Le rapporteur spécial des crédits de la défense, François Cornut-Gentile, vient de dénoncer un « coup de poignard aux armées ». C’est le second du quinquennat, le premier, peu après l’élection de notre jeune président de la République, ayant provoqué la démission du chef d’État-major Pierre de Villiers, en juillet 2017.
Budget des armées : le décor change, le problème demeure
A l’époque, il s’agissait déjà d’une affaire de gros sous : 850 millions d’euros soustraits au budget de la défense. Récidiver, à hauteur cette fois de 404 millions, précisément au moment où Emmanuel Macron fait une longue tournée des hauts-lieux de la « Grande Guerre » pour célébrer le centième anniversaire de l’Armistice, montre à quel point les réalités peuvent différer des apparences : en apparence, nos soldats sont encensés ; en réalité, ils sont trahis par des politiciens moins soucieux de leurs vies que des deniers de Bercy.
Il n’y a pas de mystère : pour se battre en minimisant les pertes et en maximisant les chances de succès, il faut que nos troupes soient bien équipées. Or, une fois de plus, ce sont les crédits destinés aux programmes d’équipement qui vont être sacrifiés : 319 millions, sur les 404 millions d’économies annoncés par le ministre des armées Florence Parly, sont des annulations de programmes. Pourtant, tous les témoignages concordent : nos forces doivent déjà se « débrouiller » avec des véhicules, des moyens de transport aérien, et d’autres matériels, qui sont hors d’âge, ou trop sollicités. L’ingéniosité des combattants et des services de maintenance a beau être admirable, le bricolage ne remplace pas complétement la « jeunesse » du matériel.
Des cafouillages budgétaires...
Les cafouillages budgétaires à répétition auxquels sont soumises nos forces armées depuis une dizaine d’années tiennent pour une bonne part au fait que nos dirigeants, fonctionnaires et hommes politiques, n’ont pas vraiment intégré le fait que la France est en guerre sur plusieurs champs de bataille. Il existe un budget spécifique pour ces opérations extérieures (OPEX), mais il est chroniquement voté, dans le cadre de la loi de finances, avec des chiffres inférieurs environ de moitié aux dépenses qui sont ensuite réalisées à ce titre. Il a fallu et il faut ensuite réduire certains budgets, notamment d’équipement. Pourtant personne, ni au Gouvernement, ni au Parlement, ne pouvait ni ne peut ignorer que nos engagements, au Moyen-Orient et au Sahel, ou encore, antérieurement, en Afghanistan, sont durables.
Que le PLF (Projet de loi de finances) ait sciemment été voté, année après année, en minimisant à peu près de moitié la dépense imputable aux OPEX, en dit long sur le mépris que nos gouvernants et une majorité de nos élus ont pour l’article 47-2 de la Constitution, aux termes duquel « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères ».
S’agissant du budget OPEX 2018, qui est en passe d’être insuffisant à hauteur de 1,3 milliard d’euros, le ministre de la Défense, Florence Parly, aurait parait-il osé dire en octobre dernier : « c’est un budget sincère parce que les opérations extérieures sont également couvertes à un niveau bien plus réaliste encore que l’année précédente ». J’espère que ce n’est pas vrai. Car la vérité est que le poste budgétaire le plus régulièrement inexact, celui des OPEX, relève du budget de la Défense. Et que cela en dit long sur l’irrespect dont sont victimes nos forces armées en même temps que notre Constitution.
… au gâchis économique
Cette gestion calamiteuse augmente le coût des équipements, car différer des livraisons contractuellement prévues engendre nécessairement des indemnisations. Faire payer l’addition par les fournisseurs serait également une mauvaise décision, car cela affaiblirait notre industrie d’armement, alors que l’intérêt national est qu’elle soit en bonne santé et dispose des moyens requis pour préparer les prochaines générations de matériel. Certaines décisions visant à faire des économies sur le papier engendrent en fait des gaspillages.
Et à propos de gaspillages, rappelons que pour ne pas avoir à étrangler budgétairement nos armées, il suffirait d’en éviter quelques-uns parmi tous ceux qui se produisent, année après année, à tous les niveaux de l’action gouvernementale. Combien nous coûtent les projets abandonnés parce que bâclés, comme les portiques destinés à faire payer les poids lourds qui usent nos routes, ou l’aéroport de Notre-Dame des Landes, ou encore les logiciels publics qui cafouillent – dont d’ailleurs le logiciel de paie des armées, dit « Louvois » ? Nos soldats mériteraient des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires plus compétents.