association of Realtors), ce sont les investisseurs internationaux qui ont acquis les biens immobiliers les plus chers. Ainsi, entre avril 2015 et mars 2016, les étrangers ont investi 102,6 milliards de dollars dans l’immobilier résidentiel américain. Par ailleurs, les Asiatiques sont les premiers investisseurs étrangers aux États-Unis et sur la Côte Ouest. Les acheteurs Chinois ont dépensé en moyenne 881 800 dollars contre 499 600 dollars pour les autres acheteurs internationaux en 2015, selon l’Association Nationale des Agents Immobiliers.

Le logement aux États-Unis

De génération en génération, la propriété a toujours fait partie intégrante de l’« american dream » et a toujours été synonyme de réussite sociale dans un pays qui compte plus de 135 millions de logements. Les classes moyennes ayant voté pour Donald Trump ne détiennent plus suffisamment de pouvoir d’achat pour se loger dans les zones urbaines résidentielles. Cette situation n’est pas nouvelle mais s’est amplifiée depuis la fin des années 90 avec la financiarisation des économies mondiales. Ainsi, le prix des logements américains a été multiplié en moyenne par 1,8 en 20 ans selon Zillow. Les grandes métropoles américaines deviennent de plus en plus inaccessibles à l’achat comme à la location. Ainsi, le prix d’un logement à San Francico a été multiplié par 3,5 et à New-York par 2,3 en 20 ans. Aujourd’hui, le prix médian d’un logement aux États-Unis est de 250 000 dollars selon l’association Realtor. Bien que le taux de propriétaires soit tombé à son plus bas niveau en cinquante ans pour atteindre 62,9%, de plus en plus de foyers américains optent pour la location ou la colocation en milieu urbain, pour des raisons de coût et de flexibilité (mobilité géographique). Pendant les 18 mois de sa campagne électorale, Donald Trump n’a pas abordé directement le problème de logement des classes moyennes. Aujourd’hui, de nombreux acheteurs, vendeurs, locataires, propriétaires occupants et investisseurs privés s’interrogent sur les évolutions du marché résidentiel et des prix immobiliers. Les projections économiques restent encore difficiles à ce stade. En effet, nous ne connaissons pas exactement les mesures que prendra Donald Trump à l’égard de l’industrie immobilière ou économique au sens large.

Les taux d’intérêt

Depuis l’élection de Donald Trump, le marché obligataire américain est devenu particulièrement volatile sur les taux longs. En effet, les taux à 30 ans sont passés à 4% et risquent d’augmenter dans les prochains mois selon l’Association des prêteurs immobiliers. Comme les Etats-Unis se trouvent actuellement dans une période d’incertitude, les taux connaissent une tendance haussière. Si les prêts immobiliers coûtent plus chers, le nombre de transactions risque de baisser et les refinancements immobiliers diminueront. Il y aura un impact sur les prix immobiliers (Les prix immobiliers seront impactés). Pour Tony James, directeur du fonds Blackstone, augmenter les taux pour relancer la croissance américaine n’a pas de sens. Avec un programme d’investissement public de 500 milliards de dollars et une politique fiscale ambitieuse (déduction, crédit d’impôt), le gouvernement Trump devra se financer sur le marché obligataire et convaincre les investisseurs. Courant 2017, l’Amérique devrait connaître une période inflationniste et par voie de conséquence une augmentation des taux d’intérêts et du loyer de l’argent. Cette politique ambitieuse devrait coûter environ 5 000 milliards de dollars selon certains analystes américains. Donald Trump compte sur un retour sur investissement avec la création d’emplois générant davantage de recettes fiscales directes et indirectes. La consommation représente toujours 70% du produit intérieur brut américain. Ces nouvelles recettes permettront-elles de diminuer le coût global du programme de Donald Trump ? Si la croissance américaine n’est pas au rendez-vous dans la durée, ce sont les générations futures qui supporteront la dette actuelle de 20 000 milliards de dollars et le financement des prochains déficits. Que serait l’Amérique sans l’économie de la dette ? Le monde (acteurs publics et privés) n’est-il pas endetté avec lui-même ? Le long des côtes américaines le marché immobilier est particulièrement sensible aux conditions de financement des ménages et au montant de leur apport personnel. Si les taux devaient augmenter dans la durée, les emprunteurs disposeraient moins d’apport personnel et de pouvoir d’achat immobilier pour acquérir leur résidence principale.

Dérégulation de l’économie

De la même manière que Ronald Reagan durant les années 80, Donald Trump souhaite modifier la réglementation financière en assouplissant les conditions d’obtention des prêts. Depuis la crise des subprimes, de nombreux américains sont exclus du financement immobilier, et ne peuvent se permettre de devenir propriétaire. En effet, les emprunteurs doivent bénéficier d’une notation élevée « credit score » pour obtenir un crédit immobilier attractif à taux fixe. Ainsi, les 10 000 petites banques locales pourront davantage octroyer de crédits immobiliers à des profils plus risqués. Ces nouvelles mesures doperont le marché de la construction et de l’immobilier. Des disparités locales apparaîtront. En cas de retournement conjoncturel, certaines catégories de population risquent de payer les conséquences de ces mesures libérales. Les défauts de paiement en cascade et les faillites immobilières ne nous rappellent-ils pas la crise des Subprimes ?

Pour conclure

Malgré l’absence de visibilité économique de la première puissance mondiale, l’immobilier résidentiel continuera d’être le placement privilégié des américains. En effet, c’est un actif qu’ils peuvent arbitrer une fois le crédit remboursé quels que soient leur situation professionnelle et leur âge. Ainsi, de nombreux américains à la retraite utilisent cet actif pour obtenir des liquidités « reverse mortage » et augmenter le niveau de leur pouvoir d’achat. Si la stratégie de Trump fonctionne en créant des emplois bien rémunérés, de nouveaux programmes immobiliers résidentiels se développeront dans la majorité des États. Cependant, la santé d’un marché immobilier résidentiel dépend de bien d’autres paramètres comme le niveau de l’inflation, les taux d’intérêt, les conditions de financement, le marché de l’emploi, la fiscalité des particuliers et l’environnement macro-économique.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.

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