Nous avons vu dans l’article précédent que le marketing politique après avoir incité le candidat, la candidate à soigner son look lui conseille le choix d’un thème de campagne bien repérable et facilement compréhensible par tous.
Ce thème central vise essentiellement à différencier le candidat de ses adversaires. C’est une sorte de signature qu’il reproduira à l’envi, quitte à en faire un leitmotiv simpliste et même réducteur. Aussi, quelle que soit la nature de ce thème, son existence en elle-même stigmatise les deux premiers travers du marketing politique :
– D’abord un début de maquillage de la communication. Celle-ci, a priori interhumaine car portant d’une façon ou d’une autre sur un choix de société, perd de sa spontanéité dès lors qu’elle tourne au message publicitaire calibré. Surtout lorsqu’elle se place sous le pilotage d’experts qui ne sont autres que des professionnels stratèges en communication. Outre-Atlantique et en Grande-Bretagne, ces conseillers, sont baptisés spin doctor. Une appellation qui porte en elle une connotation négative, un spin doctor n'agissant pas toujours dans le respect de la morale ;
– Ensuite, deuxième travers, l’existence même d’un choix de thème central aux allures de leitmotiv marque un début de censure par la volonté de réduire les échanges à quelques grandes lignes, plus ou moins modulables autour de ce seul thème, ou presque.
Ainsi, une femme ou un homme politique de droite prendra par exemple pour thème central l’insécurité qu’il déclinera à maintes occasions et sous toutes les formes possibles, alors que celle ou celui de gauche dénoncera sous de multiples angles l’injustice sociale. Là non plus, rien de bien spectaculaire pour l’instant et rien de bien nouveau, mis à part les deux travers que nous venons de souligner. Quoique l’on puisse aussi noter qu’un tel discours a tendance à s’appuyer plus sur des aspects émotionnels que sur des programmes politiques précis. Comme en témoignent ces quelques autres possibilités de thèmes centraux couramment mis en avant par « les politiques » d’un bord ou d’un autre, et leurs conseillers marketing : prôner, mais sans vraiment l’avouer, une sorte d’union sacrée autour de la patrie et donner cette alliance comme indispensable pour se défendre contre ceci ou face à cela ; dénoncer tout le mal que nous font les autres et proposer la meilleure façon de s’en protéger. Et encore, vanter les mérites d’une nouvelle forme de gouvernance ; décrier le trop d’État ou à l’inverse un monde de profiteurs et d’assistés. Un autre grand classique de thème central souvent utilisé par le marketing politique consiste à s’identifier en tant que candidat du changement et parallèlement assimiler les adversaires au statu quo, à l’immobilisme. Dans ce cas, pour peu que le concurrent ait un peu d’ancienneté en politique il se retrouve vite ferré, condamné à la défensive.
Quoi qu’il en soit, pour chaque candidat, l’essentiel est de pouvoir asséner « son » propre thème, inscrit dans la tendance prédominante de « ses » électeurs potentiels. Pour le coup, partant du principe qu’un programme de trente pages ne sera pas lu et que celui qui en compterait une ou deux ne serait pas pris au sérieux, de nombreux « politiques » croient pouvoir remplacer le traditionnel programme par un simple catalogue de mesures, d’intentions. Une sorte d’inventaire, accessoirement baptisé projet, pacte, motion ou même feuille de route. Or le concept même de programme n’est-il pas le gage d’un minimum de cohérence et de pérennité ?
Un programme suppose en effet l’enchaînement logique d’actions, leur complémentarité, leur inscription dans le temps, et la synergie qui peut en découler. Convenablement articulé, il constitue le socle d’une politique et fonde le choix de société qu’elle propose. Sans programme annoncé, présenté, expliqué et argumenté il ne peut y avoir de vrai débat. Sans programme il n’y a que discours plus ou moins vagues, qu’annonces plus ou moins hasardeuses, que promesses plus ou moins sincères. Il n’y a que tentative de séduction, que papotages et blablatements.
Pourtant les questions ne manquent pas, même si elles différent en fonction de la nature locale, régionale ou nationale des responsabilités visées et suivant la nature du scrutin : Quelle politique économique ? Quelle politique industrielle ? Quelle politique pour la recherche ? La santé ? La culture ? Quels grands projets pour la Ville, la Région, le Pays ? Pour l’Europe ? Quelle politique internationale ? Quelle politique de défense ? Quel déficit accepter ou pas ? Quels financements ? Quelles sont les conséquences de ces choix en termes de services publics ou à l’inverse de privatisations… ? Quelles articulations d’ensemble ? Quels calendriers … ?
Des réponses donneraient de la substance, du corps et surtout, elles donneraient de la cohérence aux desseins respectifs des candidats. Dans de nombreux cas, faute d’avoir ces réponses, on en reste aux clichés énoncés au coup par coup. Pour ne pas dire, au gré du vent ou plus exactement encore, au gré des sondages devenus les guides suprêmes. Or, même si ces derniers sont un élément important de la démocratie, sans nul doute largement préférable à la rumeur, il n’est pas sain que le politique s’y soumette et y assujettisse systématiquement (ou presque) ses convictions. Convictions qui du coup n’en sont plus.
Malgré ce risque, le marketing politique n’hésite pas à aller plus loin, nous y viendrons dans le prochain article.
Lire également : les excès du marketing politique : séduire plutôt que convaincre (1/6)