Les banques et les établissements de crédit indiens impliqués dans les prêts immobiliers devraient souffrir de la démonétisation des billets les plus utilisés. En réalité, cette mesure prise par un gouvernement dit démocratique pénalise 98% de la population.
Selon mon collègue Vivek Kaul qui écrit pour le bureau en Inde, les secteurs qui se trouveront pénalisés par la « bancarisation forcée » des Indiens seront l’immobilier et l’activité de crédit immobilier. « La plupart des transactions en Inde se font avec en partie de l’argent au noir. Ce paiement complémentaire se fait en espèces sans enregistrement ». Selon Vivek, la proportion de noir varie entre 20% et 50%. Par exemple, il y a plus de noir à Delhi qu’à Bengaluru.
« Ceci rend les prêts octroyés bien plus sûrs pour les banques et les établissements de crédits immobiliers. Pourquoi ? Parce que le prêt ne finance qu’une petite proportion de la valeur de l’immobilier ». Disons que la valeur officielle d’un bien est de 100. Une banque prête 65, donc 65% de ratio prêt-valeur. Mais la valeur officielle du bien ne prend pas en compte le noir. Admettons que celui-ci représente 25% de plus. La véritable valeur à laquelle est adossé le prêt est donc de 125, le crédit ne représente plus que 65 sur 125 de valeur réelle, soit un ratio prêt-valeur de 52%.
C’est donc une marge de sécurité considérable pour les banques. Vivek cite l’exemple de la société de crédit HDFC, cotée sur le marché indien. Celle-ci affiche un ratio prêt-valeur de 64%, mais en réalité, avec le noir, le véritable ratio est de l’ordre de 50% voire inférieur. Même chose pour State Bank of India qui affiche un ratio prêt-valeur de 52,9% et dont le ratio réel doit tourner autour de 40%. Avec la disparition des espèces, la part du noir va disparaître, les valorisations vont chuter.
« Les prix de l’immobilier devraient corriger d’environ 30%. En dehors des grands emplacements, les villes moyennes seront les plus touchées », selon Yashwant Dalal, président de l’association des agents immobiliers en Inde, cité par The Economic Times. Donc, conclut Vivek, même si le prêt immobilier en Inde devrait rester une affaire rentable, elle sera beaucoup moins sûre que par le passé. Pour les chevaliers blancs qui pensent cependant que le zéro cash pourfend la corruption, voici de quelques contre arguments.
Arun Kumar , économiste dans Time : « Le problème est que seulement une petite proportion de l’argent provenant du noir est stocké en cash ». Les estimations varient entre 1% et 2%. Les vrais criminels recyclent rapidement leur cash en immobilier ou dans des comptes à l’étranger. Pour 1% à 2% de criminels, le gouvernement Modi a donc décidé de pénaliser les 90% des Indiens qui vivent en cash — sans parler des 233 millions qui n’ont même pas de compte bancaire, et encore moins de cartes de débit ou de crédit.
« Modi, assassin de la démocratie en Inde », proclame en anglais un panneau d’un manifestant sur une photo de Reuters. Effectivement, lorsque les décrets sont nuisibles à 98% individus, où est la démocratie ?
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