La France vit depuis 2012 et la présidence de François Hollande une véritable frénésie fiscale dont les classes moyennes – qui se situent entre les 30 % des contribuables les plus démunis et les 20 % les mieux rémunérés – sont les premières victimes (1). De toute évidence, le quinquennat de la République en Marche emprunte le même chemin.
Depuis la semaine dernière en effet, l’Assemblée Nationale réunie en séance plénière examine le texte du Projet de Loi de Finances 2018 qui fixe les orientations budgétaires et fiscales pour les cinq prochaines années. Faute de débat réellement contradictoire – la cadence imposée aux députés ne le permet pas –, le texte devrait être adopté quasiment en l’état par l’hémicycle qui examine, dans la foulée, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS).
Or, loin de constituer une rupture économique pour relancer l’activité, réduire les inégalités devant la charge de l’impôt, et permettre de s’attaquer durablement à la réduction du déficit public, ces réformes perpétuent en réalité la tradition française de matraquage fiscal entérinée par le précédent quinquennat, et accentueront la concentration de l’impôt sur les classes moyennes.
Hausse de la CSG : une perte sèche pour les retraités, un gain limité pour les salariés !
L’examen du PLFSS a débuté mardi 17 octobre avec l’article 7 portant sur les « mesures relatives au pouvoir d’achat des actifs ». La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a ainsi entériné l’augmentation d’1.7 point de pourcentage de la Contribution Sociale Généralisée (2) en compensation de la suppression des cotisations salariales sur l’assurance chômage et l’assurance maladie pour les actifs du privé (3).
Dès le 1er janvier 2018, la hausse s’appliquera donc à l’ensemble des salariés du privé et du public, ainsi qu’aux retraités qui déclareront aux impôts un revenu net imposable supérieur à 14 375 euros par part de quotient familial (soit une pension au moins égale à 1 400 euros par mois pour une personne seule de plus de 65 ans) (4).
Le gouvernement, soutenu par sa majorité à l’Assemblée Nationale, affirme que la réforme devrait conduire à « redistribuer à terme plus de 7 milliards d’euros [de pouvoir d’achat] aux actifs grâce à la solidarité intergénérationnelle » et « constituer une mesure de justice sociale cohérente avec l’objectif de contribution équitable de l’ensemble des Français au financement de la protection sociale ». En réalité, la mesure constitue une perte sèche pour les huit millions de retraités concernés qui sortent déjà de trois ans de gel de leurs pensions.
D’ailleurs, pour ceux, qui, du fruit d’une longue – et souvent pénible – vie de travail auraient investis dans l’immobilier, la hausse de la CSG portera à la fois sur leurs pensions, et, de l’effet de la transformation de l’Impôt sur la Fortune (ISF) en Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), sur leurs revenus locatifs !
Pour les salariés, la suppression des cotisations salariales (équivalente à 3,15 % de la rémunération brute (5)), prise seule, aurait par exemple dû se traduire par un gain de pouvoir d’achat de 263 euros par an pour une personne rémunérée au SMIC, de 526 euros pour un couple dont chacun des membres est également rémunéré au SMIC.
C’est sans compter la multiplication des taxes en tout genre que prévoit ou entérine le texte du Projet de Loi de Finances et qui vient fausser le calcul du « gain » de pouvoir d’achat pour les ménages et les classes moyennes. Près de 40 taxes ont été créées sous le mandat de François Hollande, et dans l’illusion de chercher à simplifier la fiscalité, le gouvernement actuel se met en réalité En Marche vers davantage de matraquage.
Le tabac : les députés ont voté la hausse du prix du tabac prévue par le PLFSS, jusqu’à 10 euros le paquet de cigarettes d’ici à 2020. Aucune relation de cause à effet avec la baisse de la consommation n’a à ce jour été prouvée, et l’absence d’harmonisation européenne sur la question conduit de toute façon aux stratégies de contournement. La population défavorisée sera la première victime de cette hausse.
La santé : la hausse du forfait hospitalier, qui passera de 18 à 20 euros par jour, couplée à l’augmentation du prix de la consultation chez un généraliste entrée en vigueur le 1er mai dernier, augmenteront les dépenses des mutuelles qui ne laissent planer aucun doute sur le fait qu’elles seront répercutées sur les cotisations des ménages.
Les carburants : le PLF entérine également la convergence de la fiscalité entre le diesel et l’essence. La mesure devrait ainsi alourdir de 7,6 centimes par litre les taxes sur le diesel rien que pour l’année 2018, de 3,9 centimes pour l’essence.
Les commerçants : l’article 46 du PLF entérine l’obligation pour les assujettis à la TVA qui enregistrent les règlements de leurs clients au moyen d’un logiciel de comptabilité, de gestion, ou d’un système de caisse, d’utiliser désormais un logiciel certifié par un organisme accrédité. Une nouvelle mesure coûteuse à l’achat pour ces derniers et multiplicatrice des démarches administratives.
Les classes moyennes et les petits épargnants n’auront pas grand-chose non plus à gagner de la réforme de la fiscalité du patrimoine.
