Soutenir les entreprises françaises sans réglementation excessive

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Par Pierre Maurin Publié le 5 avril 2018 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
2,56 milliards ?Les levées de fonds des entreprises françaises ont atteint 2,56 milliards d'euros l'an dernier.

A l’heure où la France retrouve les faveurs des investisseurs internationaux avec une hausse globale des projets de 16% sur un an, le projet d’extension du décret Montebourg suscite des interrogations.

Plutôt que de réglementer l’économie, il faut au contraire poursuivre une stratégie d’attractivité qui donne des résultats et la combiner avec des solutions permettant de renforcer nos entreprises.

Le projet du gouvernement

La France par la voix de son Premier Ministre a annoncé il y a quelques semaines un élargissement du décret Montebourg ; l’objectif affiché est de protéger des secteurs stratégiques de l’économe française de certains investissements étrangers. L’élargissement de ce décret prévoit des sanctions pour les investisseurs qui ne respecteraient pas les engagements pris.

Les investissements étrangers sont les bienvenus en France, mais sous certaines conditions. Jusqu’ici, l’acquisition d’une entreprise française par des investisseurs étrangers dans les secteurs suivants : énergie, eau, transports, santé publique, communications électroniques, défense, sécurité nationale est soumise à l’approbation de Bercy. Des demandes de modifications de certaines opérations, voire même des sanctions financières sont possibles contre les investisseurs qui ne respectent par certains engagements, comme la préservation de l’emploi, le maintien du siège social ou de capacités industrielles suffisantes. La liste des secteurs concernés va aujourd’hui s’étendre et concerner des entreprises dans les univers de l'intelligence artificielle, de la protection des données personnelles et probablement demain aux nanotechnologies, au spatial et aux infrastructures financières (plates-formes de négociations, chambre de compensations...). Pour améliorer le suivi de ces engagements, le gouvernement envisage le recours à un auditeur externe, aux frais de l'acquéreur….

Enfin, le recours aux « golden share » permettront à l'État le droit de mettre son véto à un franchissement de seuils de participation en capital et en droit de vote, de s'opposer à la cession d'actifs ou de nommer un représentant au conseil d'administration. L’Exécutif envisage aussi de prendre des participations dans certaines entreprises, de l’ordre de quelques %, ce qui permettra de bloquer un retrait de la côte en cas d’OPA.

Ces mesures interventionnistes nous ramènent en arrière sur le plan des libertés économiques. On comprend la volonté du gouvernement de vouloir protéger les entreprises françaises dans certains secteurs stratégiques, mais dans le passé, le blocage de certaines opérations comme l’acquisition de Daily Motion par Yahoo au profit de Vivendi n’a pas créé les synergies industrielles escomptées. Un autre exemple d’agitation interventionniste a été celui du Cloud Souverain qui loin de constituer un champion européen a été un échec alors que OVH est une réussite entrepreneuriale éclatante !

Comme l’ont souligné certains acteurs de la tech française dont France Digitale et le Syntec Numérique, même si le montant des levées de fonds en 2017, qui s'élève à 2,56 milliards d'euros (source Ernst & Young), a quadruplé par rapport à 2013, ce décollage a été permis par le retour des investisseurs internationaux. Cet élan reste toutefois fragile, dans un contexte de compétition avec d’autres grands pays, surtout en cas de retournement de cycle ou de résurgence d’une bulle financière. Nous pourrions aussi avec ces mesures nous retrouver en situation délicate vis-à-vis de la législation européenne.

