A en croire la Cour des comptes, ce n'est pas l'amour fou entre les nouveaux compteurs Linky et les ménages français. Le 14 février dernier, l'institution de la rue Cambon rendait son traditionnel rapport annuel, dans lequel elle égratignait légèrement le boitier vert acidulé d'Enedis (ex-ERDF). La raison ? En dépit d'un système de comptage électrique modernisé – qui permet par exemple d'éviter les erreurs de facturation et de rationaliser sa consommation électrique –, Linky est « un dispositif coûteux pour le consommateur mais avantageux pour Enedis » estime-t-elle.
Ce faisant, le « gendarme financier » de l'Etat – de son argent, surtout – reprenait une vieille antienne des opposants au compteur, vent debout contre son installation depuis qu'elle a débuté en décembre 2015 – pour un total de 35 millions de boitiers à l'horizon 2021. D'après eux, en effet, la pose de Linky ne profiterait qu'au distributeur d'énergie ; les bénéfices réalisés par les ménages, quant à eux, ne seraient pas suffisants pour rendre la chose intéressante. A très court terme, si le raisonnement peut tenir la route, il ne résiste pas à une analyse de plus long terme.
« Atome vous envoie une alerte »
Au-delà des factures sur base « réelle » et non plus « estimée », ainsi que la possibilité offerte aux usagers de surveiller leur consommation électrique – et, donc, de réaliser des économies –, les fournisseurs d'électricité ont décidé de peaufiner leurs offres. Avec, à la clé, là aussi, quelque gains pécuniaires à espérer. Car le petit monde de la distribution électrique, en France, est en plein bouleversement, avec l'arrivée, par exemple, de Total ou de Butagaz, qui force les acteurs historiques, comme Direct Energie ou EDF, à revoir leurs grilles tarifaires. Et à innover.
Le premier vient ainsi de commercialiser une offre inédite, baptisée « heures super creuses » – en référence, évidemment, à la dichotomie heures pleines/heures creuses –, dont pourra bénéficier, à partir de fin avril, tout client équipé du compteur Linky. A l'arrivée : 50 % de réduction sur le tarif heures pleines. Et les économies attendues sont loin d'être dérisoires, selon le fournisseur d'énergie tricolore ; pour un foyer avec deux enfants et vivant dans 100 mètres carrés, elles seront de plus de 80 euros par an avec un ballon d'eau chaude, par exemple. Et ce n'est pas tout.
Direct Energie a également présenté sa dernière innovation, une application pour smartphones, tablettes et ordinateurs baptisée « Atome » – davantage « at home » qu'en référence au nucléaire –, qui permettra à ses utilisateurs de suivre, grâce au compteur communicant d'Enedis, leur consommation d'électricité. Non seulement en kilowattheures, mais également – et surtout – en euros. « Si vous avez une multitude d'appareils connectés et que votre compteur risque de disjoncter, Atome vous envoie une alerte » expliquait par ailleurs un responsable de Direct Energie.
Participer à la transition énergétique
Les deux autres géants tricolores de la distribution électrique, EDF et Engie, ne sont pas en reste, puisqu'ils prévoyaient déjà, dans leur besace, des offres à destination des usagers Linky. En 2017, le premier instaurait son offre « Vert Electrique Week-End », basée sur la consommation d'énergies renouvelables, qui permet aux ménages, les samedis, dimanches et jours fériés, d'avoir recours à de l'électricité propre et, surtout, moins cher. Idem, l'ex GDF-Suez propose une offre verte « Elec Weekend », qui offre la possibilité de consommer de l'électricité 30 % moins cher.
Mais encore faut-il avoir Linky, donc. Car, jusqu'à présent, deux compteurs étaient nécessaires pour jongler entre l'électricité « classique » et l'électricité renouvelable. Mais avec le boitier communicant, l'arrivée des énergies vertes est non seulement facilitée, mais les consommateurs peuvent devenir « consomm'acteurs » et produire eux-mêmes leur électricité renouvelable, pour la consommer directement ou la revendre. Résultat : en plus de réduire leurs factures – voire gagner de l'argent –, les ménages tricolores ont la possibilité de participer à la transition énergétique.
Une faculté qui se développera, en France, quand davantage de fournisseurs d'électricité prévoiront des offres vertes et moins cher, au même titre que les trois entreprises précitées. Et, surtout, si le projet Linky va à son terme. Car le boitier, estime la Commission de régulation de l'énergie (CRE), rend « possible la réduction de la consommation d'énergie, le développement de nouveaux acteurs et de services énergétiques qui pourront faciliter la vie du consommateur et l'optimisation des coûts des réseaux et de leur performance. » Un message adressé, entre autres, à la Cour des comptes ?