Après adoption, la transformation de l’Impôt sur la Fortune (ISF) en Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) entrera en vigueur dès le 1er janvier 2018 et sortira de l’assiette de l’impôt l’ensemble des titres et valeurs mobilières (comptes titres, PEA, contrats d’assurance-vie, livrets...) (6).
7 français sur 10 estiment déjà que la sortie de l’impôt des actions et autres avoirs financiers creusera les inégalités, et pour cause : il profitera davantage aux 30 % de contribuables imposables les plus riches pour lesquels les actifs immobiliers ne représentent que 20 % de leur patrimoine, qu’aux 70 % de foyers fiscaux « les moins riches » pour lesquels les actifs immobiliers représentent 80 % de leur patrimoine, et qui sont de toute façon moins enclins à se risquer d’investir dans la sphère financière.
Le nouvel IFI sera encore plus coûteux que l’ISF (7) , idéologique plus qu’efficace, il complexifie le système et créera de nouvelles stratégies de contournement alors que rien ne garantit à l’Etat que l’argent défiscalisé sera bien réinvesti dans le tissu des entreprises françaises. La seule solution : la suppression pure et simple de cette exception française pour inciter les ressortissants français à relocaliser leurs actifs sur leur territoire d’origine, encourager l’investissement, et assurer la pérennité des entreprises.
Quant au Prélèvement Forfaitaire Unique de 30 % sur les revenus du capital et plus- values mobiliers (8) entériné par les députés ? La mesure a donné lieu à des débats animés à l’Assemblée Nationale et pour cause. L’objectif affiché par le gouvernement est de « rediriger l’épargne vers l’économie productive ». En réalité, la réforme créera une forme de « neutralité fiscale » entre les différents placements et incitera davantage les particuliers à placer leur épargne à court terme. Elle constitue en outre un véritable cadeau aux plus gros des revenus du capital. Selon les estimations de l’Observatoire des Inégalités, un ménage qui touche 400 000 euros de revenus financiers annuels bénéficiera d’un cadeau fiscal de 96 000 euros. Il sera seulement de 1700 euros par an pour ceux qui perçoivent 50 000 euros de revenus financiers, soit un ratio de 24 contre 3,4 !
En outre, le Prélèvement Forfaitaire Unique fera des perdants parmi ceux qui disposent de revenus imposés à des taux déjà inférieurs à 30 % : même s’ils pourront finalement conserver le régime d’imposition actuel qui leur est plus profitable (impôt sur le revenu ou régime libératoire), ils seront tout de même soumis à la hausse de 1.7 point de pourcentage de la CSG sur leurs prélèvements sociaux.
Comme le souligne l’Observatoire, l’ampleur de ce cadeau pour les plus gros patrimoines – 2 milliards d’euros –risque de constituer un affront à l’endroit des classes populaires et moyennes à l’heure où un nouvel effort leur est demandé pour palier à l’état des finances publiques. Cette mesure constitue à elle seule « l’illustration de l’hypocrisie d’un discours qui taxe davantage le salaire que la spéculation boursière », « qui donne du grain à moudre aux discours populistes qui se focalisent sur les ‘super-riches- et éludent la nécessité d’un effort équitablement partagé entre les contribuables » !
Les réformes ainsi précipitamment entreprises, sans étude préalable d’impact, risquent de n’avoir que des effets structurels limités sur l’économie française et au contraire, faire peser encore davantage le poids de l’effort fiscal sur les classes moyennes, les petits épargnants, et les retraités.
1 « Le Massacre Fiscal », Editions du Moment, 2015.
2 CSG, recette universelle portant sur les revenus du travail, du capital et de remplacement pour le financement de la protection sociale.
3 Ainsi que de la quasi-suppression de la cotisation d’allocations familiales et de l’accroissement de l’exonération des cotisations d’assurance maladie et maternité pour les actifs indépendants.
4 Les propositions d’amendement visant à exonérer de la hausse de la CSG les pensionnés d’invalidité et les résidents en maison de retraite n’ont pas été adoptés.
5 2,4 % du revenu brute pour l’assurance chômage et 0,75 % pour l’assurance maladie. La CSG devrait finalement être déductible des revenus imposables (article 38 du PLF).
6 De même que les actifs immobiliers dévolus à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale des sociétés Le seuil d’imposition (patrimoine immobilier pour un actif net supérieur à 1.3 millions d’euros) et le barème progressif (de 0,5 % à 1,5 %) restent les mêmes.
7 Il entraînera un manque à gagner de près de 3,2 milliards d’euros là où l’Etat en perd déjà des milliards du fait de l’évasion fiscale.
8 Grosso modo, tous les produits financiers soumis jusqu’à présent au barème progressif de l’impôt sur le revenu : les actions, les obligations, les sicav et fonds commun de placement, l’assurance-vie, les placements bancaires fiscalisés..). Le livret A et le PEA ne seront pas concernés par le PFU, les revenus fonciers non plus.