BCE, Brexit, Italie, bras de fer Amérique/Europe sur l'Iran, progression de l'inflation, voici le point sur les marchés...
Point de marché : réinvestissements de la BCE ?
Peter Praet, membre du directoire de la BCE, a dit que le prochain conseil du 13 décembre serait l’occasion de clarifier l’horizon sur lequel la BCE compte réinvestir les tombées du QE. Pour l’instant ces tombées, coupons payés ou obligations remboursées à maturité, sont réinvesties. Dans le cas contraire il s’agirait d’un prélèvement de liquidité sur le marché. La BCE donne d’ailleurs ses prévisions sur les 12 mois à venir : 16,5 milliards par mois en moyenne.
Peter Praet estime que le marché s’attend à ce que ce programme de réinvestissement s’étende sur « deux ou trois ans ». Il nous semble peu probable que la BCE en dise plus, à un horizon si lointain il est difficile de s’engager pour une banque centrale.
La vraie question sur ces réinvestissements est de savoir si la BCE va acheter des obligations longues. Avec des taux courts ancrés à un très faible niveau, si la BCE achète des obligations longues elle empêcherait une pentification de la courbe, et donc les taux sur toutes les maturités resteraient bas. « Opération twist » est le nom donné au programme de la Fed en 2011-2012 consistant à vendre des obligations courtes et acheter des obligations longues pour aplatir la courbe. Ce qui est une forme de stimulus monétaire. La BCE suivra-t-elle ? La gestion de la duration du portefeuille de la BCE est un élément clef, peut-être le plus important l’année prochaine. Malheureusement, il est très peu probable que nous ayons des éclaircissements sur le sujet.
Accord sur le Brexit
L’Union Européenne et Theresa May ont trouvé un accord sur le Brexit. Les détails disponibles pour l’instant restent très limités. La solution au problème irlandais est de conserver la Grande Bretagne dans l’union douanière européenne sans limite de temps et avec l’option, si une meilleure idée est trouvée dans les deux ans, de changer l’accord.
L’histoire n’est pas finie.
Plusieurs problèmes peuvent se poser pour ratifier l’accord :
- Dans l’immédiat, Theresa May doit faire accepter cet accord par son gouvernement. Une réunion est prévue aujourd’hui, cela devrait passer, … avec quelques démissions de plus.
- Si elle a l’adhésion de son « cabinet », un sommet européen spécial pourrait être convoqué d’ici la fin novembre pour entériner cet accord.
- Il faudra alors passer devant le parlement britannique, probablement avant Noël. Sur les 650 voix, on sait qu’une grande majorité des travaillistes voteront contre (254 voix), tout comme une bonne quarantaine de conservateurs « hard brexiteurs », les 10 députés Parti unioniste démocrate nord irlandais (DUP) et les 35 du Scottish National Party. Bref c’est loin d’être gagné. Dans une atmosphère dramatique (l’accord ou le « hard Brexit », version britannique de « moi ou le chaos ») et avec un temps de débat que le gouvernement réduira très probablement au maximum, on peut penser que l’accord sera validé.
- Il faudra alors passer les législations une fois la période de transition finie. Ce risque, souvent sous-estimé, peut s’avérer particulièrement difficile à gérer. La contribution britannique au budget européen ou le maintien dans l’accord de pêche sont des exemples de sujet qui fâchent. En l’absence de ces lois l’accord ne peut être appliqué.
- Finalement le parlement européen ou le Conseil pourrait retoquer l’accord. C’est peu probable.
La réaction du marché est d’ailleurs ambigüe. Appréciation de la livre qui salue fort justement les avancées des négociations. Mais aussi volatilité implicite qui progresse beaucoup ce qui dénote une inquiétude grandissante du marché alors que le temps imparti se réduit.
L’Italie ne bouge pas
L’Italie a confirmé mardi 13 novembre à la Commission Européenne son objectif de déficit et de croissance. Bref, malgré les demandes de la Commission, elle n’a rien changé. C’était largement attendu.
Là non plus, l’histoire n’est pas finie.
Prochaines étapes :
- La Commission européenne devrait confirmer son rejet du budget prévisionnel italien.
- La Commission élabore un rapport évaluant l’opportunité de lancer ou non une procédure de déficit ou dette excessive (Article 126.3).
- La Commission adresse ensuite une notification à l’Italie et informe le Conseil si elle estime qu’il y a bien un déficit excessif ou une dette excessive (Art 126.5 et 126.6)
- Sur proposition de la Commission, le Conseil décide à la majorité qualifiée s’il y a ou non un déficit excessif ou une dette excessive (Art 126.6)
- Le Conseil impose alors un délai de trois à six mois pour prendre des mesures correctives (Art 126.7)
Ce processus, avant donc même d’évoquer le sujet de possibles sanctions, nous portera largement après les Elections Européennes.
Bref : beaucoup de bruit politique, et à part le début de la procédure, aucune décision concrète à attendre. Les taux italiens se sont installés depuis début octobre dans une fourchette large centrée autour de 300 points de base. C’est notre attente à 3 mois.
Bras de fer Amérique/Europe sur l’Iran
Le Trésor américain a annoncé hier que la Banque Centrale iranienne n’avait plus accès à SWIFT.
La « Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT) » est un réseau financier basé en Belgique qui permet aux institutions financières de plus de 200 pays d’exécuter des opérations transfrontalières. SWIFT avait déjà annoncé la semaine dernière avoir coupé l’accès à certaines banques iraniennes.
En théorie, les Etats-Unis ne peuvent pas forcer directement SWIFT à prendre de telles mesures. L’Union Européenne, qui souhaitait sauver au moins une partie de l’accord nucléaire de 2015 était d’ailleurs contre ces mesures.
Bref, les pressions américaines ont donc prévalu et même si SWIFT s’expose maintenant à des sanctions européennes, le message est clair : c’est Washington et non Bruxelles qui décide en la matière. Le système européen alternatif à SWIFT, souhaité par les autorités Européennes, ne sera pas disponible avant plusieurs mois.
Un signe avant-coureur de plus de progression de l’inflation
L’enquête NFIB sur les petites entreprises américaines reste très élevée. La différence importante ce mois-ci est que la proportion des entreprises qui pensent augmenter leurs prix de vente sur les 3 mois prochains, est maintenant de 28%. C’est le chiffre le plus élevé depuis la crise et l’accélération récente est très marquée.
Un signe de plus que les risques sur l’inflation sont à la hausse.