Un vrai fonds d’investissement stratégique et souverain

Des solutions existent toutefois pour protéger efficacement les entreprises et les aider à se développer dans les secteurs stratégiques de l’économie française. La proposition du gouvernement de prendre des participations via un endettement de la banque publique Bpifrance est une piste à explorer ; la BPI étant déjà engagée dans ce type d’opérations, en endossant déjà à la fois les rôles d'un fonds souverain - chargé de faire des investissements profitables - et d'un fonds stratégique - censé soutenir des entreprises « clés »

Mutualisons ces deux missions et profitons-en pour consolider un grand fonds souverain et stratégique avec les mêmes règles que les autres fonds d’investissement, une autonomie de gestion vis-à-vis de l’Etat qui serait représenté dans son conseil de surveillance. Cela nous éviterait de passer pour un pays administratif et réglementé, tout en accompagnant les entreprises françaises dans leur développement, sur des critères de rentabilité ou de dimension stratégique. Ce fonds souverain serait autonome vis-à-vis de la BPI, qui pourrait se recentrer notamment sur la résorption des failles de marché, consistant à suppléer aux banques traditionnelles, quand celles-ci répondent aux abonnés absents.

Ce fonds souverain et stratégique reprendrait l’ensemble des participations de l’état dans les entreprises, avec trois niveaux de segmentations selon les investissements, les grandes sociétés, les investissements dans les PME et ETI, et les startups. Il serait géré selon les standards du marché avec des administrateurs nommés sur des critères de performance et de réussite dans le monde des affaires.

Des fonds de pension et une réorientation de l’épargne dans le financement de l’économie

Une autre solution est aussi indispensable et permettrait de dégager les fonds nécessaires pour accompagner les entreprises françaises tout en les protégeant d’un actionnariat étranger trop prédateur ; il s’agit de la création de fonds de pension en France. Ces fonds de pension prendraient des participations dans les entreprises françaises aux côtés du fonds d’investissement souverain.

Les fonds de pension n’existaient pas réellement en France jusqu’à une période très récente, il y a bien une retraite supplémentaire facultative d'entreprise, en sus de la retraite de base (sécu) et complémentaire (Agirc Arrco notamment), deux niveaux obligatoires. Les sommes collectées représentent un montant d’environ 13 milliards € par an, contre plus de 300 milliards pour les régimes obligatoires. Les sommes placées au titre des différents produits s’élèvent à 200 milliards €, environ à comparer à une provision globale de 1 600 milliards € au titre de l’assurance vie.

La Loi Sapin II permet aujourd’hui la création des Fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS). Ce nouveau cadre garantit à la France le développement d’une épargne retraite entreprise et permet de se rapprocher des autres pays européens qui bénéficient déjà d’un environnement mieux adapté aux fonds de pension, avec la possibilité d’investir dans des actifs de long terme (principalement les actions) pourtant bien adaptés aux activités de retraite.

Même si le montant des Fonds de retraite professionnelle supplémentaire est inférieur à celui de l’Assurance Vie, ces 200 milliards € pourraient accompagner les entreprises françaises qui seraient moins dépendantes de fonds de pension étrangers. Les épargnants français prépareraient leurs revenus de demain, tout en contribuant au financement de l’économie réelle en renforçant les fonds propres de nos entreprises. Malheureusement, ce dispositif n’est pas prévu dans la loi PACTE.

La loi PACTE devrait aussi prévoir une forme d’orientation de l’assurance-vie vers le capital-risque et le non côté, pour le développement de PME et d’ETI françaises innovantes et technologiques. Les dernières mesures annoncées par le gouvernement n’envisagent pas de réforme des fonds en euros, lesquels pèsent 80% des encours, dans l’Assurance Vie. Seules des mesures homéopathiques comme l’amélioration de la « portabilité d’un produit à l’autre » (Perp, Perco, PERE et Madelin), plus de souplesse pour les retraits à l’âge de la retraite, et quelques autres améliorations comme la rénovation du fonds euro croissance plus dynamique que les fonds en euros sont sur la table des négociations.

On le voit, les solutions existent pour soutenir les entreprises françaises et les engager sur une dynamique de croissance plus forte. Il faut pour cela de l’audace, des mesures de bon sens et une prise de risque un peu plus forte pour transformer l’économe française !

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Pierre Maurin est entrepreneur, Vice-Président des Centristes Paris et Membre du Comité Exécutif de Les-IDées.fr. Délégué Economie et Emploi Les Centristes Elu du 9ème arrondissement de Paris.

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